À grand renfort d'experts, le Forum des chefs d'entreprise a voulu faire, hier, la démonstration que l'Algérie fait fausse route en matière de développement économique. Les patrons ont même voulu se faire alarmants. Voici le cri d'inquiétude de Omar Ramdane, ancien président du FCE : “Personnellement, je suis inquiet pour mes activités, inquiet pour l'économie du pays, mais également pour mon pays”, allusion faite à la situation créée par les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire pour 2009 et probablement d'autres mesures qui étouffent, désormais, les approvisionnements, la trésorerie et l'extension de nos entreprises. Mais voici ce que disait le même ex-président du Forum, il y a à peine un an, en mars 2009 : “Il nous faut organiser le marché qui est anarchique. Car nous n'avons pas su mener l'ouverture vers l'extérieur. Mieux, nous l'avons faite alors que notre économie et notre industrie n'étaient pas encore construites. L'Algérie a un marché trop ouvert, à telle enseigne que des sociétés étrangères viennent s'installer uniquement pour faire du commerce.” Ce jour-là, le 18 mars 2009, le FCE s'était réuni pour apporter “à l'unanimité de ses membres”, est-il précisé dans la déclaration, “son soutien à la candidature qui confortera les objectifs économiques communs d'approfondissement du progrès”, c'est-à-dire la candidature de Bouteflika pour un troisième mandat. Depuis, l'auteur remarqué de cette proposition contre l'ouverture “mal menée” du marché est sénateur désigné. Mais le contexte de ses affaires n'a pas connu la même évolution que son statut. On ne peut pas tout avoir. Le même jour, Réda Hamiani, président en exercice du Forum, disait que les chefs d'entreprise allaient “œuvrer aux côtés des pouvoirs publics pour la réussite du programme économique qui trace les choix fondamentaux pour la progression de notre pays sur la voie du développement économique et social et l'édification d'une économie libre, prospère et solidaire”. La voie infinie tracée par dix ans d'illusoires IDE, de fictifs partenariats arabes et occidentaux ou celle, étroite, tracée par le discours de Biskra qui effaçait les dettes des agriculteurs ? Comment peut-on, en une année, passer d'une conviction aussi enthousiaste à un doute aussi angoissant ? “Je suis surpris par une avalanche de mesures qui fait que je ne possède plus les éléments de la gestion de mes activités, une liberté que je pensais acquise depuis maintenant deux décennies. Or, ce n'est pas le cas”, s'étonne Omar Ramdane. À force de fermer les yeux quand on interdit la télévision aux opposants, quand on juge les journalistes, quand on matraque les fonctionnaires en grève… La liberté est une, il n'y a pas de liberté d'entreprendre sans liberté tout court. C'est même la finalité de la répression des libertés que de contrôler autoritairement la ressource économique et son mode d'allocation. L'absolutisme qui, aujourd'hui, autorise les improvisations les plus dommageables n'aura été possible que grâce à l'unanimisme que le pouvoir exige de la société depuis 1999 et auquel les élites les plus averties, dont les entrepreneurs, consentent à chaque fois qu'elles sont sollicitées. Chacun devrait donc savoir supporter sa part du bilan. M. H. [email protected]