La Russie a surpris la communauté internationale en dévoilant jeudi un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU condamnant les violences en Syrie perpétrées par “toutes les parties”. Un revirement qui pourrait bien faire avancer les choses. La résolution condamne la violence perpétrée par toutes les parties, y compris “l'usage disproportionné de la force par les autorités syriennes”, précise le projet de résolution. Une première quand on sait que jusqu'ici le couple Medvedev-Poutine était hostile à toute condamnation de Bachar al-Assad, menaçant de recourir systématiquement à leur droit de veto au sein du Conseil de sécurité. La France, dont le représentant à l'ONU avait vertement brocardé les responsables russes pour leur inaction, voire leur complicité dans les crimes contre l'humanité perpétré par leur protégé syrien, a même applaudi. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est dite pour sa part satisfaite de voir Moscou considérer pour la première fois que la violence de la répression exercée par le régime mérite d'être discutée à l'ONU. Elle a ajouté espérer pouvoir travailler avec la Russie, même si le texte contient en l'état “des éléments que nous ne pourrions pas soutenir”, en mentionnant “l'apparente parité” entre les forces de l'ordre syriennes et l'opposition. Comment expliquer la volte-face russe, car c'en est une même si le texte soumis au Conseil de sécurité paraît déséquilibré, mettant dans la même balance, la répression disproportionnée du régime de Damas et les manifestants pour la fin de la dictature ? Pour des observateurs, ce brusque changement d'attitude est à lier avec la situation qui prévaut en Russie depuis les législatives. Les Occidentaux, Washington et Bruxelles notamment, se sont, en effet, déclarés préoccupés par le manque d'équité et les irrégularités des élections législatives russes dénoncées par des milliers de manifestants. Le président Medvedev se l'est entendu reprocher en live par le président du Conseil européen. “Nous sommes (l'UE, ndlr) préoccupés par les irrégularités et le manque d'équité tel que rapporté (...) par les observateurs ainsi que par l'opinion publique russe”, a déclaré Herman Van Rompuy lors d'une conférence de presse conjointe avec le président russe Dmitri Medvedev à l'issue du sommet UE-Russie qui s'est tenu jeudi à Bruxelles. Et pour enfoncer le clou, il devait ajouter : “Nous sommes préoccupés par la détention de manifestants”. Plusieurs dizaines de milliers de Russes sont dans les rues du pays pour réclamer la fin du régime du Premier ministre Vladimir Poutine et la tenue de nouvelles élections législatives, dénonçant des irrégularités électorales favorisant Russie unie. On parle même de “Printemps de Moscou”, comparant le ras-le-bol des Russes à propos de leur pouvoir à celui des révoltes arabes qui ont fait tomber Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Ali Saleh en Tunisie, Egypte, Libye et Yémen. Les manifestations russes ont mis mal à l'aise le premier ministre Poutine qui veut récupérer les clefs du Kremlin l'année prochaine au point où il a annoncé sa décision d'équiper les 92 000 centres de vote de caméras pour que les électeurs puissent suivre en direct toutes les opérations du scrutin, de l'ouverture des bureaux de vote au décompte des bulletins ! C'est une attitude bien différente du Poutine bombant le torse et hyper confiant. Le président russe Dmitri Medvedev, tête de liste du partie Russie unie qui a remporté les législatives du 4 décembre, et qui devait prendre la place de Poutine à la primature, a informé la Commission électorale centrale de Russie de son intention de renoncer à son mandat de député, il était chef de file de la Russie unie qui officiellement a obtenu avec 49,32% des suffrages exprimés, 238 des 450 sièges dans la Douma de la sixième législature. Alors que selon l'ONU, plus de 5 000 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations en Syrie depuis le mois de mars, le Conseil de sécurité n'a pas réussi jusqu'à maintenant à se mettre d'accord sur une résolution qui condamnerait le régime du président Bachar al-Assad. La Russie, qui occupe ce mois-ci la présidence tournante du Conseil, a usé de son veto le 4 octobre pour torpiller un projet de résolution. La Chine avait également utilisé son veto. Avec la nouvelle disposition russe, la donne devrait changer. Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe doivent tenir une réunion urgente aujourd'hui au Caire officiellement pour répondre à la proposition de la Syrie d'admettre des observateurs sur son sol en échange de la fin des sanctions décidées par la Ligue. Il s'agira plutôt de travailler sur les propositions russes maintenant que les menaces russes et chinoises de brandir leur droit de véto sont pour ainsi dire levées. Quoiqu'il en sera, le régime de Damas est condamné, on ne tire pas impunément contre des civils comme sur des lapins. A fortiori contre son propre peuple. D. Bouatta