La maison d'édition oranaise Dar El Gharb a sorti pour le Sila deux romans et un recueil de nouvelles en langue arabe. Parmi eux, Aela Min Fakhar (une famille en argile) de Mohamed Mouflah. Un roman de 112 pages qui se lit d'un seul trait, mais dont on n'est pas sûr qu'il restera dans les mémoires, ou alors cette impression d'inachevé-fragilité qui enlève toutes ses chances au travail de Mouflah. En fait, Aela Min Fakhar tient malheureusement plus du brouillon que de l'oeuvre aboutie - l'éditeur est ici coresponsable - et malgré la bonne volonté de son auteur, l'efficacité (dans la structure) et le souffle (dans la narration) ont fait défaut à son écriture. Malgré ces insuffisances, Mohamed Mouflah a tenté –tant bien que mal- de raconter l'histoire d'une famille algérienne, issue de la classe moyenne, aux prises avec une société …injuste. La famille en question, les Ben Fekhar, est déchirée entre le rêve d'émigration, l'envie d'émancipation et la volonté de réussite… Mais tous ces espoirs qui sont ceux d'une vie meilleure rassemblent paradoxalement presque tous les membres de cette famille : le père, Lakhdar, en revanche, prend peur lorsqu'il constate que ses enfants grandissent. Alors, il s'isole et se referme sur lui-même, préférant ainsi lire et visiter les mausolées des Saints. Lakhdar se réfugie dans la religion et l'adoration des Oualis ; il devient un ermite et un “touriste” dans sa propre famille. Son unique fille qu'il a affublée du prénom de Kheroufa, et qui a brillamment réussi dans ses études, rêve de travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Mais elle se heurte au chômage et en vient même à accepter un mariage arrangé tant son désespoir est grand. Son frère Youcef est aussi un personnage central dans le roman. Il est chômeur, “et fier de l'être” et rêve comme tous ses semblables d'aimer, de s'enrichir et de réussir dans la vie. Mais, la réalité est autre…elle est très douloureuse. Mohamed Mouflah ne parvient pas à extraire ses personnages de la réalité pour fabriquer une vraisemblance romanesque. Il a tiré ses personnages “de la rue” et les présente à son lecteur sans caractérisation, sans caractère, sans personnalité. En fait, c'est le narrateur qui domine le jeu : il est omniscient car il sait tout et s'exprime beaucoup trop souvent à la place des personnages. Le roman est construit autour de trois personnages : Lakhdar-Kheroufa-Youcef, mais le récit les fait évoluer chacun de leur côté. L'auteur se protège, il ménage la sensibilité du lecteur en lui épargnant le conflit. Telle une série B ratée, ou un “soap-opera” où tous les personnages sont mauvais, Une Famille en argile raconte les déboires quotidiens d'une famille issue de la classe moyenne, mais sans structure romanesque. En effet, le mot “raconter” est le terme le plus adéquat pour qualifier cet écrit. Aussi, le roman est-il éditorialement bâclé, et l'ouvrage est malheureusement truffé de fautes. La laideur de la couverture et la qualité d'impression médiocre n'arrangent pas vraiment les affaires de cette histoire…en argile où son auteur s'est embourbé. Sara Kharfi Une famille en argile : Parcours d'un retraité à la canne en bambou, roman, 112 pages, Dar El Gharb, Oran 2008, 250 DA