Dès la signature de la déclaration constitutionnelle par le président par intérim, Ahmad al-Chareh, jeudi à Damas, plusieurs centaines de Kurdes ont manifesté au nord-est de la Syrie leur opposition à un texte qui, disent-ils, «ne répond pas aux aspirations des minorités» dans tout le pays. Le document qui confère les pleins pouvoirs à Al-Chareh proclame, en effet, que la jurisprudence islamique sera désormais «la source principale» des lois et des jugements rendus par la justice syrienne. Même si la déclaration souligne la liberté de croyance et le fait que tous les citoyens sont égaux devant la loi, elle laisse en sourdine le statut véritable des multiples minorités qui composent la mosaïque syrienne, à savoir les communautés alaouites, chrétiennes, druzes et kurdes. Les manifestants kurdes ont dit protester, «en tant que peuple kurde» contre une «exclusion» lourde de conséquences des diverses composantes de la société syrienne. Ils assurent rejeter, par-là même, une Syrie centralisée et réclament un pays véritablement démocratique et pluraliste. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) et leur bras armé des Unités de protection du peuple (YPG) ont obtenu de facto, depuis le début de la guerre civile en 2011 un statut d'autonomie pour le nord-est de la Syrie, riche en pétrole et où leur allié américain maintient une base militaire au titre de la coalition internationale engagée dans la lutte contre le groupe autoproclamé Etat islamique en Irak et en Syrie. Les FDS qui ont conclu, voici trois jours à peine, un accord avec les nouvelles autorités pour intégrer la nouvelle armée du pays rejettent la déclaration constitutionnelle et «toute tentative de reproduire la dictature», appelant à «une répartition équitable du pouvoir» entre toutes les composantes de la société syrienne dont les droits doivent être «reconnus». La signature de ce texte fondateur est intervenue au lendemain de graves évènements qui ont secoué la région alaouite dont est issu le président déchu Bachar al Assad. Des combats meurtriers ont opposé les forces de sécurité du nouveau régime et des combattants fidèles au président déchu, puis ils ont donné lieu à des expéditions punitives assorties de multiples exécutions sommaires dont ont été victimes plus de 1 500 civils alaouites dont des femmes et des enfants, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh) qui dispose d'un vaste réseau d'alerte dans le pays. Al Jolani, nom de guerre d'Ahmad al-Chareh qui dirigeait la coalition de factions rebelles radicalisées et le groupe Hayat Tahrir al-Shem (HTS), ex- al-Nosra, branche syrienne d'Al Qaïda, a lancé hier la célébration, pour la première fois en Syrie, du soulèvement de 2011 contre le régime de Bachar al Assad. Outre une grande manifestation place des Omeyyades à Damas, des rassemblements importants ont eu lieu à Homs, Hama et Idlib, bastion des groupes rebelles pro turcs et de HTS, au nord du pays, sous le slogan «La Syrie est victorieuse».