La crise sanitaire pandémique du Covid-19 dont l'incidence première est une profonde récession économique, a fait chuter les flux d'investissements directs étrangers durant l'année 2020. Le rapport sur l'investissement dans le monde 2020 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) fait ressortir que les Investissements directs étrangers (IDE) ont diminué de près de 40% cette année. Ils connaîtront à court terme, une chute spectaculaire, la première depuis 2005, et pourraient passer en dessous de 1 Billion de USD selon la même source qui prévoit encore une diminution de 5 à 10% pour l'année 2021. Le monde post-crise sanitaire est en phase de recomposition. En effet, comme une crise est probablement récurrente, mais certainement pas éternelle, les Etats se sont déjà mis en ordre de bataille pour s'intégrer dans une nouvelle dynamique qui entraînera de nouvelles alliances aussi bien stratégiques qu'économiques. Cette dynamique sera guidée incontestablement par le «Smart Power», une forme combinée du «Soft Power» et du «Hard Power». Elle reposera sur de nouveaux fondamentaux qui vont contribuer à changer les aspects du monde sur les plans économique et politique. Nous passons, donc, progressivement à la préparation de l'environnement pour garantir la stabilité de la reprise post-crise sanitaire. Place aux relocalisations Sur le plan économique, en particulier, les délocalisations vont laisser place à des relocalisations et colocalisations formant, ainsi, de nouveaux regroupements d'intérêts d'entreprises et de nouvelles alliances stratégiques de pays. Une concurrence féroce soutenue par une diplomatie économique et commerciale très agressive apparaitra pour attirer et séduire les IDE. Le continent africain va devoir se disputer ces IDE sachant que la part du flux mondial d'IDE qui lui serait dédiée va être entre 25 et 35 Milliards d'USD. Face à des pays, comme l'Egypte, le Maroc, le Nigeria, l'Ethiopie, la Cote d'Ivoire, le Gabon ou l'Afrique du Sud, l'Algérie sera contrainte de s'inscrire dans une logique hyper-compétitive d'attractivité des IDE pour soutenir sa politique économique de diversification par opposition à l'économie de rente pétrolière. En effet, au regard de cette mutation du contexte, l'Algérie va devoir dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée et se parer en créant des conditions adaptées afin de séduire les investisseurs dans un nouvel environnement de concurrence internationale très rude pour la cooptation des IDE. La «dédiabolisation» aussi bien du secteur privé que de l'IDE et le recouvrement de la confiance sur le plan horizontal et vertical sont le moteur de cette démarche additionnée à une diplomatie de réseautage (Networking Diplomacy) institutionnelle et non institutionnelle qui devra passer d'un mode passif à un mode proactif. Toute initiative et intention d'investir dans le pays quel que soit le statut capitalistique (familial ou multinational) et la forme structurelle (TPE, PME, TGE) de l'investisseur seront les bienvenus. La redynamisation de l'économie algérienne post-crise est tributaire incontestablement d'un climat global apaisé et d'un environnement juridique et règlementaire stable.Il est de notoriété que le rôle des IDE est important dans les efforts d'un pays pour accélérer la croissance économique, l'investissement privé national et étranger étant considéré comme nécessaire pour augmenter l'épargne intérieure, introduire de nouvelles technologies, apporter les compétences de gestion appropriées, promouvoir l'efficacité grâce à la concurrence loyale et accéder aux marchés extérieurs. Les principaux avantages que les IDE apportent à un pays d'accueil sont la création d'emplois, le transfert de savoir-faire voire, si possible, de technologie, et le développement des exportations. Dans cette course internationale à la captation des IDE, 11 commandements sont édictés par les entreprises internationales, quelles que soient leurs tailles, pour s'intéresser à un marché, selon plusieurs enquêtes faites à ce sujet. Ces critères sont établis par les entreprises internationales définissant l'attitude du pays d'accueil à l'égard des IDE avec comme sous-bassement «ne pas être un marché idéologique et dogmatique». Nous en développerons ci-après les quatre principaux critères: Stabilité politique 1-La stabilité politique: dans la crainte d'avoir à essuyer de lourdes pertes, les investisseurs refusent de risquer leurs capitaux dans un environnement qu'ils jugent instable. En revanche, dans un environnement politique stable et serein, ils ont l'assurance que les «règles du jeu» ou la législation régissant leurs investissements et les marchés dans lesquels ils opèrent vont demeurer plus ou moins inchangées pendant une période relativement longue. Cette confiance est de la plus haute importance, car lorsque des capitaux d'investisseurs privés sont engagés à l'étranger, c'est généralement dans une perspective à long terme afin de pouvoir réaliser des profits escomptés. Les leaders syndicaux La confiance des investisseurs reflète non seulement leur perception du climat existant, mais aussi leurs anticipations quant à l'évolution politique et économique à moyen et long terme. Au même titre que les caractéristiques politiques, l'attitude des fonctionnaires, des leaders syndicaux et des dirigeants d'entreprises du pays d'accueil, influe également sur l'idée que se font les investisseurs de sa stabilité et de son potentiel. Par exemple, les freins bureaucratiques, par excès de zèle et le trafic d'influence, notamment, inhibent les firmes étrangères de s'installer sur un marché par crainte