Le président russe Vladimir Poutine a affirmé mardi que la médiation de la Turquie avait permis une avancée sur les exportations de céréales que Kiev accuse la Russie de bloquer, tout en exigeant en échange une levée des restrictions occidentales sur les céréales russes, alors que sur le terrain l'armée russe continue de frapper l'est et le sud du pays. Des frappes de missiles ont touché plusieurs villes de l'est, dont Kramatorsk, grande ville du Donbass que la Russie veut conquérir. Au sud, dans la région d'Odessa, le grand port ukrainien de la mer Noire, les combats s'intensifient. À Téhéran, où il avait été convié pour des pourparlers avec ses homologues iranien Ebrahim Raïssi et turc Recep Tayyip Erdogan sur la Syrie et l'Ukraine, Poutine a affirmé qu'il y avait un progrès sur la question de l'exportation par mer des millions de tonnes de céréales ukrainiennes, qui manquent à l'équilibre alimentaire mondial.»Grâce à votre médiation, nous sommes allés de l'avant», a-t-il dit à Erdogan, dont le pays, membre de l'Otan et puissance régionale en mer Noire, entretient un équilibre délicat entre Moscou et Kiev. «Toutes les questions ne sont pas encore réglées, c'est vrai, mais il y a du mouvement et c'est une bonne chose», a ajouté le maître du Kremlin. Dans la soirée, Poutine a toutefois jeté un doute sur ces avancées, en liant l'exportation de la production agricole ukrainienne à une levée des restrictions occidentales sur les céréales russes. «Nous faciliterons l'exportation des céréales ukrainiennes, mais en partant du fait que toutes les restrictions liées aux livraisons aériennes à l'export des céréales russes soient levées», a affirmé le président russe, à l'issue des pourparlers. La Russie a confirmé sa disponibilité pour ces exportations cruciales, notamment pour le continent africain, affirmant ne pas s'y opposer mais accusant les sanctions occidentales et posant des conditions que l'Ukraine refuse en l'état, comme le déminage de ses rades et couloirs maritimes. Pour Washington, la rencontre de Téhéran prouve l'isolement croissant de la Russie. «Cela montre à quel point Poutine et la Russie sont de plus en plus isolés. Ils doivent maintenant se tourner vers l'Iran pour obtenir de l'aide», a déclaré John Kirby, qui coordonne la communication de la Maison- Blanche sur les questions stratégiques. Dernier épisode de cet immense bras de fer: la Commission européenne a proposé aux Etats membres de débloquer «certains fonds» de banques russes gelés par les sanctions de l'UE pour aider la reprise du commerce des produits agricoles et alimentaires, y compris le blé et les engrais, selon un document consulté. L'UE «veut qu'il soit parfaitement clair que rien dans les sanctions ne freine le transport de céréales hors de Russie ou d'Ukraine», a déclaré un diplomate européen sous couvert d'anonymat. A propos du gaz, autre sujet de tension entre Moscou et les Européens, Vladimir Poutine a assuré que le géant russe Gazprom «remplirait pleinement ses obligations» au moment où baissent les livraisons vers l'Europe. «Gazprom est prêt à pomper autant que nécessaire», a-t-il déclaré, indiquant que les Occidentaux étaient en difficulté car ils avaient pris des sanctions contre Moscou et «fermé» des canaux de livraison d'hydrocarbures. Sur le front, Kramatorsk est désormais une cible stratégique pour la Russie, qui compte contrôler la totalité du bassin du Donbass, déjà dominé en partie par des séparatistes pro russes depuis 2014. La Russie avait annoncé samedi avoir officiellement mis fin à la «pause opérationnelle» de son armée décrétée quelques jours plus tôt, et les bombardements ont repris avec plus d'intensité sur les villes du Donbass. Le ministère russe de la Défense a affirmé que les frappes sur Odessa avaient détruit un stock de munitions fournies par les Occidentaux. La guerre en Ukraine entrera le 24 juillet dans son sixième mois et il n'existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit jusqu'à présent.