Une oasis dans un désert L'ambiance durant les derniers jours de la 22e édition du Salon international du livre d'Alger (Sila-2017) a été celle des grands jours de fête. En effet, des moments de convivialité indescriptibles ont prédominé pendant ces dernières journées qui ont donné lieu à une remarquable communion entre les écrivains (et ils étaient des centaines) avec les milliers, voire les dizaines de milliers de lecteurs présents presque tout au long des jours qu'aura duré un Salon du livre des plus réussis. Le Sila a aussi eu la prouesse de réunir dans les mêmes espaces les citoyens algériens venus des quatre coins du pays, mais aussi ayant des sensibilités politiques parfois diamétralement opposées. C'est dire qu'au-delà des divergences qui peuvent séparer les gens, le livre a réussi à tisser des liens solides entre les personnes de divers bords. Sa casquette politique, on la laisse de côté bien avant d'avoir accès à l'intérieur du Sila. Ici, la seule conviction politique, c'est le livre et la lecture. Pour autre chose, il faut voir ailleurs. C'est aussi l'un des aspects les plus positifs du Sila. Mais, avons-nous remarqué, la disponibilité des écrivains à tendre l'oreille à leurs lecteurs a fait de cet événement plus qu'un rendez-vous commercial pour vendre des livres. Certains lecteurs ont traversé des centaines de kilomètres, juste pour voir face à face leur écrivain fétiche et pourquoi pas faire une photo avec lui. Puis, s'en aller avec un sentiment de satisfaction inaltérable. La vie, c'est donc ces petits gestes qui ne coûtent rien, mais qui donnent la joie de vivre au-delà des intérêts purement mercantilistes qui minent de plus en plus nos sociétés et la dessèchent. Il y a même des écrivains qui reviennent presque chaque jour au Sila et qui signent leurs livres au quotidien sans se lasser. Au contraire avec plaisir. Amine Zaoui, on l'a vu quotidiennement dans les différents stands des éditeurs ayant publié ses livres. Il est là chaque jour car ce rendez-vous avec le livre et ses amoureux est le seul de l'année. Rater une journée au Sila n'est pas chose permise quand on est un féru du livre comme Amine Zaoui, qui a déjà dirigé la Bibliothèque nationale d'Alger. Rachid Boudjedra a aussi tenu à être présent quotidiennement au stand des éditions Frantz Fanon, avec la modestie qu'on lui connaît. Mohamed Sari aussi ainsi que Rabéa Djelti ou Wassiny Laredj, mais aussi Bachir Mefti, Mohamed Attaf, Kamel Daoud, Mohamed Magani, Adlène Meddi, Tarik Djeroud, Hocine Haroun, Khalfa Mameri, etc. Une communion incroyable entre les écrivains et les lecteurs a été constatée. Des échanges de propos parfois longs et fructueux, des prises de photos, des dédicaces et même des échanges de coordonnées ont caractérisé ces moments de rencontres inoubliables aussi bien pour les férus de lecture que pour les auteurs. Ces femmes qui écrivent des livres Un autre constat positif lors du Sila 2017. C'est le nombre impressionnant de femmes écrivaines présentes. Elles ont été des centaines de femmes à venir occuper les stands des différents éditeurs pour y dédicacer et parler de leurs livres. Qu'il s'agisse de romans ou d'autres genres, les femmes écrivaines ont investi le terrain en force. On est donc loin du temps où la place de la femme se limitait à la cuisine. La preuve, c'est le fait que le roman le plus vendu durant le Sila 2017 a été écrit par une femme. Il s'agit de «Nos richesses» de Kaouther Adimi (éditions Barzakh). D'ailleurs, il s'agit de l'un des rares livres d'auteurs algériens à avoir été épuisé des journées bien avant la fin du Sila. Même l'éditeur professionnel Barzakh semble avoir été pris de cours et ne s'attendait pas à une telle affluence sur ce roman, qui a bénéficié d'une importante médiatisation surtout après qu'il eut été sélectionné pour l'obtention du prix Goncourt. C'est donc le livre écrit par une femme, qui a été le best-seller de ce Sila. Mais d'autres femmes-écrivaines ont aussi marqué leur passage au Sila à l'instar de la romancière Maissa Bey, devenue une fidèle de ce rendez-vous annuel avec le livre. On citera aussi l'épouse de Amine Zaoui, Rabéa Djalti, poètesse et romancière dont le passage dans les stands du Sila ne passe jamais inaperçu. Sans oublier bien sûr la grande star du Sila, l'écrivaine arabophone, auteur de «Mémoire de la chair», qui a fait vibrer le Pavillon central et la salle de conférences l'Estrade, lors de son passage vendredi dernier. On peut citer des écrivaines moins connues à l'instar de la jeune Lynda Handala, Fadéla Merabet, Lynda Koudache (Grand Prix du meilleur roman en tamazight en 2016), Samia Mbarek, Latifa Harbaoui, Dalila Amer, Hiba Tayda... En plus des femmes écrivaines qui ont brillé par leur présence au Sila, il faut noter que la gent féminine a investi le domaine de l'édition du livre de fort belle manière ces dernières années. Les éditions Barzakh sont dirigées par une femme et un homme, à savoir Selma Hellal et Sofiane Hadjadj. La prolifique et professionnelle maison d'édition Kalima a été créée et est gérée par Naima Beldjoudi, riche d'une très longue expérience dans