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paroles D'éditeurs
22ÈME SALON INTERNATIONAL DU LIVRE D'ALGER
Publié dans L'Expression le 07 - 11 - 2017

Le Sila c'est fini. Mais avant de plier bagage, petit retour en arrière sur les avis des uns et des autres sur cette 22e édition du Salon du livre qui vient de fermer ses portes. Fructueuse? Tumultueuse? Marquée par le sceau du «takachouf» et des polémiques à n'en pas finir. Que pensent nos éditeurs de ce premier rendez-vous annuel du livre d'Alger? Ont-ils bien vendu? Quel lectorat pour quel salon? Rencontrés juste avant la fermeture, certains ont pris la peine de répondre à nos questions et partager avec nous leur bilan de ce Sila 2017. Témoignages.
Selma Hallal (Editions Barzakh)
«Les gens étaient au rendez-vous»
Belle expérience gratifiante avec de très bonnes ventes de Kamel Daoud, Kaouther Adimi et surtout Assia Djebar avec La soif, ça j'en suis très contente. C'est le troisième ouvrage en littérature en matière de vente. Pour nous c'est une vraie satisfaction parce que ce premier roman de Assia Djebar introuvable pendant très longtemps, est remis à la disposition des Algériens. Ils étaient là au rendez-vous et ont compris l'enjeu. La baisse du pouvoir d'achat a été déjà été ressentie l'an dernier où l'on a vraiment mesuré que la bourse de l'Algérien moyen avait diminué et du coup l'argent qu'ils étaient prêts à mettre dans le livre a diminué. Ça s'est accentué, mais je pense que le vrai tournant pour nous a été l'an dernier. Cette année ça s'est un peu accentué. Mais dans l'ensemble je suis frappée par la manière dont ils étaient prêts à consentir à faire un effort pour acheter les ouvrages dont le premier roman d'Assia Djebar.
Pour cette année on était mieux préparé. Le livre est devenu plus cher, en raison de la dévaluation du dinar, mais en ce qui nous concerne on a pu constater que quand il s'agit d'acheter le dernier roman de Kamel Daoud ou le nouveau «premier» roman de Assia Djebar, dans le sens où on l'a réédité eh bien, les gens sont prêts à consentir de faire cet effort d'acheter et ça nous touche beaucoup parce qu'on mesure combien pour eux c'est important malgré tout d'acquérir un ouvrage de fiction d'un auteur auquel on s'identifie, qu'on admire qu'on considère comme exemplaire...
Pour nous, ça aussi est une joie, alors même que l'auteur est décédée, elle n'est pas là pour accompagner son livre, les gens sont conscients de l'importance de ce geste symbolique, à savoir rééditer le premier roman de Assia Djebar écrit à l'âge de 21 ans et le proposer en 2017, 60 ans après alors que le livre était désormais introuvable et partout dans le monde les gens ont été au rendez-vous.
Pour nous c'est important. Cela veut dire qu'il y a encore une conscience de la hiérarchie, une appréciation de la valeur des choses. C'est venu nous réconforter. On s'est dit que tiens! la tendance dit que l'Algérien ne lit pas, eh bien non! Tu vois, tout d'un coup des jeunes qui vont se pencher sur le livre, de Assia Djebar et qui vont l'acheter. Ils ont intégré que c'est une grande dame de la littérature et du patrimoine algérien et donc il y a l'intuition qu'en acquérant ce livre on a acquis un morceau du patrimoine littéraire algérien.
Naïma Beljoudi (Editions Kalima)
«Le contact humain a prévalu»
Nous pensons que cette 22ème édition du Salon international du livre a été positive. Il n'y a pas que l'aspect financier, c'est-à-dire la vente, il y a aussi le contact humain, c'est-à-dire tous ceux qui viennent découvrir le livre, qui nous cherchent et ne nous trouvent pas forcément au niveau des librairies. Nous avons aussi des auteurs potentiels qui viennent demander après nous et cherchent notre adresse et ramènent des manuscrits. Sur le plan de la vente je ne dirai pas qu'il n'y a pas eu de vente, mais au contraire, nous avons enregistré un taux de vente meilleur que l'année dernière. Nous existons depuis six ans. D'année en année on vient et on cherche mon stand et de toute façon je pense que le travail est de longue haleine. Se faire connaître se fait avec le temps. Cette année nous sommes venus avec des nouveautés malgré la crise et le manque d'aide. Nous avons pris le risque de publier deux recueils de poésie, avec les mémoires de la première femme infirmière diplômée de la Wilaya II. Nous avons proposé aussi le très beau roman de Lynda Chouiten Le roman des pov'cheveux. Nous avons aussi lancé une collection de poche appelée collection de djib avec des inédits et des textes introuvables. Nous sommes venus avec six publication et malgré la jeunesse de notre publication on aurait aimé venir avec plus de publications possible. Mais les moyens manquent. Nous proposons aussi le livre de Yamina Cherad, Six ans au maquis. Au-delà du témoignage, c'est un très beau texte et un hymne à la femme algérienne qui a toujours été sur tous les fronts.»
