Pour se débarrasser du système d'oppression colonial, seule la Révolution populaire armée est efficace. Se référant à cette réflexion générale mais juste, Boualem Nedjadi publie, sous le titre Viva Zabana, l'histoire héroïque d'Ahmed Zahana, un Algérien, parmi tant d'autres, «qui a rêvé depuis son jeune âge, comme il a rêvé de l'Emir Abdelkader, de cheïkh El-Mokrani, de Zapata [Emiliano, homme politique mexicain, mort assassiné (1879-1919)], d'Arezki El-Bachir, de Bouziane El-Gâlaï, d'Ahmed el-Habraoui, et des nombreux Robin des bois dont l'histoire algérienne et universelle compte.» Zabana «a très tôt pris conscience de cette soumission à laquelle le colon voulait soumettre le paysan algérien. C'est pour cette raison qu'il décide d'aller plus loin dans ses études. Mais le colonisateur veillait à ce qu'il ne franchisse pas la limite imposée aux Algériens.» Boualem Nedjadi, commandant retraité de l'ANP où il a reçu diverses formations de haut niveau en sciences militaires, s'intéresse à l'apport de la Révolution de novembre 1954, notamment dans le domaine de l'éveil des consciences populaires, et plus précisément à ses premiers militants et à ses tout premiers héros. Faisant une analyse sobre, mais passionnante, de cette période où tout le peuple s'est levé pour revendiquer sa propre «forme d'existence», l'auteur a traité avec la conviction du patriote qu'il faut et l'attitude scientifique du naturaliste, l'ensemble des faits qui ne pouvaient conduire l'homme réduit à l'état d'esclave qu'à construire sa propre liberté, qu'«à payer le lourd sacrifice exigé pour cette forme d'existence qui est la plus honorable pour l'homme, depuis sa première apparition sur terre». Le drame explique-t-il, n'est pas dans ce sacrifice qui élève la dignité de l'homme, ici de l'Algérien sous le joug colonial; il serait dans le triste et grave refus de se laisser encore dominer et avilir. Nedjadi étaie son point de vue en prenant un excellent exemple; il écrit: «Cet homme (Zabana) n'a pas hésité un instant, lorsque les circonstances l'ont exigé, à faire don de sa vie pour la liberté, pour se débarrasser des chaînes de l'esclavage, de la domination, de l'oppression d'une exploitation honteuse par les colons venus de l'autre côté de la mer. Ce don de la vie, il l'a décidé lorsqu'il s'engage dans l'OS, puis il le concrétise le 19 juin 1956.» L'auteur écrit encore: «Le 19 juin 1956 est marqué par l'une des plus tristes pages de l'histoire de la Révolution algérienne où l'une des plus horribles machines à tuer s'est abattue, avec sa lourde lame, sur le cou innocent d'un militant et combattant de la première heure de la Guerre de libération nationale. Ahmed Zabana, par son sacrifice, a provoqué l'étincelle qui a enflammé dans le coeur des Algériens le feu sacré du sacrifice au profit de la révolution armée.» En publiant l'histoire d'Ahmed Zabana, Nedjadi entend contribuer à «faire connaître à nos jeunes générations un pan de l'histoire algérienne». À cet effet, «Cet ouvrage, indique-t-il, a nécessité deux années d'études, d'enquêtes minutieuses, la compilation de nombreux ouvrages et autres journaux de l'époque, la visite des lieux où il [Zabana] a vécu, grandi et étudié. Nous nous sommes entretenus avec ses proches, ses amis, ses camarades de travail, ses compagnons d'armes et de détention ou de simples témoins.» Ce travail comprend trois parties: Genèse de l'histoire d'un héros; Dimanche 31 octobre 1954; L'offensive de l'armée française contre le Ghar Boudjelida. En annexes, on trouve des documents écrits et photographiques importants qui éclairent le propos de l'auteur, par exemple: une lettre de Zabana adressée de sa prison à ses parents confirmant son engagement total pour la cause nationale; des témoignages de militants de l'Organisation spéciale emprisonnés avec notre héros; un portrait d'Ahmed Zahana, dit Zabana; une liste des condamnés à mort à la guillotine. Cependant, afin de clarifier le libre propos de Boualem Djenadi, une réserve s'impose: le choix de citer Albert Camus, d'une part en prenant le malheureux exemple de L'Etranger, d'autre part de rapporter inexactement «Je me révolte, donc nous sommes» toujours à L'Etranger, au lieu de le replacer dans L'homme révolté (p. 38, éd. Folio-essais) pourrait troubler le lecteur vigilant.