“Peurs, divisions et isolement inspirent et régentent les approches politiques du système au moment où le pays attend audace, imagination et transparence.” Les rangs des mécontents des réformes politiques promises par le président de la République s'amplifient. En effet, dans un communiqué au vitriol, rendu public hier, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) n'a pas lésiné sur les mots pour stigmatiser les projets de loi, particulièrement celui relatif à l'information qui traduit, à ses yeux, l'incapacité du pouvoir à l'évolution. “L'arsenal répressif qui constitue la substance et la philosophie du code de l'information soumis au Parlement traduit les desseins d'un pouvoir incapable d'évolution”, écrit le RCD. Selon lui, une étude approfondie de ce code souligne “la détermination du système à éliminer la citoyenneté dans le traitement et la gestion des affaires publiques”. Le RCD voit même dans quelques aménagements apportés dans la nouvelle mouture “une régression”, qu'il condamne par ailleurs. “Le RCD, qui a de tout temps milité pour l'instauration d'un code de l'information qui garantisse la crédibilité de l'information, dépénalise le délit de presse et protège le journaliste dans l'exercice de ses fonctions, condamne le statu quo, voire la régression auxquels tendent les quelques aménagements proposés dans cet avant-projet de loi.” Rappelant les règles universelles qui régissent les médias, le RCD, un parti à l'avant-garde des luttes pour les libertés démocratiques, dont le mérite a été d'introduire le débat autour de certains sujets tabous comme la séparation de la religion de la politique, un enjeu d'actualité, faut-il le préciser, l'organisation de la résistance contre le terrorisme ou encore l'abrogation du code de la famille, observe que la nouvelle loi encourage certains titres, proches de certaines officines du pouvoir, qui ont pollué la scène médiatique, soumettant notamment ce parti à un lynchage systématique. “La pollution de la scène médiatique par l'encouragement des titres exerçant à la limite de la délinquance, réceptacles de la publicité institutionnelle, toujours sous monopole, est reconduite au détriment du segment le plus sain du monde de la presse”, relève-t-il. Même l'ouverture de l'audiovisuel présentée comme “une révolution” par les pouvoirs publics est hypothéquée, estime le RCD. “La mise en place d'un conseil supérieur de l'audiovisuel indépendant, qui garantisse l'impartialité des chaînes publiques et leur respect du pluralisme, proposée par le RCD depuis des années, est parasitée par la création d'une autorité de régulation dont la composante est désignée et les délibérations soumises au fait du prince. L'ouverture du champ audiovisuel est hypothéquée par les ambiguïtés d'un code qui ouvre la voie à toutes les interprétations”. Et il n'y a pas que ce projet de loi pour lequel un débat est “simulé” au sein du Parlement et dont les élus de la majorité ont “été instruits” pour en réduire la portée, soutient le parti de Saïd Sadi. Il y a aussi le projet de loi sur la représentation des femmes dans les instances élues, la loi sur les partis et le code communal. “Garder en l'état un code de la famille archaïque et déplorer la faible visibilité de la femme dans la sphère politique relève du cynisme (…) Annoncer une réforme sur la loi régissant les partis et doper des groupes notoirement connus comme débris des services spéciaux confirme la volonté de maintenir l'opacité et la corruption comme code dominant dans la conception de la vie politique (…) Réduire encore plus les prérogatives de l'élu local et prétendre vouloir dépasser le marasme qui sévit dans l'administration territoriale témoigne de l'irresponsabilité et de la déconnexion des décideurs devant la dégradation des conditions de vie de l'Algérien et du divorce de la société et de l'Etat”. Bref, pour le RCD, “peurs, divisions et isolement inspirent et régentent les approches politiques du système au moment où le pays attend audace, imagination et transparence”. C'est pourquoi il réitère que les réformes sérieuses ne peuvent émaner que d'institutions élues démocratiquement. “Les effets d'annonce destinés à la communauté internationale sont quotidiennement démentis par les décisions et pratiques prises à l'intérieur du pays. La surveillance internationale massive et qualifiée des élections est une des conditions à même de pouvoir rétablir la confiance citoyenne et d'assurer une mobilisation conséquente de l'électorat sans laquelle la crise de légitimité du pouvoir politique grèvera encore la stabilité, la crédibilité et la performance de l'Etat”, conclut le communiqué. Pour le RCD, “les réformes politiques et sociales ne peuvent venir d'institutions issues des fraudes électorales”. Karim Kebir