Dalila Nedjam (Dalimen Editions)
«Nous sommes satisfaits»
«C'est une édition positive puisque, vu la crise et le contexte économique actuel, j'ai trouvé qu'il y avait quand même un public alors que j'avouerai que j'avais beaucoup d'appréhension au départ avant de venir, à tel point que quand je me suis mise à déballer mes affaires, je me suis dit que jamais ces livres n'allaient se vendre. Il est vrai qu'on a fait des réductions, mais elles étaient non seulement indispensables et il le fallait pour garder le client et le lectorat. Je trouve personnellement que c'est une édition réussie tant sur le plan organisationnel et programme que du point de vue de la fréquentation même si nous n'avons pas eu beaucoup de publications que d'habitude. D'habitude on vient avec entre 15 et 20 nouveautés, cette année on est venu avec sept nouveautés. Mais les auteurs étaient présents. C'est vrai qu'on a vraiment travaillé sur la qualité que ce soit au niveau du roman ou du beau livre. On a eu un lectorat de plus en plus jeune. Les auteurs de bandes dessinées ont pu rencontrer un autre public que celui du Fibda. Le public du Sila est beaucoup plus important car on vient de partout de tout le territoire. ça a donc élargi le lectorat. Pour une bonne partie des livres on les a vendus avec 50% de remise, mais je préfère dire que vaut mieux que cela soit chez le lecteur que dans un dépôt de livres. Si ça peut nous aider à renouveler notre édition et à acquérir de nouveaux clients c'est tant mieux. C'est une action indispensable pour ce faire.»
Samira Bendris (Editions Ibriz)
«Le lectorat a baissé»
«Le bilan ne peut être que positif vu l'affluence des gens, c'est clair.Le problème réside dans la disparation du lectorat et l'amour du livre qui commence à s'amenuiser. L'affluence y est. C'est vrai que le premier novembre on a eu beaucoup de monde, mais je vous avoue que la lecture a quand même baissé...
J'ai eu toutefois des ventes intéressantes, mais l'idée générale que je ressens est que le lectorat a de moins en moins d'engouement pour le livre. Toujours est-il que cette affluence m'a rassurée, quelque part, a fortiori quand je vois que la distribution se fait mal et que le libraire me dit que mes livres ne se vendent pas, mais paradoxalement au Sila j'ai bien vendu. Certains livres ont eu une bonne réception. Quand on leur parle, ils regardent et quand on leur parle du contenu ça les intéresse. En termes de nouveautés de cette année j'ai eu quatre livres. Tout d'abord le roman de Lazhari Labter qui a fait parler de lui.
Et Hiziya tout le monde connaît. Elle fait partie du patrimoine algérien qui a été chanté par nos grands artistes. Aussi j'ai un livre d'architecture, un petit conte philosophique qui s'appelle Le conte de la cigogne qu'on a sorti à titre posthume de Meriem Maza, ancienne journaliste décédée à Montréal. Un livre inachevé et que la maman a tenu à faire publier. J'ai aussi un livre sur l'architecture moderne de Sétif. Ma maison d'édition est généraliste. J'aime toucher à tout. Je dirai pour finir que je suis contre le boycott mais je défends plutôt l'idée de la nécessité d'une multiplication des Sila, un peu partout sur le territoire national.»
Ait lArbi Arezki (Edittions Koukou)
«Je n'ai pas été censuré»
«La fréquentation cette année n'est pas la même comparée à celle de l'année dernière. Je pense que le Sila comme le reste du pays subit la chape de plomb liberticide qui s'est abattu sur le pays. On a parlé au départ de censure bien que moi personnellement je n'ai pas été touché. Il y a eu la polémique stupide qui a précédé le Sila qui a sans doute joué. Il faut ajouter que la crise a touché tout le monde. Les achats sont moindres, la fréquentation aussi, ceci étant dit, ça s'est démontré que les Algériens quand on leur propose quelque chose à lire, ils demeurent un lectorat potentiel. J'ai vendu pas autant que l'année passée mais oui. Mais disons que les éditions Koukou s'en sortent plutôt bien. Le livre phare qui a marché c'est celui qu'on ma volé le premier jour, celui de Ali Koudil, l'ancien DG de la Cnan qui a été emprisonné pendant six ans suite au naufrage d'un navire Le Béchar en 2004. Il raconte comment un homme peut être broyé du jour au lendemain par le système judicaire et il raconte aussi et c'est la première fois qu'un auteur le fait, la vie dans les prisons en Algérie.
En second lieu, nous avons le livre de Tarik Khayder qui relate l'assassinat de son père qui était l'un des chefs historiques de la révolution algérienne, qui a été assassiné par la Sécurité militaire en janvier 1967. Le troisième c'est celui d'une jeune doctorante algérienne qui vit en Belgique. Son livre s'appelle L'islam au féminisme: des femmes relisent des textes religieux. Ces dernières ont décidé de réinterpréter les textes religieux avec les instruments du XXIe siècle. Avec comme objectif d'arriver à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. En dehors du salon, les livres seront disponibles.
Dans toutes les bonnes librairies, celles que nous distribuons nous-mêmes, c'est-à-dire à Alger, Tizi, Béjaïa, Oran, Constantine. Pour revenir à l'incident du début du Sila je rappelle qu'on a vandalisé le stand, on m'a volé deux tables et deux cartons du livre de Ali Koudil, ce qui équivalait à 80 livres sur les mille que j'avais tirés. J'ai déposé plainte au niveau du commissariat du salon et j'ai même été remboursé.
Ceci dit je considère que cet incident est mineur car nous sommas dans un pays où chaque jour il se passe quelque chose de grave.
Qui a fait le coup? je n'en sais strictement rien. Il appartiendra à la police de le déterminer qui et pourquoi? Je ne suis pas du genre paranoïaque donc je ne vais pas crier à la censure, non. Je n'ai fait que relater les faits d'autant que c'est la 3ème année consécutive que cela a eu lieu.»


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