Neuf jours après s'être lancé dans la course à la Maison-Blanche, le général à la retraite Wesley Clark est un phénomène politique qui bouscule les candidats les mieux placés pour l'investiture démocrate et inquiète les amis républicains du président George W. Bush. L'ex-commandant suprême des forces de l'Otan en Europe se retrouve déjà dans le peloton de tête des sondages pour les premières élections primaires démocrates, qui se tiendront en janvier dans les Etats d'Iowa et du New Hampshire où il talonne Howard Dean, l'ex-gouverneur du Vermont toujours considéré comme favori. Un sondage de l'institut Gallup pour le quotidien USA Today, publié en début de semaine, le donnait même gagnant de justesse face à George W. Bush. L'entrée en campagne tardive de M. Clark “brouille les cartes” des primaires où dix prétendants s'affrontent désormais, relève Andy Kohut, le directeur du Pew Research Center, en commentant la dernière enquête d'opinion conduite par cet observatoire électoral indépendant de Washington. A une question demandant de nommer un candidat démocrate à la présidentielle de novembre 2004, 15% des électeurs de ce parti, interrogés ont cité Wesley Clark, juste derrière Howard Dean et le sénateur John Kerry (Massachusetts), mentionnés chacun par 18% des répondants. Le sénateur Joe Lieberman n'a recueilli que 14% des réponses. En termes de préférences parmi les candidats démocrates dans le grand public au niveau national, le sondage du Pew publié jeudi soir montre que 53% des personnes ayant entendu parler de lui pourraient voter Clark à la présidentielle de novembre 2004, contre 50% pour Joe Lieberman, 49% pour John Kerry, 47% pour le représentant Dick Gephardt et 46% pour Howard Dean. “Wesley Clark a un énorme potentiel qui est encore largement inexploité”, note Thomas Mann, un politologue de la Brookings Institution, un institut privé de recherche. Ses décorations, son opposition à la guerre en Irak ainsi que ses critiques sévères de M. Bush plaisent énormément aux Démocrates”, qui voient en lui l'homme pouvant neutraliser l'avantage dont jouit le président sortant sur les questions de sécurité nationale, explique-t-il. En outre “Wesley Clark est très brillant, parle bien et a un physique avantageux”, relève encore Thomas Mann en notant “la bonne performance” du général à la retraite dans le débat télévisé de jeudi avec les autres candidats. “Je pense que nous pourrions très rapidement assister à un duel entre lui et Howard Dean pour l'investiture démocrate”, estime le spécialiste. Pour les Républicains, “il est clair qu'ils préféreraient voir George W. Bush affronter Howard Dean que Wesley Clark”, indique Allan Lichtman, professeur de sciences politiques à l'American University de Washington. “Howard Dean est dépeint comme étant très à gauche et impulsif”, une image de Démocrate que les Républicains aiment à cultiver, dit-il. Si ses concurrents s'abstiennent pour le moment de critiquer trop ouvertement Wesley Clark, plusieurs éditorialistes conservateurs et d'anciens militaires ont, en revanche, commencé à tirer à boulets rouges sur le candidat.