Les cinq principaux délégués de la coordination intercommunale de Béjaïa sont détenus depuis maintenant près de quatre mois à la maison d'arrêt de cette ville. Depuis jeudi, Farès Oudjedi, Ali Gherbi, Khoudir Benouaret et Mouloud Bedjou, ce dernier étant toujours en observation à l'hôpital de Béjaïa, observent, pour la deuxième fois depuis leur incarcération, une grève de la faim pour dénoncer la lenteur qui caractérise le traitement de leur dossier et crier leur désarroi devant les tentatives des uns et des autres à faire d'eux un objet de chantage. Eu égard aux 22 chefs d'inculpation retenus à leur encontre, ces délégués n'ont, à aucun moment, caché leurs appréhensions quant aux lendemains incertains. Ce qui a surtout provoqué leur désespoir est «ce dialogue de sourds» qu'entretenaient le pouvoir et le mouvement citoyen. Si d'un côté, on fait preuve de volonté d'aller vers le dénouement de la crise par le voie du dialogue, de l'autre, on se montre intransigeant face à tout ce qui touche de près ou de loin à la plate-forme d'El-Kseur. Les délégués détenus sont alors au centre des enjeux si bien qu'ils font l'objet de rapprochement. Le dernier en date a été opéré par le pouvoir, via quelques membres du collectif des avocats de la défense et avait débouché sur un principe d'accord conditionné pour l'engagement d'un dialogue mais, à peine est-il annoncé, qu'il a été vite rejeté par les animateurs de la CICB donnant lieu par la suite à un climat de suspicion. Du retard mis pour la fixation de leur sort, à la démobilisation qui touche de plein fouet un mouvement, censé être toujours en alerte, en passant par toutes les manoeuvres dont ils font l'objet, ce sont autant d'éléments qui ont mis à mal le moral des détenus. Si les conditions de détention sont, de l'avis même du collectif d'avocats de la défense et de leurs familles, acceptables, il n'en demeure pas moins que cette détention prolongée, marquée par un climat de suspicion et d'appréhension, les a largement épuisés et découragés d'où ce recours à l'ultime action qui n'est pas sans inquiéter leurs proches et la population en général. L'air désabusé, les parents semblaient, hier, très en colère contre tous les acteurs intervenant dans cette crise. Tout en se montrant rassurant quant à la santé des détenus, ils cachaient mal leur crainte d'un éventuel pourrissement qui coûterait la vie de leurs enfants et époux. Devant les conséquences d'une action aussi extrême, il est urgent de dégager une solution au conflit qui perdure en Kabylie. Il y va de la vie des hommes qui se sont impliqués, corps et âme, dans un combat pour lequel ils étaient réellement convaincus. Ayant toujours rejeté la violence, les cinq détenus en grève de la faim ne comprennent pas qu'on puisse leur réserver un tel sort.