La ville est prise par la fièvre du développement. Tamanrasset est l'un des fleurons du tourisme saharien et c'est peu dire sur ce joyau des sables, veillant en sentinelle sur les confins sud du pays. Aller à Tamanrasset n'est cependant pas une sinécure, bien au contraire. Il s'agit de s'armer de patience au départ quand on prend le petit avion d'Air Algérie. L'ATR met environ cinq heures, escales comprises, pour arriver et le retour est plus difficile encore quand on sait que tous les voyages se font de nuit. Prendre le vol de une heure du matin pour arriver à Alger à quatre heures n'est guère folichon et les voyageurs se retrouvent à Alger, perdus dans la grande ville endormie. Tamanrasset se mérite et c'est bien le cas de le dire. Les vagues de dunes qui se perdent dans l'infini et les châteaux de pierres où se profilent des cités imaginaires, la splendeur des matins vierges et des ombres lisses du soir signifiant que le désert, à l'éclat mystérieux du paradis perdu, semble avoir laissé la place, toute la place, aux chantiers de construction. Le bâtiment bouge et c'est peu de dire que quand le bâtiment va, tout va. Tamanrasset profitant à fond des divers programmes et la capitale du Hoggar apparaît pour le visiteur comme une ville qui met les bouchées doubles. Une visite dans la cité, revue à moins de deux ans, fait comprendre combien est importante la volonté de la région de rattraper son retard. Les nouvelles cités, autant dire des quartiers tout neufs, apparaissent au visiteur comme pour lui dire que «les hommes sont capables quand ils le désirent, de faire du désert un paradis». Dans ces quartiers aux logements non encore distribués pour la plupart, les ruelles y accédant étaient en train d'être bitumées et l'on attend, avec un certain empressement, l'arrivée de l'eau et du gaz venant tous deux depuis In Salah, sans compter avec la fibre optique, la daïra de Tamanrasset étant distante tout de même de plus de 600km. Ces noms des nouveaux quartiers qui défilent sous le regard, ont une résonance des plus belles: Tihagouine, 5-Juillet, Tafsit, Wiam, Salam, Taberkat, Sorro, Ankouf, Choumoue, El Djazira ou encore le Virage. Outre les logements, Tamanrasset s'offre de nouveaux sièges pour les institutions, tels le nouveau palais de justice, les sièges des nouvelles directions de transport et celui de la jeunesse qui s'érigent côte à côte, des bureaux de poste, le siège Cnep, celui de la Sonelgaz, les bureaux de la CNR, un grand hôpital militaire que réalise BRC, des nouvelles écoles, des collèges et des lycées ont poussé un peu partout à travers la ville, un stade assez important, des aires de jeu, un centre universitaire, un centre de l'université de la formation continue, des instituts supérieurs de la formation professionnelle, le nouveau siège de l'APC, bref, une liste de réalisations à donner le tournis. Des spécialistes de l'environnement, rencontrés à Tamanrasset avec des gens du Pnud sur place, pour un travail assez important avec l'Opna du côté d'Idlès, diront que, du côté de Tahabort sur la route de l'Assekrem, un projet de création est sur les tablettes et le wali semble très pressé de le réaliser. En effet, et selon nos sources, un lieu de détente, un parc avec des résidences pour les chercheurs et un parc animalier avec un musée dédié à l'eau et des agences pour guider les touristes seraient sur le point de connaître la réalisation. Ce projet serait, toujours selon ces scientifiques rencontrés à Tam, confié à l'Office du parc de l'Ahaggar. Cette source gazeuse de Tahabort, recherchée par les habitants de Tam, semble être l'objet de toutes les attentions. De même, l'on a appris que l'Opna serait en train de construire un centre d'interprétation, un centre immense et venu très à propos. Les routes menant vers Tam comme celle reliant In Guezzam à la capitale du Hoggar prise en charge par une société portugaise. Ce tronçon d'environ 450km est sur le point d'être réhabilité. Quand on se promène en ville, l'on est frappé tout de même par la présence de troupeaux de chèvres