Concrétiser sur le terrain le discours moderniste des deux partis, tel est l'enjeu. Le processus de rénovation des deux partis, qui font l'essentiel de l'ossature du pouvoir, arrive ces derniers jours à sa phase critique. Les prochaines élections législatives constituent certes une occasion pour opérer un saut qualitatif dans le renouvellement de l'encadrement du FLN et du RND, mais c'est aussi un virage, pour le moins dangereux, que tentent de négocier au mieux, Ouyahia et Benflis. Ce dernier a réussi une véritable révolution au sein du vieux parti, en écartant la vieille garde du bureau politique. Cependant, même si le discours a été, depuis, largement dépoussiéré, il n'en demeure pas moins que les structures du FLN tournent toujours avec un personnel, pour une bonne partie, dépassé par les événements. L'une des premières initiatives de Benflis à la tête du parti a été de lancer un appel à toutes les forces vives pour venir grossir les rangs du FLN. La démarche a été concluante au sens que la formation au pouvoir a connu un sérieux coup de jeune, que se soit sur les plans quantitatif et qualitatif. Un rajeunissement encourageant au sens où le vieux parti est remonté dans l'estime des citoyens qui semblent prêter plus d'attention aux concepts nouveaux, à savoir la démocratie de proximité, credo du SG du FLN. Cette volonté de regagner la crédibilité perdue à la suite des événement d'Octobre 88 et de l'épisode de Sant'Egidio, dont la conséquence a été le retour des apparatchiks au BP et au Comité central, est visible dans les discours tranchants du Chef du gouvernement sur des questions, jadis peu abordées par la direction. Cet état de fait a permis au FLN de revenir sur les devants de la scène politico-médiatique, mais aussi à la pratique de la politique de proximité, plus attentive aux réelles préoccupations du citoyen. Seulement, le discours ne règle pas les problèmes. Cela Benflis semble l'avoir compris. Et c'est pour concrétiser sur le terrain les nouvelles orientations du FLN que l'occasion des prochaines législatives est prise au vol. Or, il se trouve que les vieux militants dépassés par les questions de l'heure ne veulent pas lâcher du lest pour autant. Ils s'accrochent à une conception passéiste de la chose politique qui se résume en une présence symbolique dans l'hémicycle de Zighoud-Youcef, avec en prime, une situation confortable de rentier de la République. Une vision que le SG du FLN rejette. Il s'en est suivi un bras de fer entre les anciens et la nouvelle direction du parti. Une lutte quasi publique est engagée par les «députés permanents» contre la commission nationale de candidature, en usant pour ce faire, de leurs réseaux de clientélistes. L'arrière garde du FLN semble décidée à défendre ses chances jusqu'au bout, même si pour cela, l'avenir du parti en dépend. Car une reconduction de certaines pratiques est de nature à engloutir définitivement le FLN dans une logique de parti sclérosé, bon seulement pour servir les desseins du pouvoir, et non pas comme le souhaitent son premier responsable et une bonne partie de ses cadres, une locomotive moderniste de la nation. Cela dit, la «guerre» interne est largement engagée, avec son lot de menaces de démissions collectives et de boycott pur et simple du scrutin. A quelques heures de la fin du dépôt des dossiers de candidature personne ne peut présager de la suite que donneront les mécontents à leurs protestations. La question est de savoir si cette grogne est un feu de paille, auquel cas Benflis aura remporté une manche déterminante contre les rentiers du FLN. Au RND, même si l'évolution de ce parti n'est pas, à proprement parler, la même que pour le FLN, il est important de souligner le coup de balai magistral donné par Ouyahia aux élus de sa formation. Le renouvellement de plus de 80% de la représentation du RND à l'APN témoigne d'une volonté de revoir en profondeur un parti né dans la tourmente des années 90 et gangrené par l'opportunisme. Le SG du RND a déjà pratiqué plusieurs nettoyages depuis le jour de sa prise de fonction. Mais celui qu'il entend faire à l'occasion de ces élections est de loin le plus important. Venu avec un programme résolument tourné vers la modernité, le RND est à la recherche de compétences pour le mettre en oeuvre. La sanction qui a frappé plus de 120 députés tient de la volonté du premier responsable du parti de donner à l'Assemblée populaire nationale des hommes et des , conscients de l'importance de l'enjeu politique de l'heure, à savoir un contact permanent avec la société. Au sein du RND aussi, cette vision ne plaît pas beaucoup, d'où une levée de boucliers de certains députés déçus de ne pas renouveler un mandat qui leur a ouvert les portes des grands hôtels. Tout compte fait, le prochain rendez-vous électoral est important à plus d'un titre. La raison en est qu'il servira à provoquer la maturité du RND et la redynamisation du FLN. Benflis et Ouyahia réussiront-ils dans leur entreprise? C'est toute la question.