Après le “10”, c'était autour du “15e” de s'écrouler, hier, à Réghaïa après la forte réplique de mardi. Vidé de ses occupants après le séisme du 21 mai, l'immeuble de 15 étages, connu sous l'appellation le “15e”, semblait refuser de tomber sans avoir “avalé” des victimes. Sérieusement ébranlé depuis, il est quand même resté debout, comme pour mettre en confiance les sinistrés qui sont revenus à maintes reprises récupérer leur mobilier et leurs affaires. Toukal Ahcène, Triaki Nassim et une troisième personne venue aider son frère étaient hier encore ensevelis sous les décombres. Des éléments de la Protection civile et une équipe de secours française recherchaient toujours les victimes au moment de notre passage vers 13 heures. Alors que des éléments de la Gendarmerie nationale nous ont affirmé que deux victimes, dont une en vie, ont été retirées hier soir, les secouristes français et la Protection civile étaient catégoriques : aucune personne n'a été retirée, ni morte ni vivante et les recherches se poursuivent. “On nous a signalé 4 personnes à l'intérieur, mais nous n'avons rien trouvé pour l'instant”, nous ont affirmé des sapeurs-pompiers dont deux éléments ont été blessés lors des opérations de recherche. Selon des jeunes, désormais ex-habitants du bâtiment, trois personnes au moins se trouvaient à l'intérieur au moment de la secousse qui a mis l'immeuble à terre. Alilou avait quitté le stade où sont recasées leurs familles avec les trois jeunes hommes. “J'étais chargé par un voisin de récupérer des outils de sa maison, mais, arrivé ici, j'ai eu peur de monter. Ahcène, qui enseignait à Keddara et qui est venu s'enquérir des nouvelles de sa belle-famille, est rentré, puis, hésitant, il est ressorti. Je l'ai vu ensuite crisper sa mâchoire comme pour vaincre sa peur et il s'est engouffré dans le bâtiment. Du haut du couloir, Nassim disait à un autre voisin que sa porte était coincée. Pendant une semaine, il aidait les autres à descendre leurs meubles. Adossé à une voiture avec un copain, j'ai vu l'immeuble s'écrouler.” Alilou fulmine contre les autorités locales qui n'ont pris aucune mesure pour dresser un périmètre de sécurité autour du bâtiment et pour empêcher les sinistrés de rentrer dans leurs maisons. “Ces personnes sont sous les décombres par la faute des agents de la police qui nous ont dit que le 15e ne pouvait pas tomber. Le jour du drame, nous y sommes montés plusieurs fois, même ma vieille mère âgée de 60 ans”, a indiqué le jeune homme qui semblait ne pas réaliser encore ce qui venait d'arriver. Le regard rivé sur les tonnes de gravats sous lesquels se trouvait encore son gendre Toukal Ahcène et sur les engins qui déblayaient pour dégager une issue, la vieille Tamazouzt ne cessait de l'appeler doucement. “A Ahcène n'Ali ! A Ahcène n'Ali !”, répétait-elle, sans aucun espoir de le revoir vivant. “Comment voulez-vous qu'il soit en vie sous cette montagne qui est tombée sur lui ?”, interroge-t-elle, s'en remettant à la fatalité. “Le destin l'a appelé, il est allé vers la mort.” Un peu en retrait, le beau-père de la victime, les yeux rougis par toutes les larmes qu'il a versées depuis le drame et pleurant toujours, ne détache pas son regard des engins. Arrivée sur les lieux, une jeune femme nous a interrogés pour savoir si les secouristes ont pu communiquer avec les victimes. Elle semblait s'accrocher à tout prix à l'espoir de retrouver vivant son neveu Triaki Nassim, âgé de 17 ans. Autour du périmètre de sécurité, les curieux et les ex-habitants de l'immeuble regardaient se confronter la force de la vie et la force de la mort. R. M.