Les travaux de la Réunion d'experts préparatoire de la 11e Réunion ministérielle du Comité des dix chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine (C10) sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies ont débuté le 9 juin 2024 à Alger. Composé de dix pays africains, ce comité a été institué en 2005 pour appuyer la position africaine unifiée dans les négociations gouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. Compte tenu du fait que le Conseil de sécurité dans sa forme et son fonctionnement n'est plus adapté au contexte actuel de développement de crises multiformes, hybrides et d'intensité variable, l'Algérie continue à exprimer son engagement à contribuer à promouvoir et mobiliser le soutien de la communauté internationale en faveur de la position africaine sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, plaidant pour un projet de réforme «global, équilibré et intégré». Elle en fait un axe de travail essentiel en sa qualité de membre non permanent de cet organe de l'ONU pour permettre de corriger l'injustice historique commis à l'égard du continent africain. Devenu le continent spot, il est clair qu'il devra utiliser tous les leviers multilatéraux disponibles pour s'affirmer en interlocuteur crédible et incontournable à l'ère post- Covid-19 marquée par la recomposition de la cartographie géopolitique du monde et des alliances stratèges. En termes d'analyse, l'Afrique est présentement le continent le moins représenté au sein des institutions qui ont émergé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes désormais au XXIe siècle et cette injustice historique persiste, car la majorité des Etats africains n'étaient pas présents lors de la conférence de San Francisco où est née l'ONU en 1945. La réforme qui est intervenue en 1965 a seulement permis l'élargissement du nombre de membres non permanents au sein du Conseil de sécurité. Nombre d'observateurs indiquent qu'au sein de l'Union africaine, règne un fort sentiment de remédier à cette situation. C'est ainsi qu'a été établi un Comité de dix pays (C10), avec la mission de porter le plaidoyer pour une représentation équitable de l'Afrique au sein du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, mais aussi de mener des consultations sur le continent afin de parvenir à un consensus sur l'option la plus appropriée. Le constat est que la majorité des questions du Conseil de sécurité portent sur l'Afrique, qui doit également prendre sa place au sein de la pyramide décisionnelle. Représentation régionale Ce qui est notable, aujourd'hui, est qu'un consensus partagé par l'ensemble des grandes puissances est en train d'émerger pour aller vers ces réformes du Conseil de sécurité. De leur côté, les Etats membres de l'UA se sont accordés pour réclamer au moins deux postes de membres permanents au Conseil de sécurité, ainsi que cinq membres non permanents. L'article 23 de la Charte des Nations unies ne prévoit pas une telle représentation régionale. Cependant, en raison de la singularité de l'histoire africaine, le continent demande cette exception. Cette revendication pour une meilleure représentation porte enfin sur la totalité des instances internationales, y compris sur le plan de la gouvernance économique et financière. Nombre d'experts s'accordent sur le fait que la communauté internationale a tout intérêt à ce que le Conseil de sécurité des Nations unies devienne moins anachronique en s'assurant que toutes les régions soient représentées. L'enjeu est d'éviter une fragmentation plus accrue de l'ordre mondial et de renforcer le multilatéralisme surtout dans ce contexte de mue vers un monde multipolaire. En termes d'analyse, l'Afrique est constituée d'un grand groupe de 54 pays reconnus par les Nations unies. D'ici 2050, elle devrait devenir la région la plus peuplée au monde. De plus, elle est dotée d'une jeunesse très dynamique qui demande de plus en plus à prendre part aux décisions qui la concernent, mais aussi aux choix mondiaux. L'UA a adopté un certain nombre de cadres normatifs qui témoignent de sa volonté d'apporter des solutions africaines aux problèmes africains, c'est-à-dire de prendre son destin futur en main. Malgré les énormes difficultés qu'il rencontre, ce continent est le point focal des ressources minières critiques et stratégiques nécessaires à la reconversion énergétique et à l'industrie alternative décarbonée et surtout la révolution technologique et par voie de conséquence ne peut pas rester exclu de la prise de décisions. Il est clair que l'ONU doit mieux refléter la multipolarité du monde. Dans ce contexte, les questions d'équité constituent des garanties de stabilité. L'Afrique doit donc, apporter sa contribution non plus uniquement sur les sujets qui la concernent, mais également sur les thématiques transversales telles que les pandémies, le terrorisme ou encore le changement climatique. La communauté internationale reconnaît bien qu'aucun pays ni aucune région ne peuvent à eux seuls résoudre les grands enjeux de ce monde. Echiquier mondial Du point de vue de l'analyse, la question posée est pourquoi l'émergence de cette dynamique aujourd'hui et pas hier? Tout simplement cela est dû à l'Histoire. La majorité des pays africains ont acquis leur indépendance dans les années 1960. Depuis, c'est d'abord l'autonomisation et l'intégration qui s'est organisée au sein de l'Organisation de l'Unité africaine, puis avec la création de l'UA en 2002. Un cadre normatif aussi important que l'Agenda 2063 a pu être adopté avec une volonté affichée de prendre son destin en main. Cela passe évidemment par une représentation plus responsable et inclusive. Nombre d'observateurs indiquent que lors des négociations et des délibérations sur l'échiquier mondial, l'Afrique propose souvent des positions communes sur de nombreux sujets internationaux mais que la jeunesse relative des Etats africains ne leur donne pas individuellement assez de poids sur la scène internationale compte tenu d'un contexte de compétition entre les grandes puissances. En ce sens, la question de l'intégration régionale via l'UA s'apparente à une question de survie pour espérer obtenir une meilleure représentation, une meilleure représentativité et une meilleure prise en compte. Traiter l'Afrique comme un cas particulier est important du fait que cette région est souvent exposée aux chocs résultant des grands bouleversements mondiaux auxquels elle ne contribue pas forcément. En somme, le continent africain dispose de multiples leviers pour essayer d'endiguer les conflits d'intensité variables qui minent la région. Toutefois, la réalité est que cela demeure une entreprise extrêmement compliquée dans un contexte où les processus internes de construction des Etats sont toujours en cours. L'Algérie qui s'érige en porte-voix de l'Afrique et envisage d'être une force de proposition pour inscrire, incontestablement, la réforme ou plutôt la mue structurelle que devrait connaître les Nations unies, en particulier son Conseil de sécurité, pour pouvoir s'adapter aux nouveaux enjeux géopolitiques et geoéconomiques d'un monde en pleine mue. S'il est évident que l'Algérie a inscrit la réforme des organes décisifs de l'ONU comme facteur de sa diplomatie en ce XXIe siècle pour la résolution des conflits dans le monde, il est tout aussi vrai que le Conseil de sécurité de l'ONU dans sa structure actuelle ne pourrait garantir la maintien de la paix durable mondiale. *Expert en relations internationales et membre du comité Track-2 pour le suivi de la mise en oeuvre de la Résolution du Conseil de sécurité 1540 (Unsc-1540)