Le gouvernement a retenu l'utilisation du chèque dans les transactions commerciales comme un moyen de lutte contre l'informel. L'obligation de l'utilisation du chèque sera bientôt établie après les multiplies tentatives avortées d'imposer ce mode de paiement pour les transactions d'un montant au-delà de 50.000 dinars. Le fait que le ministre des Finances, Karim Djoudi, évoque cette éventualité, montre à quel point le gouvernement est embarrassé par le commerce informel et l'économie parallèle. Avant-hier, lors d'une rencontre avec la presse, il est même allé jusqu'à annoncer que 22% de la masse monétaire, évaluée à 4965 milliards de dinars, circulent en dehors du circuit bancaire. Les raisons ne sont pas seulement liées, selon lui, à des phénomènes de fraude et d'évasion fiscales. Il souligne que la population se réserve toujours un certain matelas financier en dehors du circuit officiel, notamment en temps de crise. Le manque de confiance dans les banques et la volonté de soustraire sa fortune au fisc ne sont donc pas les seules motivations à cet état de choses. Même l'introduction du chèque n'obligera pas tous les détenteurs d'épargne à se diriger vers les guichets des banques. D'autant plus que certains modes de dépôt ne sont pas rémunérés. L'existence d'un marché parallèle de change est un autre phénomène qui alimente la sphère informelle. Toutefois, le ministre se refuse à penser que le marché du square Port-Saïd puisse influer la politique monétaire du gouvernement. Selon lui, les quantités de devises qui circulent dans l'informel sont certainement insignifiantes en comparaison avec des montants d'importation s'élevant à 40 milliards de dollars. De toute façon, même l'utilisation des chèques ne met pas les citoyens à l'abri d'escroqueries. En outre, le rapport à l'argent est avant tout de nature sociale et non économique et il ne peut pas y avoir de civisme dans les opérations financières lorsque 40% de la production physique de fruits et légumes, par exemple, n'entrent jamais dans l'enceinte des marchés officiels. Toujours à propos du chèque, l'un des risques intrinsèques liés à son utilisation consiste dans les impayés. La Banque d'Algérie a constaté que le montant des impayés en 2008 a été de 26,5 milliards de DA. Pour atteindre ce chiffre, il y a eu 38.538 déclarations à la suite desquelles 4710 interdits de chéquiers ont été répertoriés. Le taux des incidents de paiement déclarés en 2008 est même en hausse de plus de 1,79% et de 30,50% en valeur par rapport aux données de l'année 2007 de cet indicateur financier. Le taux de chèques impayés pour absence ou insuffisance de provision en 2008 est de 0,90% contre 1,02% en 2007. Les chèques impayés sont concentrés sur la tranche comprise entre «10.000 et 1 million de dinars» pour 72,03% des chèques impayés déclarés. Par secteur juridique, le nombre d'incidents est plus élevé pour la clientèle classée sous la rubrique «affaires personnelles» (commerçants, artisans) dans le secteur privé (49,68%) et pour les «établissements publics à caractère industriel et commercial-Epic» dans le secteur public (82,60%). La collecte de l'épargne se heurte à d'autres écueils comme l'insuffisance des agences bancaires. Le réseau des banques publiques comprend 1 057 agences et celui des banques privées 244 agences contre 196 en 2007. Le total des guichets s'établit à 1301 contre 1233 en 2007, soit un guichet pour 26.400 habitants contre 27.400 en 2007. Si l'on prend le ratio population active «guichets bancaires», on constate qu'il est de 8 300 personnes en âge de travailler par guichet contre 8500 en 2007, ce qui est insuffisant. La finalité pour le gouvernement d'imposer le chèque et de réduire les montants circulant en dehors des banques vise, non seulement à augmenter les revenus du fisc, mais aussi à disposer de liquidités pour les céder sous forme de crédits aux entreprises. Même si les banques sont en surliquidité, l'amélioration de leurs ratios ne sera que la bienvenue pour qu'elles puissent être capables de prendre davantage de risques. Avec l'autorisation, à nouveau, pour les banques de prendre des participations dans des entreprises, toutes les liquidités pourraient trouver un usage adéquat. Le gouvernement a sélectionné certaines entreprises pour effacer leurs dettes et les doter de fonds de roulement afin de conquérir des marchés. C'est une manière pour l'Etat d'allumer un contre-feu et de fermer la voie aux importations et à la prolifération du secteur informel qui ne manquerait pas d'occuper la place laissée vacante par les entreprises qui disparaissent. Le secteur public industriel compte 896 entreprises, soit 3,2% des 28.352 entreprises industrielles nationales.