On assiste à l'impunité en dépit des promesses que des têtes de responsables d'entreprises et d'institutions publiques allaient tomber. Les déclarations de Abdelmoumène sont en train de brouiller notre vision sur les conditions d'ascension du groupe Khalifa. Qu'on ne se méprenne pas : nous avons affaire à la plus grande escroquerie de l'histoire de la criminalité financière du pays. Des sources bancaires concordantes nous disent que l'empereur déchu opérait de vastes transferts illégaux de capitaux. L'arrestation de cadres de Khalifa à l'aéroport d'Alger en possession de 2 millions d'euros non déclarés illustre ce trafic à large échelle. La banque de Abdelmoumène constitue la démonstration de l'opacité dans les transactions du groupe. Tout cela a été dit. Mais ce qu'on sait moins, ce sont les véritables chiffres sur les agences d'El-Khalifa Bank et sur ses salariés. Un responsable bancaire nous a confié que sur la centaine d'agences affichée, des dizaines n'étaient pas agréées. Autour d'une succursale agréée, par exemple à Oran, gravitaient des dizaines d'agences clandestines. Cela brassait de l'argent non déclaré à la Banque d'Algérie et au fisc. Sur le registre des salariés, Abdelmoumène affiche 20 000 employés, comme référence, à l'appui de sa réussite et du poids de son groupe. Rien ne le prouve. Mais ni la Cnas ni les impôts n'ont cherché à savoir plus, si effectivement le chiffre correspond à la réalité. Il y a là matière à interrogation. Comment ces institutions ne sont jamais penchées sur la véracité des assertions de Abdelmoumène, alors que la réponse à la question touche directement aux entrées fiscales et parafiscales au Trésor ? Par ailleurs, assure des sources bancaires concordantes, il sous-facturait ses opérations de remboursement des factures leasing. À ce sujet, les regards sont braqués sur les devises. Mais le trafic passait par les dinars. En effet, Abdelmoumène remettait à la banque domiciliatrice de l'opération la contrepartie en dinars de ses importations ou des sommes en devises correspondant aux factures leasing. La Banque d'Algérie met à sa disposition les devises. Elle n'est pas très regardante sur la nature de l'opération, puisque l'importation est libre. Le différentiel était donc versé en devises dans des comptes à l'étranger. C'est ce que qu'on appelle le transfert illégal de capitaux. Mais il faut de fins limiers pour démonter toutes ces opérations organisées en vue de grosses fuites de devises. Avec la déliquescence des institutions, l'Etat se trouve désarmé face à une criminalité d'un genre nouveau. C'est la brèche utilisée par Abdelmoumène pour clamer qu'il est plus blanc que les dirigeants qui ont mis fin à cette grande escroquerie inédite dans l'histoire de l'Algérie. Ce qui est plus grave, c'est que cette incapacité rend difficile le fait que l'Etat récupère l'argent. Il y a une perte du Trésor estimée par le Chef du gouvernement à 1,5 milliard de dollars. L'argentier du pays donne un autre chiffre. Cela dénote de l'état de la coordination au sein du gouvernement. Une autre brèche. Mais ce qui est sûr, c'est que cette affaire embarrasse au plus haut point nos dirigeants. C'est que de hauts responsables ont bénéficié de la manne de Abdelmoumène. C'est pourquoi, des cercles veulent étouffer le scandale, d'où l'impunité. Plusieurs mois, après que Ouyahia eut déclaré que des têtes vont tomber, aucun responsable n'a été touché. Comment peut-il être le cas, puisque ces responsables d'entreprises et d'institutions publiques qui ont déposé de l'argent chez Khalifa ont reçu des injonctions d'en haut ? N. R.