Quand un officier de la Grande muette parle, il faut l'écouter. Si, en plus, c'est un chercheur, alors il faut bien ouvrir ses oreilles. Cela a été confirmé hier matin lors de la conférence-débat animée par le colonel à la retraite, Noureddine Amrani, au Centre d'études stratégiques d'Echâab. L'intitulé, “prolifération nucléaire et désarmement, analyse stratégique” étant d'actualité brûlante, l'intervention de l'officier est venue éclairer plusieurs lanternes pour les nombreux présents dans la salle. Même s'il a axé son analyse sur la crise créée autour de l'Iran, l'Algérie n'a pas été “omise”. À une question sur les chances de l'Algérie d'avoir une arme nucléaire, le colonel Amrani a été tranchant : “Nous avons raté le train.” Il expliquera qu'il y avait plusieurs raisons à cet état de fait. “Ça coûte les yeux de la tête”, argumentera-t-il, précisant entre autres, que “nous n'avons pas les infrastructures nécessaires”. Il préconisera d'opter pour la “dénucléarisation régionale voire continentale”. Une option qu'il avait choisie parmi les quatre “moyens de parade” des pays du Sud dénucléarisés. Les trois autres étant la dissuasion nucléaire “qui coûte énormément d'argent et de compétences” et qui “n'est pas une option à retenir”, le parapluie nucléaire qui “va nous ramener à l'histoire des blocs”, et enfin, le désarmement. Concernant l'immense pression faite sur l'Iran à cause de son programme nucléaire, le chercheur s'est montré très critique. “C'est un procès d'intention”, dira-t-il, fustigeant les condamnations répétées du Conseil de sécurité de l'ONU qu'il a décrites comme “un acharnement”. Il rappellera que l'Iran a ratifié le TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) dès 1970 “et ça ne lui interdit pas d'avoir un programme nucléaire à des buts pacifiques”. En faisant le parallèle avec ce qu'a subi l'Irak en 2003 “à cause” des fameuses ADM (Armes de destruction massive), le conférencier lança qu'“on n'a pas droit à l'erreur”. Pragmatique et minutieux, le colonel Amrani s'est également attelé à faire des projections. Pour cela, il s'est attardé sur celle qui fait la une de tous les médias occidentaux, une éventuelle attaque israélienne contre les sites nucléaires iraniens. Chiffres et cartes à l'appui, l'officier démontre que le rapport de force (même si les Perses sont plus nombreux, 70 millions contre 7 millions pour Israël) n'est pas équilibré. Ainsi, les missiles de l'entité sioniste ont des portées variant entre 120 et 1 500 kilomètres. Celles de l'Iran sont de 300 et 600 km, “les dernières sont de 1 300 km”, précisera-t-il. Pour les avions de combat, Israël en a 461, alors que de l'autre côté, on dénombre 361 “et, en plus, les Iraniens ont des avions de vieille génération”. Même topo pour le nombre de chars, 3 501 contre 1 613. C'est uniquement sur le nombre des fantassins qu'un certain équilibre peut être énoncé : 176 500 militaires en temps de paix, et 565 000 réservistes pour Israël (service militaire obligatoire pour hommes et femmes), alors que pour l'Iran ce sont respectivement 523 000 et 350 000. Toutefois, la comparaison penche lourdement lorsqu'est abordée la doctrine israélienne que le chercheur a appelé celle de “la dissuasion ambiguë”. Il affirme que l'entité sioniste (qui n'a jamais ratifié le TNP) aurait en sa possession “entre 80 et 100 têtes nucléaires”. Un programme tenu au secret depuis 1960 sans aucune réaction des pays occidentaux, pourtant si prompts à accuser l'Iran d'avoir de présumées intentions.