errant dans les rues. Renseignements pris, il s'avère que ces chèvres sont d'un apport économique certain pour la population, notamment locale. La chèvre qui, finalement, est bien la vache du pauvre et la mieux adaptée à l'environnement, donne son lait et aussi sa viande. En ville, il n'est pas rare d'assister à l'insolite tableau d'une chèvre broutant du plastique. Un tour au marché aux fruits et légumes nous permet de constater, tout de même, la cherté des produits. La pomme de terre est proposée à 70DA, la carotte à 60DA, l'oignon à 30DA, le chou à 80DA, l'orange à 80DA et la banane à 160DA alors que la salade frisée, celle-là même qui est produite localement et, semble-t-il assez recherchée par les populations, se vend à 35-40DA. Les viande, notamment cameline est cédée entre 400 et 450DA alors que la viande ovine est affichée entre 450 et 500DA. La viande bovine vendue, congelée, est cédée à 650DA. Selon les marchands, l'oignon provient surtout du troc avec le Niger, alors que les autres produits proviennent du Nord. Ce qui est vérifié au niveau du marché de gros de la ville où les marchands, venus de Mascara, offrent des sacs de pomme de terre à 45DA le kg. Le menu de base des locaux semble être, outre la tagella, la fameuse galette targuie, les pâtes et la salade, le tout arrosé de thé et souvent accompagné de viande cameline. Les Targuis et même les Harratins sont souvent engoncés dans leurs habits traditionnels, le bazane pour l'homme, et la tisserness pour la femme. Le litham, on le sait, n'est pas un artifice vestimentaire mais une nécessité contre les poussières et le sable. En ville, on rencontre beaucoup plus souvent des 4x4 souvent assez puissants, les seuls véhicules en mesure d'affronter les routes du Hoggar. A Tamanrasset, l'agriculture est limitée par l'eau. On a visité des jardins qui n'ont rien à envier à ceux du Nord. Dans le jardin du Dr Boudaoud qui est notre cicérone et notre photographe, le temps du séjour, on peut admirer des orangers, des figuiers, des citronniers, des manguiers et autres grenadiers et pommiers. C'est dire qu'avec de l'eau, Tamanrasset pourrait devenir un véritable Eden. Si Tamanrasset est une ville palpitante et en plein essor, il reste que des zones «d'ombre» existent encore. La première d'entre elles, semble être la contrebande de cigarettes. Selon des sources, ces puissants véhicules qui sillonnent les rues de Tam, telles des comètes, sont, pour la plupart la propriété de ces contrebandiers. Les Toyota Station sont, en effet, des véhicules tout-terrain très puissants et les contrebandiers qui, en sus, connaissent bien les moindres pistes du Sahara, sont à l'aise. Les trafiquants ne sont, fort heureusement, pas les seuls à «remplir» Tam et les entrepreneurs et autres travailleurs sont là pour démontrer que la ville peut compter sur ses enfants: Targuis, Harratins et Nordistes réunis dans un même élan. On a voulu rendre les civilités à l'Amenokal, M.Ahmed Idaber, député, mais lors de notre passage, celui-ci était absent. Sur la ville flottent encore les mannes du grand Amenokal, feu Ag Moussa Akhamokh et dont l'aéroport portera le nom après baptisation officielle par le président attendu incessamment. La route aéroport-ville est un beau tapis et tous souhaitent que le tronçon In Salah-Tamanrasset soit identique. Pour l'heure, on dit que dans beaucoup d'endroits, cette route est un véritable enfer. Les Touareg résidant à Tamanrasset semblent s'être sédentarisés. On y rencontre des représentants de ces populations dans pratiquement toutes les institutions même si les Harratins sont - de par le fait qu'ils soient plus instruits - dans toutes les administrations. Les gens se répartissent savamment entre les partis politiques ayant pignon sur rue. Les Touareg se dispatchant entre le FLN et le RND alors que la majorité des Harratins sont, soit au MSP, soit encore au MRN avec aussi le FNA qui a réussi une percée dans cette région avec un député à In Salah. La population est largement activée même si le maire affirme que la région compte