Ould Abbès et Ouyahia lors de leur dernière rencontre La semaine ne pouvait pas finir sur l'image, même détériorée, de l'islamiste Makri. Le summum de l'intensité politique aura été la rencontre-surprise Ould Abbès-Ouyahia. La dernière semaine du mois de juillet aura été des plus agitées de l'année au plan politique. A l'origine, un projet aux contours flous porté par le MSP. D'abord froidement reçu par ses anciens partenaires de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (Cltd), l'initiative pilotée par Makri pour le compte de son parti, n'a pas eu le sort qu'on aurait pu lui prévoir. L'association de l'Armée nationale populaire à un projet strictement partisan relève depuis des années de «l'ineptie politique», dans la littérature de l'institution militaire, comme dans les propos des partis de la majorité présidentielle. Mais, malgré son évident isolement, le président du MSP a fortement cru en son projet et invité le premier responsable du Mouvement populaire algérien (MPA), Amara Benyounès, pour en parler. Le rendez-vous a suscité quelques interrogations en raison des positionnements contradictoires de l'un et de l'autre au plan idéologique. Mais il y avait un projet sur la table et qui avait besoin d'être mûri. Pour ce faire, Abderezzak Makri a coché quelques dates sur son agenda et pris la résolution de donner à son projet la dimension d'une «offre politique» digne de ce nom. Le 23 juillet dernier, le premier vrai rendez-vous de la semaine, Makri le réserve au FFS. Il est reçu au siège du plus vieux parti d'opposition et en sort bredouille après quelques heures de discussion. Mais un hypothétique accord ne figurait pas parmi ses objectifs. Ce qui semblait animer le plus le patron du MSP, c'est de «remuer» la marmite partisane nationale. Il réussit son «coup» en foulant le perron du siège du FLN. Le 24 juillet commence donc la «plus intense» semaine politique de l'année. Le vieux parti offre au premier responsable de la formation islamiste une visibilité, dont il n'avait jamais bénéficié auparavent. Il a pu capter l'attention de tous les observateurs et les acteurs politiques du pays. La conférence commune animée avec le secrétaire général du FLN a tourné à son désavantage. Fin politique, Djamel Ould Abbès a remis Makri à sa place et expliqué par A+B le caractère irrecevable de l'initiative du MSP. Mais le leader islamiste qui s'attendait certainement à la réplique du FLN s'en tient à la forme, à la visibilité politique que lui procure sa démarche. Makri voulait du show, le FLN lui en a donné l'occasion, mais pour mieux le remettre à sa véritable dimension. Cette défaite dans le fond, n'atteint pas le moral du président du MSP quoi coche sur son agenda, l'autre grosse cylindrée du pouvoir, le RND. Mais, surprise, à la veille d'un tête-à-tête avec Ahmed Ouyahia, le chef d'état-major de l'ANP, principal destinataire de l'initiative, sort de sa réserve et «pimente» la semaine politique et surtout démasque Makri. «L'une des mauvaises pratiques, voire étranges, irrationnelles et inacceptables, à la veille de chaque rendez-vous électoral, que ce soit pour l'APN, pour les APC et APW, ou même pour les élections présidentielles, je dis, à la veille de ces importants scrutins nationaux, et au lieu d'essayer de s'approcher du citoyen en conférant davantage d'importance à ses préoccupations, quelques personnes et certaines parties s'éloignent volontairement de l'exercice politique», a affirmé le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Dans son discours, le vice-ministre de la Défense n'a pas été tendre avec le président du MSP: «La politique est l'aptitude à s'adapter aux réalités du quotidien, l'aptitude se veut être la bonne gestion des exigences de l'intérêt national et les impératifs de leur réalisation, ce qui nécessite un haut niveau de performance politique en toutes conditions et circonstances». Avec cette «mise au point» Makri a perdu sa bataille politique, mais l'a gagnée sur le plan de sa médiatisation. Le discours