Résumé : Mohamed constate que sa mère s'affaiblissait de plus en plus. Elle finira par expirer sur son dos. Anéanti par le chagrin, Mohamed passe la nuit auprès de son corps, avant de l'enterrer et de reprendre son chemin… 23eme partie Il passe la nuit dans le café d'un village, puis reprend la route au petit matin. Avec l'argent qu'il avait sur lui, il put s'acheter un cheval et quelques victuailles. Il galope une bonne partie du jour et de la nuit. Au matin, et après un repos bien mérité dans une ferme, il entrevoit les contours de la grande ville. Enfin il est arrivé ! LA GRANDE VILLE Mohamed se dirige à grands pas vers la grande route qui lui faisait face tout en tirant sur la bride de son cheval. Ce dernier boitait. Il a sûrement marché sur quelque chose de dur qui est restée coincée dans son fer à cheval. Mohamed traverse la grande route et est tout de suite happé par les bruits de la ville. Des charrettes, des diligences tirées par des chevaux encombraient les chaussées. Des enfants sont accompagnés par des femmes habillées de longues robes et coiffées de larges chapeaux retenus par des rubans sous leur menton, des hommes habillés de costumes et de chapeaux haut de forme les suivent. Tout au long de ces grands espaces pavés de briques rouges ou blanches, des magasins s'alignaient. Ici, ce sont les tailleurs, et en face, ce sont les coiffeurs, puis plus loin des espaces d'habillement et de mode. Mohamed sentit le vertige le gagner. Jamais il n'avait vu autant de monde et autant de magasins. Certes, on lui avait déjà parlé de cette grande ville et de ses secrets, mais maintenant qu'il est lui-même dans ses artères, il n'en revenait pas. Se sentant un peu dépaysé par tant de nouveautés, il continue de marcher le long de ce grand boulevard qui n'en finissait pas. Quelques passants lui jetaient des regards curieux. “Je dois être sale et repoussant après ce long voyage”, se dit-il. La plupart des passants étaient des Français. Mohamed n'avait pas encore rencontré des pays. Il se retrouve enfin devant l'entrée d'un café maure. Accrochant la bride du cheval à l'entrée, il pénètre dans l'enceinte de la grande salle et s'assoit à une table avant de commander un café bien serré. Mohamed ressentait encore la fatigue des derniers jours. Il avait besoin de prendre un bain et de dormir un peu, et aussi de voir un maréchal ferrant pour arranger le fer endommagé de son cheval. Mais comme il ne connaissait pas encore la grande ville et ses ruelles, il se dit qu'avant tout il devrait se renseigner. Il entrevoit un vieil homme assis non loin de là et s'approche de lui. L'homme le toise un moment avant de l'inviter à s'asseoir. - Alors jeune homme, on vient d'arriver ? - Comment le savez-vous ? demande Mohamed étonné. - Rien de plus simple à deviner. Tes vêtements sont en pièces et tu sens l'odeur reconnaissable du foin et des écuries. Mohamed sourit. - Je ne savais pas que cela se voyait autant. - Cela se sent aussi, répondit l'homme en souriant. Il invite Mohamed à s'asseoir à sa table et paye les consommations avant de prendre un paquet de tabac à chiquer et de rouler une cigarette. - Tu en veux une ? Mohamed secoue la tête : - Je ne fume pas. - Ah… Tu n'es pas encore “roulé”. - Dans mon village, seuls quelques émigrés osent exhiber une cigarette. - De quel village es-tu ? - Du village M… - Mais c'est bien loin ! s'exclame l'homme. Et que viens-tu chercher en ville ? - Du travail. Y. H. (À suivre)