Le secrétaire général du RND a apporté son appréciation sur le malaise social, les réformes politiques préconisées, le devenir de l'Alliance présidentielle… Il a aussi clairement signifié que le président Bouteflika ne briguerait pas un quatrième mandat et qu'il est loisible de créer de chaînes de télévision avec un capital mixte (privé-public). Il a annoncé, en outre, la mise en place d'un crédit bancaire rémunéré sans intérêts. Pour sa deuxième sortie publique, en dix jours, le secrétaire général du RND n'a pas (ou n'a pu) occulté les questions cruciales relatives à la situation interne du pays et les projections sociopolitiques que lui préparent les autorités nationales. Jeudi, lors de la conférence de presse qu'il a animée à la Munatec de Zéralda à la fin des travaux de la 4e session du conseil national de son parti, il a été, dans ses réponses, tour à tour, diplomate, offensif, ironique ou carrément édifiant. Comme il fallait s'y attendre, il a été d'abord interpellé sur le front social en ébullition depuis des mois. Encore une fois, il a pointé un doigt accusateur envers les marionnettistes de l'ombre qui tirent, selon son avis, les ficelles de la contestation populaire. “Ceux qui veulent brûler l'Algérie ont échoué”, a asséné le secrétaire général du RND, qui a jugé anormal de chercher “à créer l'anarchie et de prendre toute une société en otage.” Appelé à identifier ces acteurs qui manœuvrent, selon lui, à exploiter la détresse des jeunes, il a estimé qu'il “n'est pas important de donner des noms.” Il a reconnu, néanmoins, que les raisons de la colère, notamment du côté des jeunes, se justifient. “Je ne nie pas le problème. Pour dire qui a exploité cette situation, l'argent sale qui a obtenu une partie de ce qu'il voulait, c'est-à-dire la suppression de la facturation, de l'obligation de paiement par chèque pour les transactions supérieures à 500 000 DA…” L'échec d'un ministre n'engendre pas une crise politique Sur la propension du gouvernement à remettre en cause, sous la pression de la rue, des mesures qu'il a prises pour lutter notamment contre la corruption, le blanchiment d'argent et son circuit le commerce informel, Ahmed Ouyahia a rassuré : “L'état n'est pas faible. Il est comme une mère, impuissante devant ses enfants.” Sur le caractère quelque peu discriminatoire de la décision du Conseil des ministres du 22 février dernier de favoriser les jeunes âgés de moins de 35 ans dans l'accès à l'emploi et surtout le logement, le patron du RND a souligné que le texte réglementaire qui réserve 40% des logements sociaux aux moins de 35 ans n'est pas lié à la crise. “Il remonte à 2003. Quant à l'emploi des jeunes, ce n'est pas une fumisterie algérienne. Ce ne sont pas des mesures ségrégationnistes. ça peut convaincre ou pas. C'est mon avis.” Concernant la revendication salariale, brandie par une multitude de secteurs d'activité, Ahmed Ouyahia a indiqué que la fonction publique, que l'état veut réhabiliter, est appelée à avoir des augmentations conséquentes. “Le secteur économique public est, en revanche, une source d'inquiétude. L'état fait un énorme effort d'assainissement. S'il n'y a pas de bon sens pour valoriser cette relance, les travailleurs tueront les entreprises”, a-t-il argumenté. Il a rappelé que pour maintenir la paix sociale, l'état met en œuvre un programme de 21 milliards de dinars. “Ce n'est pas de la science-fiction. Cela se traduit par des logements, de l'emploi, des hôpitaux, un plan de charge des entreprises…”. Sur l'incapacité de certains ministres, dont celui de la Santé et celui de l'Enseignement supérieur, à contenir la contestation qui ébranle leur secteur, le secrétaire général du RND, et non moins Premier ministre, a soutenu que “la crise ne dépend pas d'un homme”. Au-delà, il a souligné que “l'échec d'un ministre n'engendre pas une crise politique.” Justement, au chapitre du politique, Ahmed Ouyahia a attesté que le chef de l'état n'a consulté aucun parti politique sur les réformes qu'il veut engager. Il a soutenu, néanmoins, que son parti apportera sa touche à tous les projets qui seront mis en route. “à chaque fois qu'une réforme politique est engagée, le RND y participera (…) Le jour où le jeu sera ouvert sur la révision constitutionnelle, nous donnerons notre avis”, a-t-il déclaré. Il a positionné néanmoins son parti, d'ores et déjà, contre le régime