La Tunisie, l'Egypte, la Mauritanie, le Yémen, la Libye, des pays comme la Syrie et le Maroc et certainement bon nombre d'autres pays arabes qui suivront, annoncent des réformes pour une transition démocratique. Sera-t-elle effective ou avortée, tout dépendant des rapports de forces internes et externes ? L'Algérie versant dans l'attentisme serait-elle alors le seul pays en Afrique du Nord à faire l'exception ? Où l'on essaie de calmer le front social, tant par des promesses au moyen d'un monologue sans concertation véritable et débats contradictoires, la télévision officielle, l'Unique versant dans l'autosatisfaction, source de névrose collective, tout en injectant une masse monétaire sans précédent, transitoirement car tout le monde sait pertinemment que ce n'est pas la solution durable. 1. -Des instructions viennent d'être données par le gouvernement durant les mois de février et mars 2011 pour que les organismes chargés de l'investissement et de l'emploi agréent un maximum de projets avec de nombreux avantages financiers et fiscaux, tout en demandant à des administrations et entreprises publiques déjà en sureffectifs de recruter. Or, il convient de se demander si ces instructions s'insèrent dans une vision globale du développement du pays, s'ils concernent des segments porteurs de croissance durable ou ne s'assimilent-ils pas à un replâtrage pour calmer le front social grâce selon les données officielles à plus de 350 milliards de dollars de recettes de Sonatrach entre 2000/2010. Avec cette injection massive de la monnaie sans contreparties productives concernant tant ces projets que les dernières augmentations des salaires qui touchent tous les secteurs, ne faut-il s'attendre à un retour en force de l'inflation fin 2011 et surtout son accélération en 2012 nous entraînant dans une spirale infernale de hausse des prix avec pour conséquence à la fois la hausse des taux d'intérêt des banques freinant le véritable investissement et la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens ? Sachant que déjà de nombreuses PMI/PME qui constituent plus de 90% du tissu productif algérien sont en difficulté (bureaucratie, système financier sclérosé, foncier, concurrence de la sphère informelle produit de la bureaucratie qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation), il convient de se demander si ces jeunes promoteurs ont la qualification et surtout l'expérience nécessaire pour manager les projets, à l'instar de ce qui se passe partout dans le monde, diriger une entreprise dans un cadre concurrentiel afin d'avoir des prix /coûts compétitifs. Le risque n'est-il pas d'assister à un gaspillage des ressources financières, en fait de la rente des hydrocarbures, et à terme au recours au Trésor à l'instar de l'assainissement des entreprises publiques qui ont coûté au Trésor plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2010 et à une nouvelle recapitalisation des banques ? La trajectoire raisonnable, en attendant une véritable relance des segments hors hydrocarbures,n'aurait-elle pas été l'investissement le plus sur dans l'acquisition du savoir-faire par une formation additionnelle et des stages pour les préparer sérieusement à l'insertion dans la vie active durablement ? Quelle est la contribution à la valeur ajoutée réelle du pays des projets réalisés ; enfin ces projets et ceux réalisés s'insèrent-ils dans le cadre des valeurs internationales dans la mesure avec la mondialisation, malgré la crise, nous sommes dans une économie ouverte du fait des engagements internationaux de l'Algérie. 2. Concernant l'aspect macroéconomique global, il existe une loi universelle : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité relevant d'entreprises compétitives et l'on ne crée pas des emplois par des décisions administratives. Le taux de chômage officiel de 11% est fortement biaisé incluant les sureffectifs tant de administrations que des entreprises publiques, des emplois temporaires fictifs (5 mois non créateurs de valeur ajoutée comme par exemple pour faire et refaire des trottoirs) et les emplois dans la sphère informelle. En réalité il est supérieur à 20% et certaines wilayas déshéritées connaissant des taux de chômage réel de plus de 40%. Paradoxalement, du fait de l'allocation sectorielle d'investissement via la dépense publique, fortement biaisée privilégiant les emplois à très faible qualification comme le BTPH (70% de la dépense publique), les diplômés ont plus de chance d'être chômeurs expliquant le faible taux de croissance et l'exode des cerveaux. Que deviendront les 1,5 million d'étudiants sortis des universités en 2015 ? Dès lors se pose cette question stratégique : cette faiblesse du dépérissement du tissu productif en Algérie n'explique-t-elle pas que le taux de croissance n'est pas proportionnel à la dépense publique de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, 286 entre 2010/2014 avec 130 milliards de dollars de restes à réaliser des projets 2004/2009(quel gaspillage) etpourra-t-on créer entre 2009 et 2014, 200 000 PME/PME et trois (3) millions d'emplois ? