La guerre totale annoncée par les Etats-Unis et l'Otan contre le terrorisme, a finalement tourné au cauchemar. Al Qaîda revient très fort, aussi bien en Irak qu'en Afghanistan, et les troupes américaines, défaites sur les deux fronts, n'attendent plus que le moment de rentrer chez eux. Bush, à deux ans de la fin de son second et dernier mandat, cherche des solutions qu'il ne trouve pas. Ni Karazai, ni Nouri al-Maliki n'ont été à la mesure de ses attentes. Des officiers américains ont, depuis le début de l'année, cherché à trouver des solutions négociées aussi bien avec la résistance irakienne qu'avec les talibans, afin de permettre un retrait des troupes US dans les meilleurs délais, mais surtout dans les meilleures conditions. Le Figaro du 28 novembre résume ainsi la situation en Afghanistan: Les soldats de l'Otan ne sortent qu'en véhicule blindé. Une fois passés les merlons de béton qui entourent leur camp retranché de l'aéroport de Kandahar, les troupes de la coalition parcourent à tombeau ouvert les quelques kilomètres de route vers l'ancienne capitale des talibans dans le sud de l'Afghanistan. Les convois sont composés au minimum de quatre voitures. Par crainte des attentats suicide ou à la voiture piégée, les véhicules circulent à toute vitesse au milieu de la route, et précipitent dans le bas-côté, taxis et voitures afghanes qui arrivent en sens inverse. Depuis la tourelle, les soldats tirent au pistolet pour faire dégager les conducteurs qui ne comprennent pas assez vite. Quelques mois à peine après leur déploiement, les troupes de l'Otan déployées dans les provinces pachtounes du sud de l'Afghanistan sont pratiquement assiégées dans leurs retranchements par les insurgés talibans, manquant de troupes pour leur disputer vraiment le contrôle du terrain. Elles sont soumises à un harcèlement incessant. Lors de leur déploiement cet été, les 9800 soldats canadiens, britanniques et néerlandais de l'Otan étaient pourtant arrivés avec des intentions pacifiques. Il s'agissait de rompre alors avec les méthodes américaines qui avaient fait, au cours des années précédentes, du sud de l'Afghanistan un terrain de chasse pour leurs forces spéciales et leur aviation, lancées à la poursuite des talibans et des derniers restes d'Al Qaîda. L'Otan allait s'appliquer à gagner les «coeurs et les esprits» de la population. La reconstruction et le développement allaient détourner les habitants des talibans. En quelques semaines, ces belles intentions ont disparu dans la fournaise du Sud afghan. Un rapport secret du renseignement du corps des marines, cité mardi par le Washington Post, affirme que les forces américaines ne peuvent ni mater les insurgés de l'ouest de l'Irak ni contrecarrer l'influence grandissante du réseau terroriste d'Al Qaîda dans cette région. Le rapport de cinq pages, rédigé en août, s'est concentré sur la province à majorité sunnite d'Al Anbar, le principal foyer d'insurrection en Irak. Le document décrit Al Qaîda en Irak comme «l'organisation influente dominante» dans la province, davantage que les autorités locales, le gouvernement irakien et les troupes américaines, «par sa capacité à contrôler la vie quotidienne du sunnite moyen». A la mi-novembre, les problèmes restaient identiques, a indiqué un haut responsable du renseignement au Washington Post. «Les questions de fond du manque de contrôle ou de la progression de la criminalité et de l'insurrection» restent les mêmes, a dit ce responsable, sous couvert de l'anonymat. A moins que les Etats-Unis ne déploient entre 15.000 à 20.000 militaires supplémentaires dans la région et ne débloquent des milliards de dollars supplémentaires d'aide, les troupes américaines «ne peuvent rien faire pour mater les insurgés», estime le document. Selon le rapport, «la situation sociale et politique se détériore au point» que les troupes américaines et irakiennes «ne sont plus capables de battre militairement l'insurrection à Al Anbar». «La population sunnite irakienne se trouve entraînée dans un combat quotidien pour sa survie, craint des ´´pogromes´´ perpétrés par la majorité chiite et est de plus en plus dépendante d'Al Qaîda en Irak, son seul espoir contre la progression de la domination iranienne à Baghdad», souligne encore le rapport. De son côté, la