Le gouvernement britannique s'est fait longtemps méditatif avant de se décider. En principe, Moumen Khalifa est désormais extradable. Sûrement que ses anciens “amis” en sont déjà effrayés. Non qu'ils soient peinés de voir le vieux copain, prodigue et bienfaisant, risquer de perdre sa liberté pour très longtemps, mais pour ce qu'il risque de cracher comme morceaux. Et ce qu'il reste comme ressorts judiciaires à l'enfant prodige de la réussite à l'algérienne a de quoi rassurer les anciens bénéficiaires des retombées du miracle Khalifa. Avec ou sans l'aide du gouvernement britannique, un procès en présence de Moumen Khalifa, justement parce qu'il sera le procès du système de la corruption, n'est pas près d'avoir lieu. L'unique procès Khalifa, sur les quatre prévus, et dont trois ont apparemment été enterrés, avait montré combien il était difficile de concevoir une si grosse arnaque avec de si petits prévenus. On dirait que la procédure de l'arrêt de renvoi a été imaginée pour désigner au tribunal qui est condamnable et qui ne peut l'être. Si bien qu'une impression de justice ligotée couvrait de malaise l'ambiance des débats. C'est peut-être la raison pour laquelle les dossiers suivants ont connu le sort que connaissent, dans notre pays, les dossiers qui gênent : le silence et l'oubli. Pendant ce temps-là, nous nous passionnions pour les remises de délai répétées des juges et du gouvernement anglais. Avec la décision du ministre de l'Intérieur de Sa Majesté, débutera très probablement l'épisode de l'appel au terme duquel l'affaire sera éventuellement portée devant le Cour européenne des droits de l'Homme. L'affaire illustre la vitesse de traitement des décisions d'extradition par la justice britannique : la France a mis une dizaine d'années pour faire traverser la Manche à un terroriste avéré. On peut alors comprendre que les Anglais mettent un peu plus de temps pour envoyer si loin, vers une justice à l'équité et à l'indépendance improbables, un prévenu qui n'a assassiné personne. D'ici là, un procès Khalifa aura des allures de reconstitution et le public sera peu concerné par une cause d'une autre époque. Moumen Khalifa fait aujourd'hui figure de simple épouvantail brandi contre ses anciens protecteurs et créanciers. Qui sont grossièrement les mêmes. Sa prison londonienne les met à l'abri de ses menaçants aveux, même si les complicités qui ont rendu possible son empire de carton sont un secret de Polichinelle. Mais, pas de Khalifa, pas de coupables, sinon quelques lampistes qui gravitèrent autour des mouvements de la caisse d'El Khalifa Bank. Il n'est pas dit que la seule extradition de Khalifa libérera le processus de vérité. Mais finalement, on a fait de lui, avec l'aide du système politico-judiciaire britannique, l'anti-messie, celui par qui la vérité viendra, mais qui ne viendra pas. Et la boucle est bouclée. Une procédure pointilleuse aura empêché qu'éclate la vérité sur l'énorme montage politico-financier qui est à l'origine du plus grand scandale de l'Algérie indépendante. M. H. [email protected]