C'est une véritable sonnette d'alarme que viennent de tirer les représentants de quelque 1,6 million de retraités algériens. Comme il fallait s'y attendre, le congrès de la Fédération nationale Ugta des retraités a donné lieu à une passe d'armes entre le premier responsable de cette structure, fort de 250.000 adhérents, Abdelmadjid Azzi, et le secrétaire général par intérim de la Centrale, Salah Djennouhat. Azzi, plébiscité d'avance par les congressistes, laisse planer le doute sur sa candidature. Il a, toutefois, mis en place les ingrédients de sa réélection en se livrant à un discours-programme, venu fixer les grandes lignes de ce que devrait être le 11e congrès de la Centrale dont la date, a-t-on appris hier, a été fixée au 24 février prochain, coïncidant avec le cinquantenaire du syndicat créé par Aïssat Idir. Azzi, dont la fédération a toujours pris à bras-le-corps les préoccupations des retraités, a ainsi tenté de toucher du doigt le noeud du problème. Selon lui, donc, «(...) l'utilisation du système de sécurité sociale pour amortir le choc en retour du programme d'ajustement structurel, est la forme principale de prélèvement mise en oeuvre par l'Etat et qui rend partiellement compte aujourd'hui de l'extrême précarité qui caractérise (ce) système...». Azzi n'y va pas avec le dos de la cuillère en décrétant que «si rien n'est entrepris dans le sens d'un sérieux redressement, la CNR est réellement exposée au risque de cessation de paiement...». L'orateur prend un seul exemple, alors qu'il en existe tant, selon lui, pour décrire «tout le mal» qui a été fait à cette caisse: «(...) la CNR a pâti des efforts pervers du programme d'ajustement structurel en accueillant des cohortes de compressés, versés dans les nouveaux régimes de retraite proportionnelle et de retraite sans condition d'âge, sait un total de 280.000 nouveaux retraités, dont 40% de cadres, qui ont coûté depuis 1997 plus de 141 milliards de dinars à la Caisse que l'Etat, comme à l'accoutumée, ne compensera, même pas en partie». D'où la décision prise par Azzi de tenter d'insuffler une nouvelle dynamique à la Centrale à travers son 11e congrès, via la CEN laissée ouverte. Il parle, à ce propos, de la nécessité de «renouveler et rénover ses méthodes et ses pratiques pour être au plus près de ses membres et en capacité de la rassembler autour d'un projet mobilisateur, dans lequel ils se reconnaissent». Azzi va encore plus loin en exigeant un «débat démocratique» autour du mandat finissant de cinq années des membres de la Centrale Ugta. Salah Djennouhat, secrétaire général par intérim depuis que Sidi Saïd est en convalescence pour «une opération bénigne» a courageusement pris sur lui la responsabilité de «recadrer le débat». «Il n'y a pas de contradiction au sein de l'Ugta, a-t-il dit pour atténuer ce qui va suivre, mais au contraire beaucoup de complémentarité.» Cela se justifie amplement, du reste, pour qui sait que l'Ugta dispose de 20 fédérations, 48 unions de wilaya, 254 unions locales, 350 syndicats d'entreprise et, enfin, 12.518 sections syndicales. Djennouhat poursuit pour dire que «sur le plan sentimental», il ne peut qu'être d'accord avec Azzi. Or, «les responsabilités nationales exigent des priorités dans les combats, à commencer par l'amélioration globale du pouvoir d'achat, le règlement définitif de la question des salaires impayés, la prise en charge des plus démunis ainsi que le règlement de nombreuses situations dont certaines sont quasi inextricables». Djennouhat, avec «sa main de fer dans un gant de velours», s'est mis à la disposition des congressistes, deux jours durant, aussi bien pour assurer un parfait déroulement de ces assises, que pour répondre à leurs éventuels questionnements, y compris pour ce qui concerne le dialogue avec le gouvernement. Auparavant, la représentante du ministre du Travail, Tayeb Louh étant retenu par des empêchements gouvernementaux, a surtout tenté de rappeler tous les «avantages» accordés par les pouvoirs publics aux retraités algériens. En termes plus directs, comme nous avons pu l'apprendre en coulisses, le gouvernement signifie clairement qu'il n'accordera plus rien à cette catégorie de citoyens, ni à la CNR qui étouffe et qui risque un jour de se retrouver en situation de cessation de paiement. Djemmam, député et secrétaire général de la Cisa (Confédération internationale des syndicats arabes), a lui aussi, tenté d'abonder dans le sens développé par Djennouhat. Il a ainsi souligné que «l'autonomie d'un syndicat ne veut pas forcément dire hostilité envers les gouvernements et les partis». Il a enchaîné pour mettre en avant la nécessaire solidarité et démocratie au sein du mouvement syndical, sous peine de régresser et de céder la place à d'autres puisque la nature a horreur du vide. Djemmam, qui défend également le droit des syndicats de faire de la politique en disant leur avis sur toutes les affaires importantes, critiquera violemment le GMO (Grand Moyen-Orient) US en soulignant que «la démocratie, version américaine, est celle de ses intérêts». La meilleure preuve que Washington se trouve à l'origine de la mise en place des dictatures qu'elle tente aujourd'hui de renverser en surfant sur la lame de fond démocratique qui souffle sur les peuples arabes et ceux du tiers-monde.