«Il n'y a aucune aide directe de l'Etat.» La problématique du livre a été le thème traité, hier, au forum d'El Moudjahid, par MM.Terrar Abdelkrim et Sellal Achour, respectivement éditeur et chef du département de bibliothéconomie à la faculté de Bouzaréah. «Malgré son rôle d'une extrême importance, cet outil culturel par excellence est hors de la portée d'une majorité des lecteurs», a souligné M.Terrar avant d'ajouter, qu'«en 1986, 21 volumes de l'encyclopédie Bordas ont été vendus à 2400DA alors qu'elle coûtait 6000 francs en France» Cela explique parfaitement l'absence de l'Etat concernant toute subvention. Aujourd'hui, le transport à prix élevé, les taxes ainsi que le blocage qui se fait au niveau des services des douanes font de ce vecteur de connaissance un produit de luxe qu'une grande partie des lecteurs ne pourront apprécier. «Pour tracer une politique fiable et pérenne, le travail doit être axé sur les utilisateurs», a déclaré, pour sa part, le chef du département. S'agissant de ces bibliothèques vendant uniquement des livres, CD et tout ce qui a trait à la religion à des prix très abordables, M.Terrar estime que «ces livres demeurent malgré tout une littérature. Mais le phénomène doit être étudié». En dépit de leur sacralisation, certains livres du Coran ont subi des modifications. A ce sujet, le conférencier souligne que les ministères de la Culture, des Affaires religieuses et des Moudjahidine en assurent le contrôle. La culture dans son ensemble est en difficulté. Une difficulté qui date du temps du colonialisme qui voulait, vaille que vaille, se débarrasser de la langue arabe et inculquer au peuple celle de Voltaire. «Des écoliers ont été privés des cours de géographie, d'histoire et d'autres matières», a précisé l'éditeur. «Rien que le français et seulement le français», disait Jules Ferry. Quant au problème de l'édition, au lendemain de l'indépendance, en 1966, l'Algérie a vu la naissance de la Sned et la fermeture de Hachette. La tâche confiée à cette société était de prendre en charge toutes les productions, nationales et étrangères, afin de créer une «industrie du livre» qui réponde à la demande, toujours croissante. Entre 1966 et 1975, la Sned a tiré 200.000 exemplaires. De nos jours, la meilleure maison d'édition ne dépasse pas les 3000 exemplaires. «Cela est le fruit d'une politique favorisante de l'Etat», a enchaîné M.Terrar. Entre la période de 1982 à 1988, la Sned est scindée en plusieurs maisons d'édition telles l'Enag, l'Enamep, et l'Enafel la seule en activité, aujourd'hui, avant que le système privé ne s'installe à partir de 1990. Malheureusement, l'inadéquation entre l'offre et la demande, illustration d'une mauvaise gestion, l'absence des pouvoirs publics de susciter l'intérêt de la culture livresque, sont d'autres problèmes cruciaux. A cela s'ajoute le blocage qui se situe au niveau des douanes, d'Air Algérie et du ministère qui a procédé à la censure de pas mal d'ouvrages, selon l'éditeur. «Il n'y a aucune aide directe de l'Etat» regrette M.Terrar. Dans son intervention, M.Sellal a expliqué la politique du livre et de la formation: «A contrario des années passées, on axe notre travail sur l'aspect technique dont des modules de catalogage et de bibliologie ont été programmés.» S'agissant de la centralisation des bibliothèques, M.Sellal estime que cela est dû à un problème d'espace. «On regroupe toute la documentation au niveau de la bibliothèque universitaire. Les étudiants ayant entamé la phase de recherche, master et doctorat, auront des bibliothèques spéciales.» Devant la demande croissante du livre et en paradoxe, son prix élevé étant un problème majeur, et devant le désengagement de l'Etat pour l'amélioration des maisons de l'édition, il est urgent d'intervenir aujourd'hui.