Si la littérature est la nourriture de l'esprit, la musique serait indéniablement la nourriture de l'âme. Lorsqu'on assiste à un concert (tous genres musicaux confondus), on en ressort riche, serein et ostensiblement heureux. On dit aussi que le bonheur est éphémère et que dans la vie, il n'y a pas de bonheur éternel, mais des instants de bonheur. Alors, si tel est le cas, mercredi soir, le temps d'un concert d'environ deux heures, ce bonheur a non seulement été vécu par l'assistance mais également partagé. En effet, en présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, et de l'ambassadeur du Japon à Alger, Takeshi Kamitani, un concert philharmonique exceptionnel a été dispensé par les 62 musiciens de l'Orchestre symphonique national sous la direction du maestro Hikotaro Yazaki, au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, inhabituellement archicomble. Aux environs de 19h, les trois balcons étaient pleins à craquer et la tension montait à mesure que les minutes avançaient. Un sentiment de curiosité s'était emparé du public venu découvrir le talent de deux perles venues du pays du Soleil Levant, à savoir le chef d'orchestre Hikotaro Yazaki et la mezzo-soprano, Mari Kobayashi. En fait, la plupart des Algériens ne connaissent du Japon que son développement économique, or la culture de ce pays est totalement méconnue, voire ignorée. Afin de renforcer les relations bilatérales et dans le cadre d'un échange culturel, l'Orchestre symphonique national a associé son savoir-faire à celui des Japonais, et le miracle eut lieu. Aux environs de 19h30, et lorsque la tension avait atteint son comble, apparaissent enfin le maestro et une partie de l'orchestre pour interpréter une composition de l'Algérien Salim Dada — également présent dans la salle et même très applaudi — intitulée Love Song, pour orchestre à cordes. Après ce prélude, le reste des musiciens a rejoint la scène ainsi que Mari Kobayashi et les choses sérieuses ont commencé. L'orchestre a offert un moment musical fort en émotion et riche en prouesses vocales et ce, en revisitant l'opéra Carmen de Georges Bizet à travers quelques extraits. Et comme on ne peut pas y échapper, nous avons eu droit à un magistral “l'amour est enfant de Bohème”. Après une pause de quelques minutes, l'orchestre revient sur scène et reprend du service. Il gratifiera l'assistance d'extraits de la Symphonie n°9 du compositeur tchèque Antonin Dvorak. Par ailleurs, notons que l'Orchestre symphonique national a fait une extraordinaire prestation. Les musiciens entre violonistes, violoncellistes, trombonistes, clarinettistes, trompettistes, contrebassistes ou encore percussionnistes ont frôlé la perfection, ce qui prouve qu'ils ont été menés à la baguette d'une main de fer. Premier constat : le problème de la musique en Algérie ne se situe pas dans le manque, voire l'absence de musiciens, mais dans la quasi-inexistence de meneurs ou de chefs. Nos oreilles l'ont confirmé mercredi soir. Lorsqu'ils sont bien dirigés, nos musiciens sont capables du meilleur ; livrés à eux-mêmes, ils sont capables du pire. Second constat : les Japonais ont atteint une maîtrise et une technicité non négligeables dans le domaine de la musique et notamment dans le chant lyrique puisqu'ils ont même développé des techniques qui leur sont propres. Moralité : ce concert est une bouffée d'air frais et de souffle nouveau pour l'Orchestre symphonique national qui s'ouvre sur d'autres pratiques de la musique universelle. Partir à la recherche d'autres expériences est une louable initiative qu'il faut à la fois encourager et renouveler.