Pour un parti qu'on avait donné pour mort au lendemain du 5 Octobre 1988, la remontée de la pente est exemplaire. Belle assurance de Belkhadem, qui annonce: «nous aurons la majorité au Parlement.» Au-delà du contenu même de cette déclaration, ce qui est important, en fait, c'est le contexte dans lequel elle a été faite par le secrétaire général du FLN. Un contexte marqué par un vide politique sidéral et l'absence de répondant des autres acteurs de la scène nationale. Une opposition qui ne se réveille qu'à l'approche d'une échéance électorale et des partis de l'Alliance qui se complaisent dans le rôle de faire-valoir qu'on leur fait jouer. On peut se désoler de constater qu'il n'y a pas de joutes véritables, pas de débat de fond, pas de confrontation entre les acteurs, des candidats qui ne se donnent pas la peine de se présenter devant les électeurs pour défendre un programme, les colonnes de journaux qui ne bruissent pas de toutes ces idées contradictoires qui rendent vivantes et captivantes une campagne électorale. Un démiurge est là-haut qui tire les ficelles dans l'ombre, distribuant à chacun le rôle qu'il doit jouer et les bénéfices (indemnités) qu'il peut, escompter en tirer. Dans ces conditions, on peut, à la limite, trouver normal que le FLN, l'un des rares partis à activer sur le terrain, ne boude pas son plaisir. Pour un parti qu'on avait donné pour mort au lendemain du 5 octobre 1988, et qui dut s'astreindre à une cure d'opposition sous Abdelhamid Mehri, la remontée de la pente est exemplaire. On ne peut donc, de prime abord, jeter l'opprobre au FLN et lui reprocher par la même occasion de mener la campagne à sa manière, ni de vouloir récupérer des pans perdus de son ancienne aura. En fait, c'est légitime. On peut même apprécier la manière dont le phénix, une fois de plus, renaît de ses cendres. C'est un fait que le vieux parti a su adopter une stratégie offensive qui lui a permis d'être déjà majoritaire dans les assemblées élues, de placer ses pions, de reconquérir l'opinion. Si l'écart se creuse tant entre le FLN et les autres partis, la faute à qui? Au pouvoir qui a verrouillé le champ politique et médiatique, ou aux partis qui eux-mêmes, en dehors de la campagne électorale, deviennent subitement aphones, pour ne pas dire amorphes, inertes, absents de la scène, ne critiquant pas l'action du gouvernement et ne proposant pas une alternative. La responsabilité est partagée. Comment peut-on parler d'alternance dans un pays où l'opposition ne se prépare pas à une telle éventualité, par la voie démocratique, en allant chaque jour que Dieu fait à la conquête de leur électorat? La bataille politique est un peu comme ce rocher que Sisyphe doit monter au sommet de la montagne, en sachant que rien n'est gagné d'avance. Mais quel plaisir doit-il éprouver quand il est tout en haut! On veut diriger un pays et on n'a pas la patience de lui faire la cour, on ne se donne pas la peine de gravir une à une les marches qui mènent au podium, que ce soit au Palais du gouvernement ou au Palais d'El Mouradia, en partant de l'idée que la meilleure porte est celle du palais Zirout Youcef. C'est-à-dire que tout doit commencer par un bulletin dans l'urne. Si certaines voix malintentionnées crient au strapontin, en jetant le doute sur ce geste hautement symbolique qui consiste à glisser un bulletin dans la fente de l'urne, c'est qu'elles sont adeptes du coup d'Etat permanent, de celui qui consiste à marcher sur les cadavres pour arriver au pouvoir, et malheureusement toute leur fortune, au propre et au figuré, est bâtie sur ce dol, pour ne pas dire sur ce viol, et des consciences et de la République. Si le FLN se targue de promettre un raz-de-marée, le citoyen électeur de son côté est en droit d'attendre le même mordant des autres partis politiques, qu'ils soient membres de l'Alliance présidentielle ou de l'opposition, pour que les joutes électorales vaillent la peine d'être suivies et vécues. La décantation sera à ce prix, et non plus par la pratique des quotas; car ce qui fera certainement très mal à la vie politique en Algérie, ce sera cette politique des quotas. En courant le risque de fausser les résultats des urnes, tout en généralisant la fraude et en discréditant le vote lui-même. On donnera tant de sièges à tel parti politique, non parce qu'il aura une telle base sociale électorale, mais pour service rendu. Un peu à la manière dont avaient été distribuées les pensions de chouhada après 1962. Mais alors que les chouhada sont morts pour la patrie et méritent tous les honneurs de la nation, les partis politiques ne savent qu'une chose: celle de monnayer leur allégeance au pouvoir en place.