Les commerçants invoquent les perturbations climatiques pour expliquer ces hausses, mais les clients traversent une période difficile car elle coïncide avec l'arrivée des factures d'eau, d'électricité et de téléphone. Faire son marché et faire bouillir la marmite sont devenus ces derniers jours, un véritable dilemme pour les ménagères qui ne savent plus comment faire pour joindre les deux bouts. Depuis un mois, la mercuriale ne cesse de battre des records. Les clients se plaignent évidemment de la cherté de la vie, pour leur part, les commerçants évoquent les aléas climatiques pour expliquer la flambée des prix. En ce lundi 13 avril, il n'y pas foule au marché pourtant populaire des Trois horloges à Bab El-Oued. Les quelques clients qui ont osé faire leurs courses déambulent longtemps entre les allées, avant de se décider enfin à acheter quelques légumes. “Mon mari est diabétique. Il vient de sortir de l'hôpital. Regarder à quel prix sont affichés les haricots verts, 200 DA. Je ne pense pas que les haricots verts coûtent 2 euros en Europe où les salaires sont nettement supérieurs à ma rémunération”, se plaint une quinquagénaire. Elle prend la décision tout de même d'acheter une livre de haricots verts et explique son geste : “Si ce n'était pas pour mon mari diabétique, je n'en aurais pas acheté.” La même cliente laisse exploser sa colère devant le marchand de volailles. “Observez bien le prix du poulet. Vous savez bien entendu qu'il est proposé à 270 DA le kilo. Cette fois aussi je vais prendre un poulet car le médecin déconseille les autres viandes à mon mari malade. De toutes les manières les viandes rouges sont hors de portée des bourses moyennes”, précise-t-elle. Les rares clients rencontrés au marché des Trois horloges sont unanimes à réclamer l'intervention des autorités pour réguler le marché. “Nous traversons une période difficile. Les factures d'eau, de téléphone et d'électricité sont salées. Nous devons en plus faire face à une flambée des prix sans précédent. Même durant le Ramadhan, les prix n'ont pas connu de telles proportions”, s'écrie un client. Il nous demande de faire un tour avec lui pour voir les prix des légumes, dans ce marché censé être celui des pauvres. La pomme de terre nouvelle est proposée à 75 DA le kilo. Le même client nous demande de bien mentionner le prix du tubercule le plus consommé par les Algériens. “Vous trouvez normal que la pomme de terre soit vendue à 75 DA ? Il faut noter que la semaine dernière, la pomme de terre était à 90 DA le kilogramme dans ce même marché”, ajoute-t-il. Les autres légumes ne sont pas en reste, ils sont proposés à des prix dépassant tout entendement. La tomate est affichée à 90 DA, la courgette à 80 DA, l'oignon vert à 50 DA, la carotte à 50 DA, les aubergines à 70 DA, les navets à 40 DA, et les artichauts à 50 DA. Les clients se mettent en colère dès qu'ils franchissent le seuil du marché, mais finissent tout de même par acheter mais en petites quantités. “Comment voulez-vous que je fasse pour nourrir ma nombreuse famille quand les légumes atteignent de tels prix. Mon mari est le seul à travailler. Jamais nous n'avions rencontré autant de difficultés pour joindre les deux bouts”, affirme une mère de famille. Les marchands se plaignent eux aussi de la cherté des produits et estiment perdre de l'argent à cause de cette flambée. “Quand les prix augmentent, nous sommes obligés de revoir notre marge à la baisse. Il nous arrive même de perdre de l'argent car les légumes nous les achetons au marché de gros et nous devons payer le transport”, explique un marchand. Il estime pour sa part que cette hausse des prix est due à la rareté des produits eu égard à la saison : “La production de l'hiver est terminée et celle du printemps pas encore mûre à cause du climat exceptionnellement froid cette année.” Cette argumentation ne convainc pas les acheteurs qui se plaignent d'être les dindons de la farce quelle que soit la situation. “Des fois, on explique la hausse des prix par la sécheresse, mais comme par hasard s'il pleut abondamment, nous constatons aussi une flambée de la mercuriale. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le pauvre citoyen qui paye”, dit un client rencontré au marché de Bab El- Oued. Le poisson, un produit de luxe et la sardine inaccessible La hausse des prix n'épargne aucun produit et dans la partie réservée au poisson située au rez-de-chaussée du marché, la sardine est proposée à 250 DA le kilogramme. Evidemment, les gens ne se bousculent pas autour des étals des poissonniers. “Même la sardine est devenue un produit de luxe. Quant aux autres poissons, ce n'est même pas la peine de demander le prix. Le rouget est à 800 DA et le merlan à 1 200 DA”, se plaint un père de famille. Les viandes rouges ont, elles aussi, connu une hausse, ce qui les met désormais hors de portée des classes moyennes. “Nous nous plaignons des prix de la viande depuis longtemps, mais cette fois, ils ont atteint des seuils qui les mettent hors de portée de 90% des Algériens. La viande ovine a atteint les 800 DA et celle bovine les 900 DA”, dit un quadragénaire venu à Bab El-Oued pour réaliser quelques économies. Il repart chez lui à El-Biar sans n'avoir rien acheté estimant que les prix sont pareils partout. Aucun marché n'est épargné par la flambée Effectivement, les autres marchés de la capitale ne sont pas en marge et les mêmes prix sont pratiqués par tous les commerçants. “Je crois que les marchands se sont donné le mot pour s'aligner sur les mêmes prix”, constate un acheteur rencontré au marché Clauzel à Alger-Centre. Les fruits et légumes sont proposés aux mêmes prix qu'au marché de Bab El-Oued. Ici aussi les clients se plaignent et interpellent les autorités. “Je trouve aberrant que le président de la République ait effacé les dettes des fellahs. Au lieu de baisser les prix suite à cette décision, les fellahs ont opté pour une hausse vertigineuse. Le président de la République doit accorder une indemnité au profit des Algériens pour compenser cette hausse. Je propose par exemple de louer les terres agricoles car je trouve injuste que les pseudos fellahs aient droit de les exploiter gratuitement. Les autorités peuvent aussi accorder des jardins aux Algériens qui voudraient cultiver leurs potagers. Il est illogique que certains citoyens soient privilégiés, les terres de l'Algérie appartiennent au peuple”, s'écrie un professeur d'université rencontré au marché Clauzel. Les citoyens ne savent plus à quel saint se vouer et affirment ne pas pouvoir joindre les deux bouts. Les marchands, pour leur part, prévoient une prochaine baisse des prix avec l'arrivée des beaux jours. Djaafar Amrane