Les choses se compliquent en Kabylie. Le cas des détenus revient sur la sellette. L'atmosphère s'alourdit de plus en plus à Tizi Ouzou. En attendant qu'expire l'ultimatum du mouvement citoyen, concernant la libération immédiate et inconditionnelle des détenus, faute de quoi les chefs de daïra seront expulsés de Kabylie, la population qui appréhende le retour de la violence se tient le ventre. D'autant que la situation des détenus semble des plus confuses. Le collectif des avocats de la défense a bien déposé, au terme de quatre mois de préventive, une demande de mise en liberté provisoire. Cependant la législation en vigueur permet au juge de renouveler quatre fois cette détention, allant ainsi jusqu'à seize mois. Il faut dire que les chefs d'accusation qui pèsent sur les détenus sont l'enlèvement, la séquestration de personnes, l'incendie ainsi que l'incitation à attroupements et outrages à corps constitués. Selon quelques avocats, les détenus traversent actuellement une période moralement difficile. L'un d'eux, Ramdane Bouadi, récemment arrêté, serait malade. D'autres, au nombre de 4 à 5, selon les avocats, ont décidé d'une grève de la faim. Un mouvement qui risque d'être contagieux. Par ailleurs, les détenus arrêtés à Draâ El-Mizan, ont fait parvenir à la presse une déclaration dans laquelle, ils saluent les diverses actions menées par les familles, le collectif des avocats et le mouvement citoyen et visant à débloquer la procédure judiciaire. Comme ils dénoncent «le refus de la justice de statuer sur leurs cas». Les détenus expliquent qu'en tant que délégués, «ils n'ont ménagé aucun effort pour canaliser la contestation citoyenne dans un cadre pacifique, pour l'aboutissement de la plate-forme d'El-Kseur». Dans la déclaration les détenus regrettent que «le pouvoir, qui reconnaît la légitimité du mouvement citoyen et des revendications, nous a emprisonnés et réduits à de simples otages». Plus acerbes, les détenus, après avoir évoqué «la répression sauvage qui s'abat sur le mouvement», considèrent l'invitation au dialogue comme «un subterfuge qui ne sert qu'à imposer à la société des changements programmés». Ils croient voir dans la démarche du pouvoir (qualifié de tous les noms d'oiseaux) une entrée au service de «la pseudomondialisation ravageuse de peuples...». Enfin aux délégués détenus de proclamer «leur attachement à la Cadc, au code de l'honneur et aux principes directeurs du mouvement, et ce, quel que soit le prix à payer!». Selon un des avocats de la défense, la non-comparution des détenus dans un procès est «un blocage politique» et le même de préciser: «Le juge d'instruction n'a pas encore renvoyé l'affaire devant le tribunal compétant!». Comme il n'arrive pas à expliquer le fait que «des délégués soient arrêtés, le jour même ou le Chef du gouvernement invite le mouvement au dialogue!». Sur un autre plan, de source sûre, on a appris que la justice aurait rendu des verdicts de non-lieu concernant les plaintes ayant trait à quatre victimes du printemps noir. La Chambre d'accusation ayant confirmé ces verdicts, un pourvoi en cassation serait incessamment déposé. Encore une affaire qui risque fort d'ajouter «de l'huile sur le feu!». C'est dire que la situation se complique à souhait. Les jours à venir se chargent de gros nuages noirs.