La campagne électorale semble bien lancée avec un premier «tête-à-tête explosif» Ouyahia-islamistes. Le premier, puisant dans un registre ostensiblement orienté vers tout ce qui permet de freiner l'avancée des islamistes, notamment les leaders du parti dissous et les repentis des anciennes organisations armées, a motivé une levée de boucliers de la part des islamistes qui n'ont jamais eu l'ex-Chef du gouvernement en odeur de sainteté. La riposte de ces derniers ne s'est pas fait attendre. Boukhamkham, qui, il faut le noter, s'exprime au nom d'une tendance importante de l'ex-FIS, est allé droit au but. Pour lui, pour que les élections soient crédibles et honnêtes, il faut réunir deux conditions: l'impartialité de l'administration (entendre: acquise au RND) et le départ de Ouyahia du ministère de la Justice. De son côté, Rabah Kébir, président de l'instance exécutive de l'ex-FIS à l'étranger, nous parlait, il y a quelques jours, de la volonté affichée par un cercle influent du pouvoir «dont le but est de saborder et la concorde civile et la calme résignation des repentis de l'AIS». Au-delà de cet échange acide de propos, il y a lieu d'y déceler une guerre ouverte depuis longtemps entre les islamistes et les adeptes du tout-sécuritaire, qui cultivent aujourd'hui le «tout-préventif», c'est-à-dire qu'ils mettent en action tous les mécanismes juridiques, politiques et autres, pour empêcher la résurgence de toute force islamiste capable de peser sur le cours des élections. Un minimum de l'ordre de 5 à 10% est toléré pour permettre le jeu d'équilibre et les rapports de forces. Ces deux clans, qui se tirent, aujourd'hui et ouvertement, à boulets rouges, l'un sur l'autre, ont cela qui joue en leur défaveur: le temps. Pour les leaders islamistes, plus le temps passe, plus ils se retrouvent coupés de leur base, éloignés du champ d'activité politique effective et complètement entachée de la pire des périodes que puisse supporter un peuple. Pour le clan Ouyahia, il y a le fait qu'il remplace, pour ainsi dire, à la direction de l'option éradicatrice, le RCD et l'ANR, deux partis qui ont déjà joué et perdu leurs manches contre les islamistes, aussi bien les «insurrectionnels» que les «constitutionnels» (100 sièges à l'APN, c'est-à-dire cinq fois plus que le RCD, et cent fois mieux que l'ANR, le MDS et le FD réunis). Voilà donc les islamistes lancés contre le clan Ouyahia, et là, ce sera à eux de faire la différence entre les deux partis en lice, le RND et le FLN. Si les islamistes donnent des instructions fermes à leurs sympathisants, à leur base, et à la nébuleuse des repentis et des libérés dans le cadre de l'amnistie et de la grâce présidentielle, le RND y laissera non pas ses plumes, mais beaucoup de sièges qu'il occupe actuellement. Les islamistes, à l'origine d'une décennie monstrueuse, n'en sont pas moins une réalité de terrain, un fait sociologique qu'il faut prendre en ligne de compte. Le fait que ce soit Boukhamkham qui parle, induit un accord avec tout le clan qu'il représente, en l'occurrence l'ex-FIS version Kébir, Ould Adda et leurs proches compagnons, mais aussi - et surtout - l'AIS, toutes tendances confondues et qui sont un poids qui pèse sur la balance. Ouyahia n'en est que trop conscient. C'est donc cet arrière-plan qui va sous-tendre les élections du 30 mai. D'ici à cette date, les manoeuvriers de la politique auront tout le loisir de peaufiner une stratégie en conséquence.