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Pillage à ciel ouvert
BOUMERDÈS
Publié dans L'Expression le 17 - 06 - 2006

Que ce soit à Zemmouri El Bahri, Boudouaou El Bahri, à Cap Djinet, ou encore du côté de l'oued Sebaou, le vol de sable se fait au vu et au su de tout le monde.
La destruction des côtes et le sabotage des nappes phréatiques s'installent inexorablement, et cela en dépit de toutes les mesures coercitives mises en avant par les pouvoirs publics. Les saisies sporadiques de sable ne manquent pas, de même elles sont parfois importantes, mais les récidivistes, les intermédiaires aussi, sont légion et avérés comme «les privilégiés» dit-on.
Ainsi, c'est le tohu-bohu général qui caractérise le trafic de ce matériau de construction, coté et soumis aux spéculations. «Sur les places des oueds et des côtes, en défiant les interdictions, nous saisissons quotidiennement des quantités de sable et nous arrivons à arrêter en moyenne deux à trois camions par jour», indique le commandant du groupement de la gendarmerie de Boumerdès.
En définitive, le phénomène se permanise et quoi que l'on puisse dire, de cette entreprise toute vénale, la destruction des côtes et le sabotage des nappes phréatiques s'installent dans la durée et deviennent une véritable catastrophe écologique.
Nombre d'observateurs n'y voient là, qu'effets et symptômes de la corruption qui gangrène les différentes institutions de l'Etat dont le bon sens aurait voulu que le traitement soit appliqué à la racine du mal.
Ceci dit, que ce soit à Zemmouri El Bahri, Boudouaou El Bahri, à Cap Djinet, ou encore du côté de l'Oued Sebaou, le vol de sable se fait au vu et au su de tout le monde, plus particulièrement à Cap Djinet, notamment, la plage Bounoua, sise à 3 km à l'est du chef-lieu, une véritable destination de tout genre de camions tous tonnages confondus.
«Tout le monde est gagnant»
Pour constater de visu ce qui se mijote, il n'y a qu'à se rendre dans cette localité sise en bordure de la RN24 à quelques encablures à l'ouest de la ville de Djinet, et distante d'à peine 2 km de la brigade de gendarmerie.
Dieu et la nature ont doté Cap djinet de 8 km de côtes, mais par Dieu! Quel usage en fait-on! L'état des lieux au niveau des quatre plages autorisées à la baignade, dont Bounoua est rudimentaire, les accès ne sont pas aménagés à ce jour.
Cependant, l'accès à cette dernière est déblayé où traces et sillons pneumatiques dus aux passages incessants des engins, sont désormais indélébiles outre que les eaux constituent un véritable tout-à-l'égout, où s'ajoutent les dépotoirs sauvages de déchets et détritus entreposés à même le sable. Une bourgade illicite émerge en pleine zone d'extension touristique. Elle est constituée de nombreuses habitations érigées en infraction totale avec les règles de l'urbanisation et la loi qui protègent le littoral.
Un peu plus loin sur la plage, des jeunes visiblement exténués par la nuit particulièrement laborieuse et agitée, se laissent affaler sur le sable. «La somme à débourser pour le chargement dépend du tonnage de votre camion, elle est négociable. Vous savez, mais enfin, généralement c'est à partir de 2000 DA, qu'on partagera entre nous», nous indiquera l'un d'entre eux.
Par la suite, selon quelques indiscrétions, tout se négocie à l'intérieur de quelques cafétérias qui se sont, du reste, bizarrement multipliées, après quoi, tout compte fait, toutes les parties impliquées dans ce fléau, retrouveront leur part de dividendes, sauf, bien sûr, l'utilisateur final du sable pour qui les prix ont exagérément flambé ces derniers temps.
Aussi, les pilleurs de sable en connaisseurs, nous conseillaient plutôt d'opter pour le sable mouillé tout près du rivage, il serait meilleur que le sable fin des dunes un peu éloignées. Un parc grand ouvert à tout camion sied bien à la ville de Cap Djinet. «Allant du tracteur jusqu'au semi-remorque, ils se pointent par ici depuis la matinée». A tour de rôle suivant l'ordre d'arrivée sur les lieux, chacun ou chaque groupe choisit l'itinéraire à suivre, tandis que quelques-uns contournent par la route d'El Ardja, les autres prennent la RN24.
Une fois la nuit tombée...
Toutefois, si pendant la journée, les barrages fixes des services combinés de la sécurité prennent position au niveau de chaque carrefour, aussi bien sur la RN24 que le long du CW 18, il n'en demeure pas moins que la nuit tombée, c'est la levée du siège au grand bonheur des pilleurs de sable qui s'approprient les routes à leur guise. Par ailleurs, le vol de sable a suivi une ligne d'évolution en dents de scie durant les cinq dernières années, si l'on se fie à l'état du vol de sable de 2000 à 2005, dressé par le groupement de la Gendarmerie nationale de Boumerdès.
La plus importante quantité récupérée a été enregistrée en 2001 où pas moins de 8 124 m3 ont été saisis à cette époque. Toutefois, comparativement à l'année 2004, le vol s'est accentué notamment durant l'année 2005. 872,5 m3 est la quantité saisie durant les cinq derniers mois de cette année, et 98 infractions ont été relevées, aboutissant à 98 mises en fourrière et 107 arrestations dont 56 personnes écrouées et 51 remises en liberté provisoire contre uniquement 660,8 m3 pour toute l'année dernière, générant 90 infractions pour lesquelles 84 véhicules ont été mis en fourrière et 107 personnes arrêtées, dont 76 écrouées et 31 remises en liberté provisoire.
Cela étant, en dépit de l'existence du sable concassé à travers des carrières, à l'image de celle de Cap Djinet, exploitée par Sonatrach, ainsi que deux autres privées en plus des arrêtés du wali autorisant exceptionnellement l'extraction du sable de oued Isser, oued Sebaou et El Hamiz par trois grandes entreprises publiques, Cosider, Infrarail et Hydrotechnique, ce vol en particulier, et la tension sur le sable en général n'ont pas pour autant baissé d'ampleur.
Par ailleurs, pour les cinq dernières années, soit de 2000 à 2005, 21.681,3m3 de sable furent récupérés par différentes brigades de gendarmerie de Boumerdès, comme il ressort également que 1 925 infractions ont été relevées, 1918 véhicules avaient été mis en fourrière et 1951 personnes furent arrêtées dont 1389 écrouées et 562 remises en liberté provisoire.
«Le long du littoral ouest, notamment à Boudouaou El Bahri, les habitants ont eu recours aux bêtes de somme (les ânes) qu'ils utilisent dans le vol de sable pour éventuellement le stocker et le revendre au prix fort», nous révèle-t-on encore. Enfin, selon quelques informations recoupées, les pilleurs seraient de mèche avec les katibats locales du Gspc.


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