environ 30% de chômeurs. Les divers chantiers occupent des centaines de bras sans compter que les divers projets, une fois réalisés, seront d'un secours certain pour cette région. Si les Harratins sont généralement, pour les plus instruits, dans les administrations, la plupart des Touareg préférant garder les us et coutumes sont, pour la plupart, éleveurs et, de ce fait, sont plus à l'aise dans les campements qu'en ville. Plusieurs d'entre-eux ont réussi à se faire embaucher comme pisteurs et guides ou encore comme agents de sécurité et gardiens par les sociétés et autres entreprises installées localement. Beaucoup de Touareg ont leurs maisons à Tam mais aussi plusieurs préfèrent la vie à l'air libre dans le désert, car c'est là qu'ils ont leurs troupeaux. La dernière effervescence perçue à Tam contre les Nordistes était expliquée par les Nordistes eux-mêmes comme une grosse incompréhension des populations locales. Désormais, tout est rentré dans l'ordre. Tam est une ville des plus calmes où chacun vaque normalement à ses occupations. Malgré cela, les gens se plaignent du manque de travail. II est vrai que Tam accueille, à son corps défendant, des colonnes de réfugiés économiques venant, pour la plupart, des pays subsahariens. Les «réfugiés» habitent tous au lieu-dit Gattae El Oued, au-delà de l'oued Tamanrasset qui, souvent, coupe la ville en deux quand il est en crue. En ces lieux, des bruits courent: sont-ils fondés? Beaucoup de personnes l'affirment. II semble que ces réfugiés qui ont du mal à survivre car généralement sans papiers, se livrent à de petits trafics et certains même seraient à l'origine de la montée de plusieurs maladies sexuellement transmissibles tel, dit-on, ici et là, le sida. La réalité est que ces gens, poussés par de très mauvaises conditions économiques, ont fui généralement le Sahel pour essayer de survivre et la plupart d'entre-eux disent qu'ils ne sont, en fait, que de passage, le but étant d'aller plus au nord vers l'Europe. Ces jeunes, hommes et femmes s'essaient à survivre. Les difficultés de la vie poussent quelques-uns à des dérapages et on peut retrouver, outre, les petits trafiquants de drogue, certains qui s'adonnent au chapardage. Les autres petits ennuis que l'on peut rencontrer à Tamanrasset sont d'abord l'absence de la presse. Quelques journaux finissent par arriver en cette ville grâce à l'avion mais souvent avec deux à trois jours de retard. Aussi, les lecteurs de Tam ont-ils recours à Internet. Ce service est aussi des plus désagréables avec la connexion très lente car la région est dépourvue de l'Adsl, il semble qu'il y a eu des promesses mais qui tardent à se matérialiser sur le terrain. L'autre écueil est la téléphonie mobile. En effet, le réseau est des plus irritants avec des coupures et même, disent les gens de Tam, restent souvent des semaines entières sans réseau. Le plus gros des écueils que tout un chacun vient raconter à la presse quant elle est de passage dans la région, est la cherté du billet d'avion et aussi cette «douce habitude» de la compagnie de navigation aérienne Air Algérie de faire le retour sur Alger, de nuit. Personne n'arrive à comprendre pourquoi il n'y a pas de vols diurnes. C'est vrai, qu'arriver à Alger à 3-4 heures du matin, n'est pas évident pour le voyageur. Des petits riens face aux avancées que connaissent la ville et la région mais des riens qui, à la longue, sont des problèmes insurmontables. Ainsi, arriver de nuit à Tamanrasset, surtout durant la haute saison touristique, force le voyageur à opter pour l'hôtel Tahat qui ne «donne» pas ses chambres. Les auberges locales, tel le Caravansérail propre, agréable et surtout à l'accueil des plus chauds, affichent généralement toujours complet. Une opportunité pour les jeunes investisseurs qui peinent au Nord c'est d'aller creuser les voies dans le secteur touristique qui promettent au Sud. Tamanrasset est une grande ville où on trouve tout ce dont on a besoin et qui semble promise à un bel avenir touristique, pour peu que les Algériens sachent y faire!