décédé vendredi à 80 ans, c'était le plus grand violoncelliste de la seconde moitié du XXe siècle, mais, également, un homme libre qui a défié l'oppression soviétique. Un vieil homme sur une chaise au pied d'un mur qui s'écroule, un violoncelle et les premières notes d'une suite de Jean-Sébastien Bach qui s'élèvent dans l'air froid...Le 11 novembre 1989, Mstislav Rostropovitch entrait dans l'Histoire en jouant au pied du Mur de Berlin. Des images qui feront le tour du monde. Ce concert a été l'un des plus beaux moments de ma vie, avait dit le musicien au Tagesspiegel. Dans une autre interview au même journal, en 1999, il avait assuré: Ce Mur était comme une déchirure dans mon coeur. Le musicien russe Mstislav Rostropovitch, décédé vendredi à l'âge de 80 ans, était le plus grand violoncelliste de la seconde moitié du XXe siècle, mais également un homme libre qui a défié l'oppression soviétique. Fils de violoncelliste, Mstislav Leopoldovitch Rostropovitch est né le 27 mars 1927 à Bakou (Azerbaïdjan). Il débute très tôt le piano avant d'aborder le violoncelle. Son père, qui prit quelques leçons avec l'Espagnol Pablo Casals, dont Rostropovitch s'estimait le petit-fils en violoncelle, l'encourage à rejoindre le conservatoire de Moscou. Mstislav étudiera à partir de 1943 l'orchestration auprès de Dmitri Chostakovitch, qui restera son maître. Sa virtuosité s'impose rapidement. Il remporte de prestigieux concours à Moscou (1945), Prague (1947 et 1950) et Budapest (1949). Devenu une gloire nationale, il se voit récompensé, à l'âge de 23 ans seulement, de la plus haute distinction qui existe en Urss, le prix Staline. Sa disgrâce sera aussi rapide que son ascension. En septembre 1970, il accueille chez lui avec son épouse, la soprano Galina Vichnevskaïa, l'écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne, malade et sans ressources. Rostropovitch n'hésite pas à prendre parti pour lui dans une lettre au dirigeant soviétique, Léonid Brejnev. Immédiatement victime de représailles, banni des tournées étrangères et interdit de jouer avec des grands orchestres, Rostropovitch émigre à l'Ouest le 26 mai 1974 pour raisons politiques. Quatre ans plus tard, le 15 mars 1978, il est déchu de la nationalité soviétique. Quelques jours après la chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, celui qu'on surnommait Slava joue du violoncelle au pied du mur. Réhabilité en 1990 par un décret de Mikhaïl Gorbatchev, Rostropovitch revient en Russie avec l'orchestre symphonique de Washington, qu'il dirigea de 1977 à 1994. En 1991, il monte sur les barricades pour défendre la jeune démocratie russe contre les putschistes. Ceux qui l'ont fréquenté, gardent de Rostropovitch l'image d'un bon vivant plein d'humour et doué pour les relations humaines. En Russie, il suscite des sentiments controversés, nombre de compatriotes voyant d'un mauvais oeil sa fortune qu'il avait faite à l'étranger, son engagement politique et son goût pour se faire de la publicité. Bon nombre des plus grands compositeurs du XXe siècle comme Britten, Chostakovitch, Dutilleux, Lutoslawski, Prokofiev ont écrit pour ce violoncelliste d'une insatiable curiosité, qui a contribué à développer le répertoire de son instrument comme personne. Partenaire de musique de chambre exquis en compagnie de Guilels, Horowitz, Menuhin ou Richter, Rostropovitch s'est aussi illustré comme chef d'orchestre et à l'opéra (dès 1967 au Bolchoï dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski. Il avait aussi mis sa notoriété au service de grandes causes humanitaires: ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, il était devenu, en 2006, représentant spécial du Programme des Nations unies sur le VIH-Sida (Onusida). Il a créé avec sa femme Galina Vichnevskaïa une fondation consacrée à des programmes de santé pour les enfants de l'ex-Urss. Ils ont deux filles, Olga, violoncelliste, et Elena, pianiste. Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage au musicien qualifiant sa mort de perte énorme pour la culture.