le domaine de l'édition du livre, notamment en y débutant aux éditions «Marsa» que dirigeait l'écrivain-journaliste Aïssa Khelladi. A la tête de la maison d'édition «El Ibriz», on retrouve aussi une femme, Samira Bendris, qui n'est guère étrangère au monde du livre car, en plus d'être journaliste culturelle, elle a dirigé des collections d'édition de livres dans d'autres maisons d'édition. Malika Laib est aussi fidèle à son stand des éditions Alpha, dont elle est le pilier, avec une maîtrise incontestable de l'art de fabriquer des livres et de les promouvoir. Une autre femme, Assia Baz, dirige depuis quelques années le département de l'édition au niveau de l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep). Durant les dix journées qu'a duré le Sila, Assia Baz a été toujours présente sur les lieux, veillant au grain et prêtant main forte aussi bien au personnel, qu'aux visiteurs et autres auteurs ayant choisi cette maison d'édition du secteur public. Comme on peut bien le constater, les femmes sont présentes également dans le domaine de l'édition, sans compter les milliers de lectrices. Il y a des stands qui n'ont été pris d'assaut que par les femmes, ou du moins en grande majorité, comme celui des éditions la Flammarion (France). C'est dire que la femme algérienne a évolué de manière considérable même s'il reste encore du chemin à parcourir. Des remises jusqu'à 50% Comme chaque année, des réductions allant de 10 ou 20% jusqu'à 50% dans certains cas ont été décidées par les exposants du Sila. Le but, écouler le maximum de livres avant dimanche 5 novembre, dernier jour d'un Salon international du livre qui a tenu toutes ses promesses. C'est le cas des éditions Frantz Fanon qui ont affiché une remise de 50% d'une bonne partie de son catalogue. Amar Ingrachen, le directeur de cette maison d'édition qui a déjà à son actif quarante livres édités, nous a expliqué que ce geste comprend un message fort de sa part. L'édition est loin d'être seulement une activité commerciale consistant à gagner de l'argent. Amar Ingrachen, qui est aussi écrivain, auteur du roman Le temps des grandes rumeurs, estime que l'édition est d'abord et avant tout une activité culturelle. De ce fait, le lecteur ne doit aucunement être perçu comme un client venant acheter des livres. C'est ce qui explique l'attitude extrêmement souple et généreuse qu'on a retrouvé au stand des éditions Frantz Fanon à l'égard des lecteurs. C'est l'un des rares stands où le lecteur se fait d'abord signer son exemplaire de livre par l'auteur pour ne payer qu'après. Dans la majorité des cas, on passe d'abord par la caisse avant d'aller vers l'écrivain. Ce n'est donc pas étonnant de voir que ce stand baisse les prix de certains de ses livres de moitié. Un peu plus loin, Arezki Ait Larbi, le directeur des éditions Koukou fait preuve aussi d'un esprit qui est loin d'être limité par le gain. Devant nous, il n'a pas hésité à accorder spontanément une réduction conséquente sur le prix d'un livre à un lecteur qui lui a avoué qu'il ne possédait pas la totalité de la somme qui lui permettrait d'acheter l'ouvrage auquel il tenait vraiment. D'autres maisons d'édition présentes au Sila ont affiché d'importantes remises surtout les maisons d'édition de livres en langue arabe. Ces dernières ont opté pour plusieurs formules comme par exemple deux livres achetés, le troisième gratuit... Le stand de l'Afrique du Sud, invité d'honneur du Sila, a affiché des remises en proposant des livres à 500 DA l'exemplaire. Mais ici aussi, on vous propose un troisième gratuitement si vous en achetez deux à 1000 DA. Mais certains stands restent inflexibles concernant les prix des livres qu'ils proposent. Ainsi, ceux qui s'attendaient à des remises au niveau du stand très prisé du reste, Flammarion, ont vite déchanté. Ce stand ne propose guère de remises car tous les livres qu'il vend marchent très bien. C'est souvent quand le rythme des ventes est à la baisse que les responsables des stands optent pour les réductions. Il en est de même pour l'espace des éditions Gallimard où les livres se sont très bien vendus tout au long des dix journées qu'a duré le Sila. Ils sont des dizaines d'éditeurs à ne pas avoir opté pour le système des remises par crainte de soulever l'ire des libraires. «Si on accorde des réductions sur les prix des livres que nous éditons, nous serons systématiquement interpellés par nos clients libraires qui vont nous le reprocher», explique un éditeur algérois qui a pignon sur rue. Il s'agit donc d'une raison qui tient la route, même si dans ce cas, le lecteur est pénalisé. Une grande partie des visiteurs du Sila vient, parfois en traversant des centaines de kilomètres, juste pour avoir droit à d'importantes remises. Le Sila est pris d'assaut car en dehors de lui, des centaines de livres qu'on peut y trouver ne sont pas disponibles tout au long de l'année dans les librairies algériennes. C'est le cas notamment des livres utilisés dans les universités par les étudiants et les enseignants, édités en Europe et traduits vers la langue arabe dans des pays comme l'Egypte, le Liban ou la Syrie.