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Le scepticisme des architectes
Relogement des sinistrés avant l'hiver
Publié dans Liberté le 04 - 08 - 2003

Le faible rythme suivi par les entreprises réalisatrices de ces cabines, avouent-ils, n'assurera pas le recasement des citoyens touchés.
“Je suis sceptique quant au relogement des sinistrés du séisme du 21 mai dernier dans les chalets avant l'hiver”. Cette note de scepticisme émane du premier responsable du collège des experts-architectes, relevée au cours d'une conférence qu'il a animée, hier, au Bastion 23. “Je peux prouver mes dires techniquement”, a-t-il ajouté. Les entreprises sélectionnées pour la fabrication de ces cabines sahariennes, s'est interrogé le conférencier, sont-elles à même de satisfaire la demande dans les délais impartis ? Certaines d'entre elles, a-t-il avoué, se sont engagées pour la réalisation de 1 600 unités pour le mois en cours. Mais, force est de constater que seule une centaine a été réalisée pour l'instant.
Une quantité minime en comparaison aux 10 000 prévues pour fin décembre prochain. Les sites choisis, expliquera M. Boudaoud, sont plats. Sur les 21 sites choisis, la majorité dispose d'un réseau d'AEP (alimentation en eau potable) mitoyen de celui de l'assainissement.
Il est, par conséquent, impératif de connaître au préalable les capacités de chacune des sociétés réalisatrices. Celles-ci doivent maîtriser aussi le placement des bâches à eau et prendre en charge les travaux de VRD. Il est également inconcevable qu'un pays qui souffre presque régulièrement des méfaits des zones sismiques comme le nôtre puisse être dépourvu d'un stock de chalets et de tentes ! La réhabilitation et la reconstruction des zones frappées par la catastrophe ont été au centre des débats de la rencontre d'hier.
Un séisme modéré, tel celui du 21 mai, reconnaîtra M. Chelghoum, professeur en numérique parasismique, ne devait, en aucun cas, faire autant de victimes et de dégâts. Car, précisera-t-il, tous les codes parasismiques établis de par le monde ont pour philosophie la sauvegarde des vies humaines. “Il ne devrait pas y avoir de morts en sandwich comme c'était le cas à Boumerdès”, soulignera-t-il. Le professeur a tenu à faire la différence entre les codes antisismique et parasismique.
Pour le second, on accepte un certain nombre de risques, contrairement au premier qui est un code idéal. M. Chelghoum n'a, par ailleurs, pas caché son inquiétude quant à la stratégie suivie dans l'opération de confortement et de renforcement, voire de réhabilitation. D'emblée, il exhorte les pouvoirs publics en charge de cette opération de faire le distinguo entre les diverses actions de renforcement, de restauration, de consolidation, de réparation, de réhabilitation…
Cet expert a été à la fois surpris et désolé de voir des entreprises s'adonner uniquement au colmatage des fissures. “C'est un mécanisme de ruine et le plastique utilisé pour cela provoquerait l'effondrement pur et simple de la bâtisse”, signalera-t-il. Le professeur a encore remarqué à Rouiba le confortement des poteaux à l'aide d'un simple grillage. Au quartier dit Qahouat Chergui, le renforcement des structures a été fait avec de l'acier. Ce qui risque, prévient-il, d'engendrer une interaction entre le béton et l'acier.
À toute cette panoplie d'anomalies, le professeur Chelghoum demande aux décideurs d'exiger une étude de simulation préalable en numérique (sur ordinateur). En termes plus clairs, pousser une structure à réagir à une secousse. D'autant plus que les laboratoires de dynamique n'existent toujours pas en Algérie.
L'équipe de M. Chelghoum s'est, en outre, confrontée à un autre problème et non des moindres. Il s'agit des débris qui risquent de provoquer des maladies dues aux poussières qu'ils dégagent. Des montagnes de débris mal stockés agressent le citoyen à Corso. À déca-Plage, en revanche, les détritus sont jetés carrément en mer. Ce sont-là quelques décisions prises par les autorités locales, diront les deux conférenciers. Il reste encore, affirme M. Boudaoud, quelque 3 millions de m3 de gravats à évacuer.
Il faut, pour cela, au moins 100 camions/jour. Or, ces résidus sont versés dans l'oued de Sebaou, les ravins, les versants des montagnes et les chemins de wilaya d'une manière anarchique. Les deux experts lancent un appel solennel aux pouvoirs publics afin d'installer des entreprises spécialisées dans le domaine de la réhabilitation. Le confortement est, selon eux, comme une intervention chirurgicale, voire une opération d'implantation d'organe qui nécessite beaucoup de compétences. Ils demandent au ministère de l'Intérieur de revoir l'organisation des sites. “On ne sait plus qui fait quoi. Il y a le ministère de l'habitat et de l'urbanisme (MHU), le wali, le wali-délégué, le maire, les élus…”, déclarent-ils. “S'il y a un chef pour l'administration, il doit y avoir un autre pour la reconstruction”, précisent-ils encore. Ils proposent même l'installation de commissariats sur ces lieux pour une meilleure gestion.
À une question sur le dépôt de plainte décidé par le ministère, les deux spécialistes lancent tout de go : “Tout cela ne tient pas debout”. Pour eux, la solution existe dans la mise sous une même tutelle de tous les départements qui interviennent dans le domaine, à savoir l'habitat, l'urbanisme, les travaux publics, l'aménagement du territoire et les ressources en eau.
B. K.


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