Diplômé en psychologie et en esthétique, Mansour Abrous a enseigné à l'Ecole supérieur des beaux-arts d'Alger et occupe actuellement le poste de chargé de mission communication et culture à la mairie de Paris. Dans cette interview, il revient sur son livre “d'utilité publique” qui vient de paraître en Algérie aux Editions Casbah. Liberté : Votre livre, L'Art en Algérie, vient de paraître à Alger, aux Editions Casbah. Pouvez-vous nous le présenter, même brièvement ? Mansour Abrous : Oui, c'est un livre qui vient dans la continuité des travaux que j'ai fait antérieurement. J'avais à la fois une conviction et un engagement de fournir des documents de qualité et de fond sur l'histoire de l'art en Algérie. J'ai d'abord procédé par un répertoire biographique qui me semblait important pour rendre hommage à tous les artistes et fournir une base de données. Il me semblait important d'étayer, d'accompagner et d'étoffer ce premier travail par un répertoire bibliographique de l'art en Algérie. Quand je dis “art”, cela regroupe les arts plastiques, les arts musulmans, le design et la photographie. C'est donc nécessairement un travail de longue haleine, qui demande une documentation conséquente. Est-il facile de retrouver des archives sur ce thème de l'art en Algérie ? Un travail de longue haleine ? Oui, certainement. Le premier réflexe qu'il faut avoir dans ce cas est de lutter contre le découragement car il y a des moments où on a envie de tout arrêter… Il est très difficile de trouver des archives regroupées. Tout ce qui existe est éparpillé entre de multiples institutions ; les artistes ne vous ouvrent pas forcément leurs archives ou bien ils n'en ont pas. C'est donc une collecte de tous les jours, je dirai même parfois accidentelle. Les journaux algériens de — ce que j'appellerai — “la période du parti unique” sont difficiles d'accès, ces archives se trouvent surtout au niveau de la Bibliothèque nationale d'Alger mais elles ne sont pas toujours bien rangées, bien classées. Et il y a des trous ou encore des numéros qui manquent. C'est donc un travail en constante évolution. Ce livre fait suite à un autre, Le dictionnaire des artistes algériens, paru chez le même éditeur. Quelle est la différence entre ces deux livres ? Dans Le dictionnaire des artistes algériens, j'ai surtout fait un travail biographique qui regroupe tous les artistes algériens car, malheureusement, on ne retrouve trace que des artistes retenus par l'histoire officielle de l'Algérie. Il y avait une multitude d'artistes qui vivaient en Algérie ou à l'étranger et qui n'étaient pas recensés. Mon idée était donc de combler ces “oublis”. Le livre qui vient de paraître est plutôt consacré, comme son titre l'indique, à la bibliographie des artistes. Je peux me permettre de dire que c'est un travail énorme. Nous nous sommes rencontrés tout dernièrement au Centre culturel algérien de Paris, à l'occasion de la soirée de lancement de “L'Année Guermaz”. Que pensez-vous de cette initiative et de l'artiste lui-même ? Voilà justement l'exemple même d'un artiste oublié par l'histoire officielle. Guermaz est un immense artiste algérien qui a passé une bonne partie de sa vie en France et qui y est décédé en 1996. Il est pratiquement inconnu de l'autre côté de la Méditerranée. Quant à cette “Année Guermaz”, je tiens d'abord à féliciter tous ceux qui ont participé à son élaboration, particulièrement l'engagement du Centre culturel algérien de Paris, car la séance inaugurale a été un grand moment rempli par l'intervention de différents conférenciers ; c'est aussi une façon pour les Algériens de se réapproprier cet immense artiste. Ce qui me semble également important, c'est la leçon que nous donne cette initiative : il faut rendre hommage aux artistes de leur vivant. Une signature de votre livre est prévu pour après-demain à la librairie du Tiers-Monde. Quel genre de lectorat vous attendez-vous à retrouver ? D'abord, je profite de cette occasion pour remercier les Editions Casbah qui ont bien voulu publier cette œuvre. Je suis heureux d'être à Alger et d'être en contact direct avec les lecteurs. Le premier lectorat de proximité va certainement être les artistes eux-mêmes parce qu'ils vont s'y retrouver, les étudiants des écoles d'art qui disposeront ainsi d'une source documentaire de référence et, j'espère, une ouverture vers un public plus large, universitaire plus particulièrement, parce que je pense qu'il est temps pour l'Algérie d'introduire dans les universités des cursus de formation sur l'histoire de l'art, sinon l'art algérien sera toujours en déficit et sera méconnu, ce qui nuira certainement à son développement. A. Y. * Mansour Abrous signera, ce jeudi 21 mai 2009, son ouvrage intitulé L'Art en Algérie à partir de 14h30, à la librairie du Tiers-Monde.