de ne pouvoir soutenir la concurrence constituant des facteurs d'instabilités défavorables à l'IDE. 2-Le cadre de la politique macro-économique: les pays d'accueil dont la gestion économique est saine et transparente sont moins exposés à des contre-performances qui peuvent avoir un effet négatif sur la rentabilité des entreprises tant locales qu'étrangères. Dans les pays où ils sont déjà présents, les investisseurs étrangers réagissent aux incertitudes économiques en diminuant leur mise de fonds ou en se retirant totalement du pays. S'ils ne sont pas encore présents dans un pays, ils n'y engageront leurs capitaux que lorsque la situation économique est stabilisée. L'aspect le plus important de la stabilité économique concerne le taux d'inflation, qui doit être faible et prévisible. La politique commerciale: comme elle influe sur le coût et la liberté des échanges, la possibilité d'importer et d'exporter est capitale pour les firmes étrangères afin d'élargir leur champ dans le cadre de leur stratégie globale de production, de distribution et de rationalisation. Si le pays d'accueil impose des tarifs douaniers supérieurs à ceux d'autres pays, les coûts de production augmenteront. Dans la mesure où le coût est un facteur de compétitivité pour les exportations sur les marchés internationaux, des tarifs douaniers élevés ont un effet repoussoir des IDE. De même, l'imposition de quotas, de formalités astreignantes pour l'obtention de licences ou d'autorisations et d'autres obstacles non tarifaires peuvent également susciter une hausse des coûts ou freiner le cycle de production, étouffant ainsi la compétitivité et l'investissement. Etant donné l'intensité de la concurrence entre les producteurs mondiaux, les obstacles liés aux formalités administratives qui se traduisent par une augmentation des coûts et retardent la mise sur le marché des produits nuisent à la compétitivité des pays d'accueil et par conséquent à l'attrait qu'ils peuvent exercer pour les IDE. Le corpus réglementaire: l'environnement réglementaire, terme qui désigne l'incidence des réglementations gouvernementales sur les activités des entreprises, a un effet significatif sur les coûts d'exploitation et par conséquent sur la rentabilité et la compétitivité des entreprises. Un cadre réglementaire attractif et surtout stable facilite le choix géographique des IDE. Pour les investisseurs étrangers, une réglementation excessive ainsi que des formes de nationalisation directes ou déguisées peuvent créer des distorsions qui majorent les coûts et entravent le fonctionnement des marchés et des entreprises et engendrent inéluctablement un phénomène de corruption endémique qui est en porte-à-faux avec les codes d'éthique et de moralité des entreprises. A titre d'exemple, les entreprises cotées en Bourse se doivent de respecter scrupuleusement le code international d'éthique et de moralité pour éviter de ternir leur image qui aura un impact négatif sur la valeur de leurs actions. De plus, un pays qui applique souvent, à tort ou à raison, une rétroactivité des nouvelles règlementations, inhibe, voire repousse les intentions d'investissement. Les risques liés au change, les caractéristiques du marché local, le rapatriement des capitaux, la protection de la propriété intellectuelle, les taux d'imposition et incitations fiscales, la main- d'oeuvre, ainsi que les infrastructures sont les huit autres critères mis en place par les entreprises étrangères pour orienter leurs investissements directs que nous ne manquerons pas de développer ultérieurement. En somme, dans cette course concurrentielle internationale dans un environnement post-crise sanitaire pandémique du Covid-19 pour capter et intéresser les IDE lesquelles ne pourraient commencer à être dynamiques qu'à partir de 2022, les pays d'accueil à l'image de l'Algérie, qui cherchent à séduire les investisseurs étrangers vont devoir, en termes simples, créer et maintenir les conditions qui captent l'intérêt et encouragent l'investissement privé, qu'il soit national ou étranger. De nouveaux débouchés Compte tenu du climat global actuel qui laisse prévoir un tarissement des sources traditionnelles de financement d'une économie, l'IDE compensera le manque de capitaux internes. Comme le nouveau contexte post- 2020, en pleine mutation, fera que la concurrence sera de plus en plus vive sur les marchés des pays industrialisés, les sociétés transnationales (familiales ou multinationales) seront constamment à la recherche de nouveaux débouchés pour des opérations de colocalisations industrielles en complément à des relocalisations qu'elles opèreront et non plus à des délocalisations comme c'était le cas par le passé. Et par conséquent, les alliances stratégiques aussi bien d'entreprises que de pays se feront sur cette base et comme le dit l'adage: «Premiers arrivés, premiers servis.» Dans cet environnement international en mutation, les pays en développement et émergents qui adopteront de nouvelles attitudes et des politiques appropriées en les appliquant efficacement et dans la plus grande transparence accompagnées d'actions internationales continues de lobbying et de communication de persuasion seront les mieux placés pour exploiter ces tendances et attirer les IDE nécessaires au développement et à la prospérité durables. *Dr. Arslan Chikhaoui est, actuellement, Président Exécutif du centre de consultance et d'études ‘NSV'. Il est membre, du Conseil consultatif d'experts du Forum économique mondial (WEF-Davos). Il est, également, partie prenante dans divers groupes de travail internationaux affiliés au système des Nations unies ‘Track II'.