«J'avais participé sans le savoir et je ne savais pas que Reggane était une base atomique pire que celle de Hiroshima.» Le président honoraire de l'Association des vétérans des essais nucléaires dans le Sahara algérien (Aven), M.Michel Verger, a qualifié, lundi dernier, à Alger, les essais nucléaires de la France en terres algériennes d'acte «criminel» et «colonial». «Je suis Français et je regrette mon appartenance à un pays qui pratique l'art de taire la vérité. Les essais nucléaires de la France en Algérie sont un acte criminel et colonial», a déclaré à la presse M.Verger en marge du 2e colloque international sur les explosions nucléaires dans le Sahara algérien. «J'ai assisté aux deux premières explosions. La première était terrible. Nous étions couchés sur le sol et nous avions reçu l'ordre de nous lever après la fin de l'explosion et, malgré les yeux fermés, nous avions vu son éclair. Alors, imaginez la réaction de la population de Reggane, qui, sans avoir été prévenue, avait vu cet éclair sans prendre de précautions», a-t-il déploré. Il a indiqué que pas moins de 5000 personnes, civils, militaires et population de Reggane, étaient victimes de ces essais qui ont coûté la vie à beaucoup d'entre elles, a-t-il affirmé. Se remémorant cette période, l'ancien militaire français a indiqué avoir participé à un essai nucléaire le 13 février 1960, dont la puissance «faisait quatre fois celle de Hiroshima». «J'avais participé sans le savoir et je ne savais pas que Reggane était une base atomique», a-t-il confié. Pour lui, l'arme nucléaire n'est pas une arme de guerre mais de «génocide». «Elle met en péril l'existence de l'homme sur terre et elle demeure dangereuse pour l'environnement», a-t-il ajouté. Sur les conditions qui ont entouré les essais nucléaires français en Algérie, il a souligné qu'«on a voulu cacher la vérité et on continue à le faire». M.Verger a révélé avoir en sa possession un document de la marine française de 1965 selon lequel «après quatre-vingt dix secondes de l'explosion, on n'a plus à s'occuper des rayonnements, (car) ils sont inoffensifs». «Vous vous rendez compte. C'est un document officiel de 1965 de la marine. Ce qui veut dire qu'on voulait tromper tout le monde. Ils craignaient que les militaires et les civils rechignent à aller dans la base atomique», a-t-il expliqué. Evoquant la prise en charge des victimes par le gouvernement en France, M.Verger a indiqué que grâce aux médias, une «brèche» est survenue dans le «négationnisme de l'Etat» français. Sur la plan juridique, il a noté que sur les 18 propositions de lois proposées par les parlementaires français, aucune n'a été inscrite à l'ordre du jour. «C'est l'une des raisons qui nous ont poussés à créer un comité de soutien composé de parlementaires de différentes tendances», a-t-il précisé. Cette situation a obligé le gouvernement français à déposer un projet de loi qui a été voté le 22 décembre 2009, accompagné d'un projet de décret d'application, a-t-il poursuivi. Cependant, le gouvernement français vient de déposer, le 22 janvier dernier, un nouveau projet de décret d'application, dans l'objectif de «remettre en cause» le premier décret en réduisant le nombre de maladies provoquées par les rayonnements. «Pour les Algériens, c'est flou. On demande aux personnes concernées de déposer une demande d'indemnisation à l'ambassade de France à Alger. Mais je me demande qui va les défendre, sachant que le comité d'indemnisation est composé uniquement de membres du gouvernement et non d'associations françaises ou algériennes», a constaté M.Verger, exprimant son rejet de l'idée que l'«Etat français soit juge et partie». «Il n' y a aucune volonté d'indemniser les victimes», a-t-il estimé.