prestigieuse revue Foreign Affaires affirme dans sa dernière livraison: La domination américaine au Proche-Orient a pris fin et une nouvelle ère commence. Le rêve américain d'un Proche-Orient «ressemblant à l'Europe -pacifique, prospère et démocratique- ne se réalisera pas», écrit Richard Haass, ancien conseiller de l'ex-secrétaire d'Etat Colin Powell et président du Council on Foreign Relations, un influent club de réflexion sur la politique étrangère américaine dans un article intitulé Le nouveau Proche-Orient. La libération du Koweït au début des années 1990, la présence prolongée de forces américaines dans la péninsule arabique et la recherche active d'une solution -notamment pendant la présidence de Bill Clinton- au conflit israélo-palestinien, ont montré le rôle pivot des Etats-Unis dans la région. Mais, estime M.Haass, le déclin a commencé avec l'invasion de l'Irak en mars 2003. Plus de six ans après le début du conflit, l'Irak semble au bord de la guerre civile et certains médias américains n'hésitent plus désormais à employer ce terme récusé par la Maison-Blanche, bien que les violences aient tué plus de 13.000 civils irakiens en quatre mois selon l'ONU. Les tensions entre sunnites et chiites dépassent désormais les frontières de l'Irak, les terroristes ont trouvé un nouveau terreau, et l'antiaméricanisme «déjà considérable» au Proche-Orient s'est «renforcé», constate M.Haass. L'enlisement du conflit entre Israéliens et Palestiniens et l'incapacité des Américains à le faire sortir de l'ornière ont également accéléré le déclin américain au Proche-Orient, écrit encore l'ancien proche conseiller de Powell. Il souligne que les Etats-Unis dont l'influence dans la région reste encore plus puissante que celle des autres pays, doivent désormais compter avec l'Union européenne, notamment sur la question palestinienne et avec la Chine et la Russie qui ont montré leur capacité de résistance à propos de l'Iran. Washington devrait renoncer à compter sur la force armée pour imposer ses vues et réviser ses priorités diplomatiques, notamment sur la question palestinienne, écrit Haass. Robert Malley, ancien conseiller pour la sécurité nationale de Bill Clinton, a indiqué qu'il partageait l'opinion défendue par Richard Haas. «Les conséquences de la guerre en Irak ne font que commencer à se développer dans la région», a-t-il dit. Un expert en espionnage, Peter St. John, affirme que le réseau Al Qaîda aurait pu être éliminé si les forces de la coalition dirigée par les Etats-Unis n'avaient pas envahi l'Irak. Selon Peter St. John, les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis visaient à radicaliser les musulmans modernes et à les faire adhérer à une guerre sainte contre l'Occident. L'invasion de l'Irak n'a fait qu'aider les groupes terroristes à radicaliser davantage de musulmans, a déclaré M.St. John devant environ 150 réservistes et officiers à la retraite à Winnipeg, samedi. «Si nous n'avions pas été en Irak, nous aurions éliminé le mouvement Al Qaîda aujourd'hui», a soutenu le professeur de l'Université du Manitoba à la retraite. Enfin, une note de service confidentielle de la Maison-Blanche émet des doutes quant à la capacité du Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki à faire face aux violences communautaires, selon le New York Times de mercredi. Dans cette note de cinq pages datée du 8 novembre qu'il a rédigée après avoir rencontré le chef du gouvernement irakien le 30 octobre à Baghdad, Stephen Hadley, conseiller à la Sécurité nationale, recommande que Washington prenne de nouvelles mesures. Ces mesures pourraient aller du «soutien monétaire à des groupes modérés» à l'envoi de milliers de soldats en renfort dans la capitale irakienne, suggère le conseiller. Aveux d'échec, rapports sur le retour en force non pas uniquement d'Al Qaîda, mais aussi et surtout de l'islamisme armé teinté d'une forte coloration d'antiaméricanisme. Voilà où en sont les petites guerres menées contre le jihad transnational depuis le 11 septembre. La décomposition de la structure Al Qaîda a donné naissance à une multitude de petites organisations jihadistes de même type qui n'ont pas, à l'instar du Gspc algérien, connu ou fait allégeance à Al Qaîda, mais qui ont épousé une à une toutes ses thèses.