parlementaire. Il a informé, par ailleurs, que les députés du RND prendront part à la commission d'enquête parlementaire sur les émeutes du mois de janvier, qui va être constituée sur instigation des élus FLN. Tout en refusant de polémiquer avec le président du MSP, Ahmed Ouyahia s'est montré catégorique : “l'Alliance présidentielle ne sera pas élargie à d'autres partis politiques.” Il a rappelé que ce conglomérat se cristallise autour du projet du président de la République. Il ne sous-entend pas, pour autant, une alliance des trois partis à tous les niveaux. “L'Alliance présidentielle est amenée à disparaître tôt ou tard”, a-t-il suggéré. Sans vouloir non plus commenter le manque de mobilisation de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie aux marches du samedi, le secrétaire général du RND a expliqué que les rues d'Alger continueront à être interdites à ce type de démonstrations populaires pour ne pas rééditer l'expérience du siège de la place des Martyrs par les militants du FIS dissous en 1991. “Nous avons vu à quelle situation nous ont mené ces manifestations insurrectionnelles. Nous ne sommes pas des récidivistes.” Il a indiqué, toutefois, que les marches sont autorisées dans les 47 autres wilayas. L'épisode de la marche non autorisée à Oran est lié, selon le conférencier, au fait que ses initiateurs n'ont pas déposé de demande auprès des autorités locales. Libye : la diplomatie a agi dans les limites de ses moyens Débordant sur la crise libyenne, Ahmed Ouyahia a déclaré que l'Algérie n'a pas le droit de prendre position pour une partie contre une autre par respect du principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un autre état. “On ne peut pas dire que la diplomatie algérienne a été absente. Elle a agi dans les limites de ses moyens”, a-t-il précisé. Il a rappelé, à l'occasion, qu'au moment où notre pays mangeait son pain noir par le fait du terrorisme, il n'a pas bénéficié d'un grand élan de sollicitude de la part des autres nations. “Aucun peuple, aussi cher soit-il, ne mérite que le sang d'un algérien coule pour lui. Nous ne sommes pas prêts à faire la guerre à la planète. Autant que nous n'acceptons pas qu'un pays voisin se fasse massacrer. Il en va de notre sécurité.” Il était peu probable qu'Ahmed Ouyahia termine sa conférence de presse sans qu'on le presse de préciser ses intentions pour l'élection présidentielle de 2014. D'autant qu'il a ouvert une brèche, le 30 mars, lors de l'émission “Débat de l'heure” sur la chaîne satellitaire A3, en empruntant une phrase connue du président Valérie Giscard d'Estaing sur la “rencontre d'un homme avec son destin.” Cette fois-ci, le secrétaire général du RND a été plus clair. Il a, en effet, rappelé, qu'il n'était nullement partisan “de ceux qui mettent la charrue avant les bœufs. Nous ne sommes qu'en 2011. L'échéance est encore loin”. Il a dit, alors, qu'il voulait faire comprendre, par sa dernière assertion, que “personne ne reste à la présidence de la République à vie, y compris le chef de l'état”. Ahmed Ouyahia, après le ministre des Affaires étrangères, informe donc par des sous-entendus de plus en plus clairs que le président Bouteflika ne briguera pas un quatrième mandat. Il a révélé, par ailleurs, qu'une nouvelle formule de crédit bancaire, dans l'esprit du crédit islamique, sera bientôt mise en place. “Nous avons constaté qu'une bonne partie de la population n'adhère pas au crédit avec intérêt. Nous voulons alors encourager le crédit rémunéré, mais sans intérêt”, a-t-il indiqué. L'éventualité de supprimer le crédit documentaire, institué par la LFC 2009 ou restituer le crédit à la consommation, n'est pas à l'ordre du jour, selon Ahmed Ouyahia, au motif qu'ils ne constituent pas une priorité pour les citoyens. “Le crédit à la consommation a engraissé les entreprises de l'automobile. Depuis sa suppression, deux d'entre elles cherchent à investir en Algérie.” Il a suggéré, en outre, qu'il sera judicieux de créer des chaînes de télévision avec un capital mixte (privé-public). “Nous sommes, au RND, pour ce projet. Ce qui n'est pas encore la position officielle.” Selon Ahmed Ouyahia, l'état doit garder un certain monopole sur l'audiovisuel pour pouvoir contrôler la ligne éditoriale et superviser les programmes qui doivent être interdits à l'antenne car portant atteinte à notre culture et à nos mœurs. Souhila Hammadi