Le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, affichait hier soir à l'hôtel El Aurassi, à Alger, un sourire radieux. Et pour cause, Hamid Temmar, « Monsieur privatisation » comme l'appellent les dirigeants de la centrale syndicale, a revu drastiquement sa liste rouge des entreprises publiques à vendre. Sur les 1200 initialement proposées à la vente, au moins « une centaine » ne le seront plus. La bonne nouvelle est tombée à l'ouverture d'un séminaire entre le LMD suédois (une sorte de tripartite dans ce pays), l'UGTA et la CGEA sur le thème « Renforcer le dialogue social et la capacité des partenaires sociaux autour de la gestion de la transition et de la privatisation ». Recul, changement de cap, nouvelle stratégie », chacun y allait hier de son commentaire pour qualifier le nouveau discours prononcé, aux côtés de Sidi Saïd et de Habib Yousefi, par le libéral déclaré Hamid Temmar. Tout le monde s'accordait à relever le « grand écart » d'un ministre devenu soudainement moins cassant, voire « social ». « Je dois dire qu'il y a une centaine d'entreprises stratégiques que nous devons sauvegarder et l'expérience suédoise en la matière peut nous être très utile. » Voilà résumée la nouvelle doctrine économique du ministre qui préconise une mission de sauvetage à une centaine d'EPE, mais, plus significatif encore, accorde un statut « stratégique » à au moins 97 autres entreprises publiques. Le ministre des privatisations n'a jusque-là concédé ce privilège qu'à Sonatrach, Sonelgaz et Air Algérie. Depuis hier, c'est une centaine d'autres EPE qui seront de fait effacées de la fameuse liste qui fait frémir de peur des milliers de travailleurs. Ce n'est point un lapsus du ministre dans la mesure où il a tenté de se dédouaner, en notant : « J'ai été durant longtemps mal compris. » Un message suggérant qu'il n'a jamais été question pour lui de tout privatiser. Or sa liste de 1200 entreprises publiques à vendre mise sur le net en fait foi. Le ministre des Participations et de la Promotion de l'investissement a même argumenté l'opportunité de sauvegarder la centaine d'entreprises en faisant remarquer que « nous allons avoir une garantie vis-à-vis de nos partenaires sur le marché européen ». Une liste rouge fardée... Comme pour mettre en application sa présente démarche, il annonce la tenue, à la fin de ce mois, des assises de l'industrie, où il sera question de débattre de la nouvelle stratégie industrielle annoncée récemment. Ce sera également l'occasion d'identifier ces fameuses entreprises stratégiques à sauvegarder. Une fois n'est pas coutume, Hamid Temmar compte beaucoup sur le soutien de l'UGTA. « Pour moi, le partenaire social, c'est uniquement le syndicat ! », a-t-il lancé un tantinet plaisantin. Le patron de l'UGTA, Sidi Saïd, n'en croyait pas ses oreilles. Juste à la fin du discours de Temmar, il a « lâché » sa boutade devant un parterre de journalistes sous forme d'un « moi j'ai gagné ma journée aujourd'hui ». Il faut dire que même Sidi Saïd était hier surpris par le ton de Hamid Temmar, considéré comme le fantôme des travailleurs et de l'UGTA bien sûr. Le patron du LMD suédois, choisi pour « arbitrer » entre la centrale syndicale et le ministère dans le dossier privatisation, aura donc réussi son pari. Son pays est, en effet, considéré comme une référence en termes de dialogue social et de collaboration constructive entre le gouvernement et le partenaire social. Il va de soi que le recul de Hamid Temmar confirme, dans une large mesure, cette nouvelle démarche économique globale prônée par le pouvoir en Algérie. A commencer par l'amendement de la controversée loi sur les hydrocarbures dans le secteur de l'énergie qui aura étonné plus d'un, quand on sait le soutien sans réserve de Bouteflika à Chakib Khelil.