Officiellement, on avance le chiffre de 30 milliards de centimes de dégâts sur les infrastructures économiques et sociales. Certaines sources officieuses estiment, elles, l'impact du terrorisme sur l'économie algérienne à plus de 20 milliards de dollars, en y incluant les dépenses de sécurité et d'indemnisation en matière de pertes humaines et matérielles. Ce chiffre n'intègre pas bien entendu le manque à gagner en termes d'investissements étrangers. Au total 6 867 unités économiques ont été incendiées, entraînant la perte de 75 000 emplois dont 350 000 personnes sans aucun revenu. En 1998, le vol du cheptel a atteint les 44 533 têtes d'ovins et 1 783 têtes bovines. L'administration publique a perdu, elle, 224 sièges d'APC et de daïras. Entre 1996 et 2002, pas moins de 13 846 bombes ont été désamorcées, tandis que 575 autres ont explosé. Il a été procédé, en outre, à la neutralisation, durant la même période de 144 voitures piégées. 95 ont explosé. L'utilisation des engins explosifs a fait 3 335 morts et 12 414 blessés. Le gouvernement a promis d'indemniser toutes les victimes du terrorisme pour les pertes matérielles subies. Le manquement à cette promesse dans certaines localités plonge la population dans une détresse profonde. C'est le cas d'une vingtaine de familles qui squattent ce qui reste du Souk el-Fellah de Sidi-Moussa, objet d'un attentat à la bombe dans les années 1990. La bâtisse menace de céder à tout instant. Cela n'a pas empêché deux de ces familles à ériger une construction illicite en parpaing dans la cour. Des toilettes collectives ont été également aménagées. La majorité de ces familles ont assisté impuissantes à la destruction de leur habitation à Oued Allel. “Il ne reste que le terrain que les autorités locales ont cédé à une autre personne, alors qu'on a notre arrêté de propriété qu'ils ne veulent pas reconnaître”, soutient un jeune homme que nous avons rencontré à l'entrée du Souk-el-Fellah. “J'ai passé dix ans de ma vie dans cet endroit. Ma famille a atterri ici quand j'avais 8 ans. À 18 ans, je suis toujours au cours moyen. Comment voulez-vous vous concentrer sur les études quand on vit dans un tel taudis. Je ne mérite pas cette vie. Personne ne l'a mérite.” Une veille dame nous apprend qu'elle a perdu un fils lors des événements tragiques de Oued Allel. Son deuxième garçon, à moitié mutilé, a les nerfs à fleur de peau. “Si au moins mon autre fils est toujours en vie”, se lamente-t-elle. Une voisine rejoint le groupe. Elle évoque le cas d'une jeune fille de 26 ans atteinte d'une maladie qui l'empêche d'avoir une croissance normale. “Si vous la voyez, vous la prendriez pour un enfant. Ses hurlements nous fendent le cœur. L'hiver, elle est indisposée par le froid glacial et le vent qui traversent les murs fissurés et l'été, par la chaleur torride. Alors elle crie et s'autoflagelle”. S. H.