Ses résultats pourraient parasiter les efforts de conciliation diplomatiques en cours à Genève entre Tbilissi et Moscou, en ravivant les tensions. L'Union européenne doit publier cette semaine un rapport d'enquête très attendu sur les causes du conflit russo-géorgien d'août 2008, qui s'annonce compliqué pour elle à gérer, car il risque de montrer du doigt non seulement Moscou mais aussi Tbilissi. Cette enquête avait été lancée en décembre 2008, dans un but alors d'apaisement, Moscou et Tbilissi s'accusant mutuellement d'avoir déclenché un conflit autour du contrôle de l'Ossétie du Sud, qui a duré du 7 au 12 août et s'est soldé par la cuisante défaite de la Géorgie. Au bout du compte, le pays a été amputé de ses deux régions rebelles, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, désormais dans le giron russe. Le rapport a été confié à une commission dirigée par une diplomate suisse, reconnue, Heidi Tagliavini, représentante de l'ONU en Géorgie de 2002 à 2006. Elle doit le remettre, en principe mercredi, aux représentants de l'Union européenne, ainsi qu'à l'ONU, aux Géorgiens et aux Russes. «On imagine mal que le rapport tranche en faveur de l'un ou de l'autre tant la question est sensible», souligne une source diplomatique européenne. Pourtant la presse russe crie déjà victoire. Et selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le rapport, sans exempter la Russie, mettra en exergue la responsabilité directe de la Géorgie dans le déclenchement des hostilités, via des bombardements sur la capitale ossète de Tskhinvali. «Il est certain aussi que l'UE va critiquer la Russie pour avoir envahi le reste de la Géorgie et pas seulement l'Ossétie du Sud, et avoir fait un usage excessif de la force», estime Nicu Popescu, analyste au European Council on Foreign Relations. Mais «si les Géorgiens ont lancé une attaque» pour reprendre le contrôle de leur province rebelle «sans avoir des preuves claires que des blindés russes étaient déjà entrés, ce sera chaud pour eux du point de vue diplomatique», pronostique-t-il. Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a par avance rejeté les critiques. «Il est impossible que la Géorgie déclenche un conflit avec la Russie. Nous ne sommes pas fous», vient-il d'assurer. Le rapport tombe au plus mal pour son pays et pour l'Union européenne. Ses résultats pourraient en effet parasiter les efforts de conciliation diplomatiques en cours à Genève entre Tbilissi et Moscou, en ravivant les tensions, et donner des arguments aux Russes pour justifier l'indépendance autoproclamée des deux régions séparatistes, représentant près de 20% du territoire de la Géorgie. «Je doute beaucoup qu'il y ait quoi que ce soit dans le rapport qui puisse justifier le fait qu'un pays occupe les territoires d'un Etat souverain», rétorque Salomé Samadashvili, ambassadeur de Géorgie auprès de l'UE. Pour Tbilissi, le bilan, un peu plus d'un an après le conflit, n'est guère reluisant. L'UE maintient bien en Géorgie la dernière mission d'observation internationale encore présente, mais elle n'a accès ni à l'Ossétie, ni à l'Abkhazie. Et fondamentalement la défense de l'intégrité territoriale du pays n'est plus la priorité du moment pour une Europe qui a besoin de la Russie, de son gaz, et négocie avec elle un nouveau partenariat stratégique. «L'UE a accepté de facto la partition de la Géorgie ainsi que le fait que dans les 20 à 30 années à venir on ne pourra rien faire», juge Nicu Popescu. Quant à la perspective d'une entrée de Tbilissi dans l'Otan, elle a souffert. Peu y croient désormais à brève échéance. Une situation de blocage qui a motivé un appel lancé le 22 septembre par une dizaine de personnalités européennes. Elles s'inquiètent de voir «un nouveau mur» se construire en Europe, sur le territoire de la Géorgie, et attendent plus de fermeté de l'UE à l'égard de Moscou.