L'Algérie enregistre, annuellement, 10 000 naissances de bébés porteurs d'un handicap mental. Si le diagnostic n'est pas fait aux tous premiers jours de la vie, leurs chances d'une prise en charge efficiente sont diminuées. C'est là où intervient le projet-piloté par l'ONG française Santé Sud et la Fédération algérienne des handicapés moteurs, en soutien avec des professeurs en pédiatrie. L'ONG française Santé Sud lance, en direction de trois Etats arabes — Algérie, Liban et Tunisie —, de grands projets de prise en charge d'enfants souffrant de déficience mentale acquise ou innée. Si le pays du Cèdre et la Tunisie ont pris respectivement option pour le renforcement des prestations en formations continues pour la guidance parentale, et de l'intégration sociale et de l'insertion économique, l'Algérie se place au tout premier stade de l'événement en axant sa stratégie d'intervention sur le diagnostic clinique précoce du handicap chez le nourrisson. “L'objectif est de dépister le retard mental, mais cela permettra aux professionnels de la santé de déceler les autres troubles à la naissance. À vrai dire, nous cherchons à mettre en évidence le fait qu'il n'existe pas de centre de diagnostic en Algérie”, explique sommairement Mme Atika El-Mammeri, présidente de la Fédération algérienne des handicapés moteurs, relais de Santé Sud et son partenaire l'association française Chrysalide, en Algérie. Le projet, qui a démarré en janvier 2009, sera financé, par les bailleurs de fonds (les deux organisations susmentionnées) pendant trois ans. Il est soutenu, au niveau local, par un comité d'honneur, composé de spécialistes en pédiatrie et en psychiatrie (Pr Grangaud, Pr Laraba, Pr Haridi et Pr Arrada, ainsi que Dr Bennouniche (psychiatre au CHU Bab-El-Oued)… “Il faut que nous parvenions à sensibiliser les professionnels de la petite enfance et les parents aux dépistage du trouble à la naissance”, amorce Mme Karima Yacef, chef du projet. Selon une enquête épidémiologie nationale, environ 10 000 bébés naissent chaque année en Algérie avec un handicap mental, qui n'est généralement compris que par la personne au contact direct et permanent avec le bébé : la maman. Elle ne sait alors pas vraiment à quelle porte frapper pour bénéficier d'une prise en charge médico-psycho-sociale, ni comment faire face, elle-même et son conjoint, au désarroi né du constat que le bébé qu'on attendait en bonne santé ne l'est pas. Il est établi, d'ailleurs, que l'Algérie accuse un déficit en centres et établissements spécialisés et souffre de la rareté des opportunités d'insertion socioéconomiques des personnes handicapées mentales. Une situation résumée en peu de mots dans le document présentant le cas Algérie, par l'ONG Santé Sud. “Globalement, nous pouvons affirmer que ces carences sont largement dues à une insuffisance d'expertise qui doit être renforcée pour intervenir à la bonne place au bon moment.” Karima Yacef revient à la charge, en soulignant que le corps médical est doté de “très bons praticiens, lesquels ont besoin d'une remise à niveau sur les nouvelles techniques”. Dans un premier temps, le projet est orienté vers la consolidation des capacités des spécialistes de la santé publique, dans une optique de transfert des compétences. À ce titre, 300 professionnels de la petite enfance sont ciblés par des formations centrés sur le dépistage des pathologies du nouveau-né au plus tôt. La daïra de Bab-El-Oued est choisi comme circonscription-pilote, d'abord pour sa densité (elle compte environ 350 000 habitants), mais aussi pour l'implantation sur son périmètre administratif de 12 polycliniques, 5 salles de soins, une maternité, un service de santé scolaire et un Centre hospitalo-universitaire (CHU). Il n'en demeure pas moins que sur recommandation du comité d'honneur, l'expérience est élargie au CHU Parnet de Hussein Dey et au CHU Béni-Messous. Karima Yacef indique qu'une formation médicale, animée par un pédiatre et un pédopsychiatre français, a été organisée, récemment, au profit de 40 gynécologues, médecins généralistes, sages-femmes, puéricultrices, pédiatres et kinésithérapeutes, envoyés par le CHU et l'EPSP Bab-El-Oued, la clinique Durandot, le CHU Parnet et le CHU de Béni-Messous. “Nous nous préoccupons aussi de la guidance parentale, c'est-à-dire accompagner les parents d'enfants handicapés par des psychologues. Là, nous nous sommes rendus compte que nos psychologues ne sont pas, eux-mêmes, préparés à affronter ces situations délicates.” Un stage destiné à 10 psychologues de l'EPSP Bab-El-Oued a été assuré, en juin dernier, par un professionnel venu de l'Hexagone. Au terme du projet, en 2012, tous les bébés, qui voient le jour dans le secteur sanitaire de Bab-El-Oued (environ 6 000 naissances par an) devront être dépistés automatiquement. “Le repérage de troubles pourra alors être traité par une orientation spécialisée vers un diagnostic précis et donc vers une prise en charge précoce adaptée qui augmentera les chances des enfants d'accès aux dispositifs d'insertion.” Dans le but d'établir un premier bilan des projets en cours dans les trois pays (Algérie, Liban, Tunisie), un séminaire sera organisé, les 7 et 8 novembre prochain, à Alger. “Il s'agira d'échanger les expériences des associations méditerranéennes afin de les mutualiser”, explique Karima Yacef. Evidemment, des responsables de l'ONG Santé Sud modéreront les débats en plénière et en ateliers. À noter que Santé Sud est une ONG de solidarité internationale, “spécialisée dans l'élaboration et la mise en œuvre de programmes de développement durable de la santé”. Elle pilote des projets depuis 25 ans en associations avec des acteurs dans 26 pays du sud de la Méditerranée.