de Gaïd Salah était en effet un grand moment de politique et Abderezzak Makri a été la «le mauvais garçon» mais non moins la «star» de la scène politique. L'image détériorée de Makri Trois jours à peine après le discours, d'ailleurs commenté par le principal intéressé qui l'a salué, une rencontre s'est déroulée le 29 juillet dernier au siège du RND. Là aussi, Makri reçoit sa leçon de politique et perd de fait tout espoir de voir son initiative survivre à la «chaude semaine politique» à laquelle il l'a soumise. Ahmed Ouyahia finit par enterrer l'initiative au même moment où son allié, le secrétaire général du FLN, reçoit le président du parti Bina, Abdelkader Bengrina, qui n'est pas n'importe qui. C'est l'un des proches de feu Mahfoud Nahnah et préside aux destinées d'une formation politique où l'essentiel des cadres sont des élèves de Nahnah. L'image saisissante d'un Makri baragouinant devant Ouyahia, contrebalancée par celle de Bengrina, à l'aise et en phase avec Ould Abbès a donné le ton à ce qui risque d'advenir dans un future proche en matière d'alliance et d'héritage politique de feu Mahfoud Nahnah. La semaine ne pouvait pas finir sur l'image, même détériorée, de l'islamiste Makri. Le summum de l'intensité politique aura été la rencontre-surprise Ould Abbès-Ouyahia qui a mobilisé l'ensemble des observateurs et des médias nationaux. Le tandem, au pouvoir depuis plus de 20 ans, a répondu à pas mal de questions et surtout mis en avant sa pleine détermination à soutenir le président de la République, fermant définitivement la porte aux spéculations qu'alimentent des milieux de l'opposition. L'activité politique a perdu quelque peu de son intensité, mais les rencontres se poursuivent. Avant-hier, le secrétaire général du FLN a reçu le président du parti El Karama. D'autres rencontres sont aux programmes, puisque le MSP continue à croire à son projet et prévoit de discuter aujourd'hui avec TAJ de Amar Ghoul. Une multitude d'autres rendez-vous sont au programme, que ce soit pour le FLN, ou pour le MSP. Les deux formations, dont les positions et les projets sont aux antipodes les uns des autres, ambitionnent, chacun pour ce qui le concerne, de construire son consensus. Le vieux parti a déjà commencé la concrétisation de son objectif, à travers sa rencontre avec le RND, suivi par Bina et El Karama. Les propos des trois leaders qui ont eu à discuter avec Ould Abbès sont clairs comme de l'eau de roche. Il n'existe, pour ainsi dire, aucune ombre au tableau. Leur soutien à une candidature du président de la République ne fait pas de doute. De fait, le FLN construit son consensus sur du solide et la perspective d'un «grand congrès» de toutes les forces politiques acquises au chef de l'Etat est très réalisable. Déjà imaginé par Amar Saâdani, pareil projet est très largement dans les cordes d'un FLN. Le vieux parti a d'ailleurs su surfer sur la vague provoquée par le MSP pour la transformer en «énergie propulsive» de son propre projet de large consensus autour du président de la République. Il est clair que depuis ces deux derniers jours, c'est bien l'initiative du FLN qui fait plus débat que la démarche du MSP. Discussions byzantines A contrario, le parti islamiste, qui poursuit son périple, va d'échec en échec. Même si l'on peut supposer que Makri discute avec tous les leaders politiques nationaux, il demeure très loin de convaincre son monde. Le parti islamiste part handicapé par son isolement sur la scène nationale et par le caractère flou de son initiative. Aussi, au moment où l'alliance RND-FLN avance sérieusement dans l'édification de son consensus, l'opposition a toutes les chances de se noyer dans des considérations de leader ship et de discussions byzantines. L'enseignement à tirer de la dernière semaine politique de juillet révèle la dispersion de l'opposition face à un pouvoir solide, solidaire et qui se renforce de jour en jour. En acceptant de donner sa chance à Makri, les partis au pouvoir ont mis à nu toutes les tares de l'opposition.