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts ? 3- C'est que la majorité des observateurs nationaux et internationaux convergent vers ce constat : la réforme globale source de croissance durable est en panne. Le constat est que durant cette période de transition difficile d'une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l'Etat de droit est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu dedistribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux des réformes souvent différées s'attaquant plus aux aspects techniques qu'organisationnels, alors qu'elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d'investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire est élevée malgré le fameux programme agricole(PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait de plusieurs de milliards de dollars de dépenses et que la bureaucratie et la corruption continuent de sévir. Comme conséquence, de ces résultats mitigés et de l'incohérence et du manque de visibilité de la politique socioéconomique, pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, la monnaie étant un rapport social traduisant la confiance entre l'Etat et le citoyen, nous assistons à la chute vertigineuse du dinar sur le marché parallèle qui est un des aspects de ce retour à l'inflation, au refuge dans les activités spéculatives, au découragement du savoir et des entreprenants, à l'extension de la sphère informelle, à des tensions à travers toutes les wilayas - contre la hogra, la corruption, la mal-vie - d'une jeunesse dont le slogan “Nous sommes déjà morts”, ce qui traduit l'impasse du système économique à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition pour faire face à ce malaise social. 4.- Les partis FLN-RND-MSP qui aux dernières élections représentent à peine 25% des inscrits au corps électoral selon les chiffres officiels du ministère de l'Intérieur, ne pouvant se targuer de parler au nom de toute la population algérienne, mus par la conservation du pouvoir via la rente, mais inconscients et déconnectés des attentes de la société et notamment de la jeunesse, feront tout pour freiner les réformes nécessaires ou toléreront tout au plus un replâtrage du système. C'est dans la suite logique de ce replâtrage que l'actuel président du Conseil économique et social qui depuis 2007 avec le départ du défunt Salah Mentouri n'est en fait qu'un appendice du pouvoir, sans esprit de propositions alternatives et dont la composante n'a pas été renouvelée depuis des décennies, propose de piloter une conférence pour mobiliser la société civile. En fait plus de 90% des 84 000 associations existantes, nationales et locales, vivant du transfert de la rente, sont des appendices du FLN, du RND et du MSP, sans aucun impact réel, à l'exception de quelques-unes, où à chaque mouvement de protestation on ne retrouve que les jeunes face aux agents de l'ordre public. Cela est logique car la démocratisation entraînerait la disparition presque totale tant de ces partis que de ces associations. Evitons le monologue et élargissons le débat à d'autres segments de la société plus représentatifs qu'il s'agit de créer dont il s'agit d'éviter l'instrumentalisation afin d'éviter ce divorce croissant entre Etat et citoyens. Car, du fait que la crise multidimensionnelle que traverse la société algérienne est systémique, cela dépasse le cadre strictement économique, renvoyant à des aspects politiques impliquant une gouvernance renouvelée et donc la refondation de l'Etat, si l'on veut éviter à terme une implosion sociale aux conséquences désastreuses pour le pays. (*) Expert International N. B. : Le professeur Abderrahmane Mebtoul a dirigé avec une équipe pluridisciplinaire complexe composée d'économistes, de sociologues et de démographes entre 2007 et 2008 un important audit pour les pouvoirs publics sur le thème-problématique de l'emploi et des salaires (huit volumes, 980 pages).