Le crime organisé en Algérie pourra-t-il connaître un jour le seuil de celui de la mafia russe? Hormis le mythe non encore prouvé par les faits ou infirmé par des déclarations officielles de la fameuse «mafia politico-financière», rendu responsable par la vox-populi et certains milieux politiques de tous les malheurs vécus par le pays ces dernières années, le monde du crime organisé en termes de syndicat reste inconnu en Algérie ou du moins n'a pas encore livré toutes ses facettes. Ce qui est certain, en revanche, c'est que depuis la fin du parti unique et l'avènement de ce qui est appelé le multipartisme et les réformes économiques, le gangstérisme, la violence sous toutes ses formes, les trafics en tout genre et les activités criminelles de bandes et de réseaux organisés sous un schéma mafieux, donc protégés politiquement ou simplement impunis par les lois du pays, se sont développés à une vitesse vertigineuse dans le pays. Comment en est-on arrivé à cette situation où un pays qui était, il y a juste quelques années, un havre de paix et de sécurité s'est transformé en quelque temps en une jungle où toutes les activités criminelles sont devenues réelles, voire banales? Pour beaucoup, l'explication ne peut être seulement d'ordre interne, l'option de la libéralisation du pays a aussi ouvert la voie à un aiguisement des appétits de la criminalité organisée et a élargi ses ambitions et ses territoires d'action. En effet, de par l'introduction progressive de l'économie nationale dans l'économie mondiale fortement noyautée par la mafia transnationale, l'Algérie ne faisait que s'insérer dans un système économique et financier international dominé et tenu en partie par des réseaux mafieux internationaux. Faut-il mentionner à ce propos que le chiffre d'affaires de ces mafias mondiales est estimé aujourd'hui à plus de 457 milliards de dollars par an? Exploitant la mondialisation, les ajustements des économies nationales, les désordres internes et internationaux et surtout l'affaiblissement des Etats, les réseaux mafieux sont devenus très puissants et leurs crimes ont pour théâtre la planète entière. Premier cas cité partout dans le monde de la puissance de ces organisations criminelles, la mafia russe qui a profité de la disparition du communisme et de l'Etat soviétique pour s'engouffrer dans tous les circuits économiques et financiers de la nouvelle fédération de Russie. Dirigée par d'ex-gros bonnets du fameux KGB qui ont utilisé leurs influences et leurs filières du monde du renseignement, la mafia russe est devenue un Etat dans un Etat où, dit-on, 50 personnes seulement contrôlent l'ensemble de l'économie du pays. L'Algérie, qui a, pendant des décennies, vécu selon le schéma d'organisation politique soviétique, c'est-à-dire avec un régime de parti unique et une économie très centralisée, puis a bifurqué comme l'ex-Union soviétique vers une libéralisation autant débridée que mal contrôlée, risque-t-elle de connaître un développement du crime organisé comparable à celui enregistré en Russie ou ailleurs dans les pays de l'Est où la mafia russe agit? S'il est admis que l'envergure des réseaux mafieux algériens ne peut être équivalente à celle de leurs semblables russes, il n'en demeure pas moins que par certains aspects de leurs agissements tels que l'utilisation de la corruption pour s'introduire au coeur des appareils d'Etat, et influencer de la sorte quelques décisions politiques, leurs actions ne peuvent être assimilées qu'à des actes qui se rapprochent de cette criminalité organisée russe et enserrent de leurs tentacules tout un pouvoir d'Etat. Certes les canaux d'action des réseaux mafieux russes sont issus des méandres occultes d'une ex-superpuissance, l'Union soviétique avec ses ramifications d'espionnage planétaires alors que le champ d'action de la criminalité algérienne se limite à celui dans lequel agissent des acteurs émanant d'un modeste pays en voie de développement. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les méfaits de ces derniers ne prennent pas d'ampleur. Tout au contraire les activités de ces réseaux criminels sont en train de se diversifier et de suivre au pas l'évolution de l'ouverture du pays sur l'extérieur. Et dans ce cas, toutes les collusions et toutes les têtes de pont sont possibles.