Ce n'est pas parce que le championnat professionnel a été lancé cette année en Algérie que la violence dans les stades va disparaître d'un coup de baguette magique, serions-nous tentés d'affirmer tout de go eu égard aux derniers incidents survenus récemment dans nos stades de football. En effet, les échauffourées entre supporters, les envahissements de terrain, les fumigènes et le caillassage des bus des joueurs mettent déjà à mal le premier championnat pro de l'Algérie post-indépendance, et ce, en dépit de la batterie de mesures prises par les instances de football. La semaine précédente, à Béjaïa, lors du derby JSMB-ESS, des supporters sétifiens mécontents du résultat de leur équipe n'ont pas trouvé mieux à la fin de la partie que d'envahir la pelouse du stade de l'Unité maghrébine et de provoquer des incidents avec la galerie adverse. Les policiers qui ont dénombré des blessés de part et d'autre ont procédé à des arrestations. Vendredi soir à Bordj Bou-Arréridj, la défaite du CABBA à domicile contre la JSK n'a pas été du goût des fans locaux qui ont pris à partie les bus des deux équipes, semant la panique. Deux exemples qui montrent déjà que le phénomène est loin d'être jugulé. Le pire est sans doute à venir dans la mesure où plus l'enjeu se précise, notamment celui de la relégation, plus la tension augmentera et charriera donc avec elle son lot de violences. C'est dire qu'il faut d'ores et déjà tirer la sonnette d'alarme et prendre des mesures urgentes en dehors des sanctions ordinaires de la commission de discipline de la LNF car, faut-il le rappeler encore, la lutte contre la violence dans les stades est une affaire de sensibilisation et de prévention et non pas de sanctions prises au pied levé pour parer au plus pressé. À ce titre, une rapide lecture du cahier des charges du professionnalisme permet de savoir en fait que ce document accorde une large place à la lutte contre la violence dans le milieu du football, à commencer par l'obligation faite aux clubs de “désigner un responsable de la sécurité, doté des attributions nécessaires et disposant pour cela de tous les moyens qui lui permettent d'assurer pleinement les missions qui lui sont dévolues, notamment pour l'encadrement des supporters et la lutte contre la violence dans les enceintes sportives”. Responsables de sécurité, dites-vous ? Ce responsable de la sécurité, lit-on dans le cahier des charges “doit avant chaque rencontre : - être en relation avec le président du club, apprécier au mieux les risques que présente le match considéré et en informer les dirigeants de son club, lesquels doivent aviser le responsable du service de sécurité au niveau local ; - organiser, en liaison avec le président du club, le responsable du comité des supporters et avec toutes les autres parties concernées une concertation sur toutes les questions relatives à l'organisation et à la sécurité de la rencontre ; - prendre les mesures d'accompagnement et d'encadrement appropriées des supporters afin de prévenir tout incident préjudiciable au déroulement de la rencontre ; - veiller, en liaison avec le responsable de la billetterie, à la séparation obligatoire des guichets de vente de billets entre les supporters des deux clubs en compétition ; - assurer le contrôle des personnels chargés de vérifier les entrées et, éventuellement, modifier ou renforcer le dispositif mis en place dans ce domaine avec le responsable des guichets et de la billetterie ; - organiser l'emplacement et le contrôle des supporters des clubs présents dans des tribunes séparées qui leur auront été préalablement attribuées et prendre, en liaison avec les représentants des comités de supporters toute mesure appropriée en la matière dans le respect du dispositif sécuritaire mis en place”, soit autant de mesures préventives qui n'ont pas été respectées par exemple pour le premier derby de la capitale, CRB - MCA, qui a connu quelques échauffourées, notamment lors de la vente des billets dans la matinée du samedi. En outre, selon toujours le cahier des charges, “le club sportif professionnel organisateur est tenu pour responsable des incidents qui peuvent se produire dans l'enceinte et aux abords de l'installation sportive du fait de l'attitude de ses joueurs, entraîneurs, dirigeants et supporters ou de l'insuffisance de l'organisation lui incombant. Il est tenu également d'adresser, au plus tard dans les 48 heures, le rapport de sécurité établi par le responsable de la sécurité et relatif à toute rencontre à la Ligue sportive nationale professionnelle, à la Fédération sportive nationale et aux autorités concernées”. Où sont les comités de supporters ? Par ailleurs, pour combatte la violence dans les stades, le cahier des charges énumère “les conditions et obligations en matière d'encadrement des supporters” et oblige le club sportif professionnel à créer en son sein un comité de supporters chargé : de mettre en place un dispositif d'encadrement des supporters ; de participer à la détermination et à la mise en œuvre de toute mesure susceptible de prévenir et de lutter contre la violence dans les enceintes sportives, notamment celles facilitant l'ordre, l'accueil, l'accompagnement et la protection des équipes visiteuses et de leurs supporters ; de la promotion du fair-play et de la sauvegarde de l'éthique sportive. À ce titre, note le cahier des charges, “la liste des responsables du comité de supporters doit être communiquée à la Fédération sportive nationale, à la Ligue nationale sportive professionnelle, à la direction de la jeunesse et des sports de la wilaya concernée et aux services de sécurité au niveau local”. Vous pouvez faire le tour des clubs soi-disant pros, vous n'en trouverez pas un seul qui dispose d'un comité de supporters digne de ce nom alors qu'en fait, “le club sportif professionnel s'engage à mettre en place un dispositif d'accueil d'animation, de contrôle et de sécurité à l'intérieur de l'installation sportive. Il est tenu de prendre toutes les dispositions utiles et nécessaires en relation avec le responsable des services de sécurité au niveau local en cas de manifestations hostiles aux arbitres, aux délégués, aux joueurs, aux dirigeants de l'équipe visiteuse, ainsi qu'aux supporters”. Et sur le fait qu'il doit disposer “d'une installation de vidéo-surveillance selon des modalités à établir avec la Fédération sportive nationale concernée”, il y a lieu tout simplement de s'interroger si ces recommandations au demeurant intéressantes sont réalisables.