Aux plans bilatéral, régional et international, Paris s'est distingué par une duplicité qui tranche totalement avec la politique arabe de la France. Le président Abdelaziz Bouteflika ira bel et bien en France dans le cadre d'une visite officielle dont la date sera fixée selon l'agenda des présidents respectifs. Jeudi en marge de la séance plénière au Sénat, consacrée aux questions orales aux ministres, le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, a confirmé ce voyage qui a soulevé de nombreuses polémiques. La réponse du ministre des Affaires étrangères tranche en effet la question du voyage du Président algérien en France. A ces reports successifs, les observateurs se livrent à une lecture qui traduit un réel malaise dans les relations algéro-françaises. «Tout va mal, Mme la Marquise», semblent-ils dire, même si Mourad Medelci rassure que «nos relations avec la France sont bonnes», tout en reconnaissant «l'existence de quelques divergences dans le point de vue des deux Etats». Et les points de divergence, ce n'est pas ce qui manque depuis ces derniers mois, notamment les positions politiques de la France sur plusieurs dossiers. D'abord, au plan bilatéral, les observateurs ne comprennent pas l'acharnement français contre l'Algérie dans «l'affaire» des moines de Tibhirine. Le ministère de la Défense français a ordonné la levée du secret-défense sur une vingtaine de documents classés secrets liés à l'assassinat des moines à Médéa. Le dossier du diplomate Hasseni n'est pas pour apaiser les tensions. Les mêmes observateurs s'interrogent en effet: comment se fait-il qu'un diplomate avec un passeport lui assurant une immunité, se fasse arrêter comme un vulgaire malfrat? Les tests ADN auxquels il a accepté de se soumettre, n'ont fait que confirmer son innocence qu'il clame depuis des mois. S'ensuit l'affaire Ben Barka. Quatre mandats d'arrêt internationaux émis par la France et visant, notamment le chef de la gendarmerie marocaine dans l'affaire de la disparition de Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris, ont été diffusés par Interpol après accord du ministère de la Justice. Quelques jours plus tard, la justice française annule tout simplement ces mandats d'arrêt. On s'interroge alors sur cette politique des deux poids, deux mesures de la justice française. Dans le sillage de cette visite, les observateurs voient d'un mauvais oeil le fait que le roi du Maroc soit invité à se rendre à Paris avant le Président Bouteflika, dont le voyage a été initialement fixé avant celui de Mohammed VI. Ensuite, il y a la position de la France par rapport au conflit du Sahara occidental que l'Algérie n'a pas appréciée. La France apporte un soutien inconditionnel à Rabat dans le projet marocain d'autonomie du territoire sahraoui. Un soutien qui s'apparente à une ingérence. Paris aurait pu et dû faciliter le règlement de ce conflit de décolonisation par une position de neutralité positive, cela au plan régional. Au plan international, c'est la position ambivalente de la France que les observateurs regrettent. Depuis l'entrée de Sarkozy sous la tente de la présidence de la République, la politique arabe de la France s'est éclipsée en faveur d'un soutien sans réserve à Israël. N'est-ce pas avec les Emirats arabes unis que la France a décroché des contrats de vente d'armes? C'est bien le Qatar qui a allongé le chèque pour la libération des infirmières bulgares! C'est bien avec l'Arabie Saoudite que l'Hexagone gagne de gros contrats et avec l'Algérie que des entreprises françaises, à l'image d'Alstom, ont été sauvées de la banqueroute? Aux plans bilatéral, régional et international, Paris s'est distingué par une duplicité qui tranche totalement avec la politique arabe de la France. Ce sont autant de points divergents qui étaient au coeur des discussions tenues par les ministres des Affaires étrangères des pays respectifs en marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York. «Avec M. Bernard Kouchner, nous avons discuté des dossiers d'ordre économique et social. Bien évidemment, nous avons évoqué l'histoire.» Le ministre des Affaires étrangères a souligné que certains dossiers qui divisent les deux pays ont été posés sur la table des discussions. A l'occasion de ce face-à-face, l'Algérie a réitéré sa volonté de développer ses relations avec la France «dans le cadre des intérêts communs». Interrogé sur la revendication des harkis ayant trait à la révision de la date de l'indépendance de l'Algérie, Medelci insiste que «nous n'avons pas de problème avec la France mais avec une partie des Français qui veut falsifier l'histoire et refuse de reconnaître la vérité».