Un homme de couleur à la Maison-Blanche. Un jeune contre un vieux. Un nostalgique du mythique dream (rêve) américain contre l'establishment washingtonien. L'Amérique des classes précarisées (moyennes et populaires) contre les riches et les conformistes de l'Amérique profonde. Un vétéran contre un pacifiste. C'est un peu tout cela l'équation Obama contre McCain. Le candidat d'origine afro-hawaïenne et élevé en Indonésie a beau être bien empaqueté par les agences de publicité et les machines de propagande, ne représente en aucune façon une menace pour le statu quo américain. Il ne faut pas oublier qu'il est issu d'une faction du Parti démocrate qui incarne le pouvoir oligarchique. Son entourage est plein d'anciens conseillers du président Bill Clinton, des interventionnistes libéraux, des partisans de l'ingérence humanitaire. Par ailleurs, le financement de sa campagne électorale a été assuré par les lobbies démocrates (à hauteur de 600 millions de dollars, une somme hallucinante), qui ne manqueront pas d'exiger un retour d'ascenseur s'il venait à franchir le seuil de la Maison-Blanche. Il reste qu'Obama est un intellectuel libéral et un Noir, même né d'une mère blanche, à la tête de la première puissance du monde, et pourra apporter quelques changements, mais mineurs et symboliques. Accablé par la crise financière, un président Obama aura cependant du mal à tenir ses promesses de campagne, principalement au sujet de l'assurance santé. Quant à son rival McCain, c'est plus clair : c'est un républicain pur jus qui s'assume, sauf que lui aussi prône le changement par rapport aux deux horribles mandats de Bush junior. Vétéran de la guerre du Vietnam, apparatchik et septuagénaire, McCain a dû se choisir Sarah Palin, la caricature de l'Amérique profonde, pour faire face à la montée en puissance d'Obama. L'histoire du pilote capturé au Vietnam a lassé. L'effet Sarah Palin a été bénéfique en août et dans la première quinzaine de septembre, et même s'il s'est effondré comme un soufflé, la gouverneure de l'Alaska reste populaire chez les évangélistes et les petits blancs. La candidature de McCain a une dimension humaine et une épaisseur qu'Obama ne peut espérer égaler, selon les analystes au fait de la psychologie de l'électorat lambda. De loin, il a la plus grande expérience des affaires stratégiques et militaires et le courage politique le moins contestable au sein de l'establishment. Après tout, il s'est opposé publiquement à Bush sur la conduite de la guerre en Irak et a dénoncé les dérives de la guerre au terrorisme, devenant l'adversaire le plus éloquent chez les républicains de l'usage de la torture. Contrairement à son rival, il affiche moins de religiosité et de soutien jusqu'à une amnistie pour les sans-papiers. Il a œuvré avec les démocrates à la réforme du financement de la politique. Sa position a été inconfortable, il avait à se libérer des faucons de son parti mais, pour espérer gagner le 4 novembre, il lui fallait ne pas en faire trop pour ne pas s'aliéner la base conservatrice de son parti. C'est pourquoi il insiste sur la sécurité nationale, seul point sur lequel il peut espérer mobiliser l'électorat républicain et les indécis qui font la différence avec les démocrates : “pas de retrait d'Irak avant d'avoir gagné”, “poursuite de l'offensive pour vaincre le terrorisme”, “empêcher le chaos du système financier”… D. B.