On s'attend à une baisse des rendements de 50%. Si des mesures urgentes ne sont pas arrêtées, on assistera en particulier à une flambée des prix de la pomme de terre. Les agriculteurs souffrent actuellement de l'absence d'engrais et autres semences pour lancer leur campagne saisonnière de labours. Le secrétaire général de l'Union des agriculteurs, M. Allioui, avoue que les fellahs ont attendu jusque-là environ un mois et demi sans être approvisionnés en cette matière première. Le secrétaire général affirme que l'entreprise Asmidal, qui travaille en partenariat avec la société espagnole Fertial, a exporté 1,8 million de tonnes vers l'étranger et n'a réservé que 10 000 tonnes à la consommation locale. À cela, insiste-t-il, il y a lieu d'ajouter la difficulté de transport et la longue distance pour aller s'approvisionner auprès de cette usine située à Annaba, notamment pour les opérateurs habitant le sud et autres régions du pays. Ce qui a poussé, regrette-t-il, 60 % des fellahs à travailler la terre sans les engrais. D'ici à l'été, l'on s'attend, déplore-t-il, à une baisse considérable de 50 % du rendement. Les fellahs d'Aïn Defla, wilaya qui assure 30 % de la production nationale en pomme de terre, estiment que si ces engrais ne leur parviennent pas avant février, ça sera trop tard pour leur campagne. Cette wilaya a, à elle seule, besoin, selon eux, de 150 000 q de ce produit chimique. Elle dispose d'un espace de 150 000 m3 pour le stockage. M. Ferroukhi, secrétaire général du ministère de l'Agriculture, reconnaît l'existence de ces perturbations ; l'utilisation des engrais et du désherbage a baissé surtout pour les céréales, souligne-t-il. Sur les 3 millions d'hectares consacrés à la céréaliculture, on a utilisé ces engrais pour 300 à 400 000 ha, soit seulement 10 % de l'ensemble de la surface. Il a été distribué quelque 80 000 quintaux d'engrais en 2008 et 140 000 en 2007. Au cours d'un débat de trois heures dédié au secteur agricole sur les ondes de la radio Chaîne I, il est évoqué, à ce propos, le problème sécuritaire dans le transport de ces produits et le risque de leur usage à des fins terroristes. Toutefois, depuis le mois d'août, le ministère a renforcé le dispositif d'escorte des camions transportant ces marchandises qui, pour ne citer que cet exemple de wilaya, mettent une semaine pour arriver à Adrar. Le transport ferroviaire a été également sollicité. Badr : financement du secteur à hauteur de 83 milliards de DA depuis 2003 L'autre point abordé a trait au financement des activités agricoles par la Banque algérienne du développement rural (Badr). Depuis 2003, la banque a financé le secteur pour un montant de 83 milliards de DA à travers le Fonds national de régulation et du développement agricole (FNRDA). M. Allioui indique que 95 % des dettes des agriculteurs ont été effacés par le biais de la Badr. Depuis son recentrage au profit exclusif de l'agriculture, cette banque assure un financement pour 300 activités liées au secteur. Sur un autre registre, les opérateurs soulèvent des contraintes pour l'accès au crédit au taux d'intérêt de 0 % dénommé “Rfig”. Les agences de la Badr exigent du demandeur, relèvent-ils, une situation vis-à-vis de la Casnos. Il leur est demandé en outre une hypothèque. “Ce sont deux facteurs de blocage”, remarque un intervenant lors des débats. Pour répondre à ce souci, M. Ferroukhi parle des autres possibilités de financement existantes telles que le crédit fournisseur. Cette formule consiste en le financement de l'opérateur pour toute la saison, notamment par une coopérative agricole, et celle-ci prend la production. Par ailleurs, M. Allioui est intervenu sur la problématique du lait dont la facture d'importation de la poudre a dépassé 1,2 milliard de dollars. “On a préféré l'importation à l'élevage”, dit-il. Pour lui, “les éleveurs ne détiennent pas de terres, comment pourront-ils assumer l'élevage des vaches ?”, s'interroge-t-il. Le secrétaire général du ministère a, pour sa part, rappelé que depuis 4 mois, le département de M. Benaissa a lancé une large concertation avec tous les opérateurs. Il a été question de renouveler le dispositif d'aide pour la production et la productivité. Des mécanismes ont été identifiés pour 9 filières dont les céréales, le lait, la pomme de terre, l'huile d'olive… bref, tout ce qui a trait à l'alimentation du citoyen. La tutelle compte aussi créer ce lien entre l'agriculteur, le transformateur et les autres acteurs afin de mettre en place une véritable complémentarité. Le succès qu'a connu le stockage de la pomme de terre, reconnu par l'ensemble des intervenants dans le secteur, a motivé le ministère pour généraliser l'opération à d'autres produits tels que l'oignon. “Cette action a montré l'importance du stockage dans la régulation du marché”, explique le ministre, M. Rachid Benaissa. La Casnos et l'hypothèque bloquent l'accès au crédit “Rfig” La création des offices, des céréales, du lait et bientôt celui des fruits et légumes et des viandes rouges et blanches… se veut, argue-t-il, un instrument de lutte contre la flambée des prix. Le ministère va créer cet office interprofessionnel des fruits et légumes à travers lequel toutes professions liées s'impliquent. Tous les maillons de la chaîne, à commencer par le producteur et jusqu'au consommateur, seront représentés dans cet office. L'objectif est de professionnaliser et de préserver les intérêts de tous les intervenants dans une logique de complémentarité. Pour le ministre, les conditions actuelles augurent d'une bonne saison céréalière. Plus de 81 % des semis ont été déjà réalisés. Un engouement certain est ressenti, souligne-t-il, parmi tous les acteurs. Dans le cadre de l'opération d'octroi de crédit sans intérêt appelé communément “Rfig”, la Badr et la BNA, impliquées dans cette démarche, ont accordé jusqu'à la semaine dernière un montant global de 2,7 milliards de DA aux agriculteurs, notamment les céréaliculteurs. Ce qui leur a permis d'acquérir leurs intrants pour engager leur campagne. Pour rappel, le ministère a décidé d'inciter toutes les wilayas à signer des contrats de performance. Ainsi chaque région ou wilaya s'assigne un objectif à atteindre et les autorités locales agiront pour offrir toutes les conditions nécessaires afin de réussir cette opération. Elle s'engage, de ce fait, sur un taux de croissance à réaliser. Une étude préalable sur les potentialités et le produit phare de chaque wilaya a été déjà effectuée. Badreddine KHRIS