Le chômage et les conditions de vie difficiles sont le vivier de la violence non-stop. Les autorités locales de la wilaya de Tamanrasset ont pris en charge toutes les doléances formulées par les jeunes de la ville de Aïn Salah. Selon notre source, aucune action en justice n'a été introduite pour, d'une part, apaiser les esprits surchauffés et, d'autre part, prendre le temps nécessaire pour apprécier cette «bourrasque de violence qui s'est abattue sur la ville en vingt-quatre heures». Les autorités civiles de Tamanrasset ont dépêché des émissaires à Aïn Salah, pour constater de visu les dégâts occasionnés aux infrastructures de la ville fortement endommagée et prendre langue avec les délégués des jeunes émeutiers afin d'aller en profondeur dans cette affaire, pour le moins équivoque à plus d'un titre. Les jeunes de Aïn Salah avaient, rappelons-le, incendié le siège de la mairie et de la sécurité sociale, la poste, une banque et plusieurs voitures, dont l'une appartient au chef de daïra. La raison de cette montée de violence a été provoquée par, disent les émeutiers, «le comportement clientéliste et partial des responsables du bureau de main-d'oeuvre local qui privilégient certains recrutements au détriment des jeunes de la région, lesquels souffrent d'un taux de chômage endémique et important». La région de Aïn Salah, dont le taux de chômage excède les 70% de la population active survit plutôt qu'elle ne vit de petits commerces et d'exode vers le Nord ou vers la ville de Tam. Aussi, un tout petit écart administratif y est perçu comme «une autre» blessure. «La centaine de jeunes qui ont cassé, brûlé et hurlé sont presque tous originaires de la ville, et ne présentent aucun antécédent en matière de violence juvénile ou autre, pour être livrés à la justice avec cette facilité», nous affirme un responsable de la police locale. Rappelons qu'avant Aïn Salah, les villes de Tam, d'El-Ménéa, de Ghardaïa, de Hassi-R'mel, de Laghouat et d'Illizi ont connu des émeutes semblables. La région du Grand Sud, réputée calme, accueillante et sereine, commence à ressentir les douleurs sociales. Vastes zones du tourisme algérien, Tam fait vibrer Alger lorsqu'elle s'agite. Les caractéristiques sociales, les couleurs tribales et ethniques et les turbulences qui s'y fondent sont «hautement explosives». Alors, assistons-nous réellement à la fin de règne, savamment entretenu, du «Grand Sud tranquille»? Ou alors la contestation sociale y est sournoisement poussée, comme le suggèrent d'autres? Si l'on se réfère aux turbulences des autres régions du Sud, comme celle d'El-Ménéa, par exemple, on peut mieux apprécier cette déferlante de la violence qui s'abat sur le Sud. Mécontents du recrutement pour la construction d'un gazoduc, les jeunes d'El-Ménéa, dans la wilaya de Ghardaïa, y avait détruit des bâtiments publics. Ils protestaient, en fait, contre le recrutement jugé discriminatoire de la société américaine Bechtel, chargée de la réalisation d'un gazoduc de 800km, destiné à relier les champs gaziers de Aïn Salah à ceux de Hassi-R'mel, avec El-Ménéa comme base-vie. Les derniers commentaires élaborés par les services de sécurité, et concernant la situation sécuritaire de l'année 2001, étaient pourtant bien clairs: la précarité, le chômage, les conditions de vie difficiles, etc. représentent bien le «vivier de la violence non-stop» en Algérie.