Si tous les pays à travers le monde édictent des réglementations et des procédures en matière de commerce extérieur, c'est pour mieux maîriser leurs flux commerciaux, sans pour autant en faire un obstacle qui découragerait le plus hardi des entrepreneurs et pénaliserait in fine la compétitivité de leurs entreprises et la dynamique de l'ensemble de leur système économique. L'Algérie qui compte parmi les plus gros importateurs des pays en voie de développement, consacre, annuellement, des dizaines de milliards de dollars (39,5 milliards de dollars en 2008, 39, 30 en 2009, environ 37 en 2010, et 46 en 2011) aux opérations d'importation des biens et services nécessaires au fonctionnement de l'économie et à la couverture des besoins de santé et d'alimentation de la population. Tout le monde s'accorde à dire que cette activité très lucrative est otage à la fois de la grande spéculation et d'une bureaucratie tatillonne et souvent corrompue. L'une des mesures de “nature politico- économique”, décriée autant par les entreprises que par les experts économiques et financiers, est sans nul doute, l'introduction du Credoc. Même si des assouplissements ont été apportés entre-temps, sous les pressions du patronat et des investisseurs étrangers, l'option est maintenue. Les pouvoirs publics quant à eux, arguent de la nécessaire traçabilité des flux commerciaux extérieurs et de la lutte contre la fraude, l'évasion fiscale et la fuite des capitaux. En ce qui concerne les aspects techniques et réglementaires, les importateurs sont soumis actuellement à un véritable parcours du combattant. Dossier administratif complexe exigé par les services douaniers, délais d'enlèvement excédant, dans bien des cas, deux, voire trois mois, engorgement des ports dû aux retards accumulés dans la modernisation et l'extension de leurs infrastructures d'accueil et d'entreposage, surestaries aux incidences financières très lourdes, désorganisation de la fonction distribution et approvisionnement du marché. Au final, c'est toute la chaîne logistique qui se trouve déséquilibrée, ouvrant la voie à la spéculation, au surenchérissement des prix, notamment des produits de large consommation, annihilant de fait les efforts de l'Etat en matière de soutient financier de ces denrées. Le mécontentement social n'est pas simplement le résultat de la donne politique, il est souvent généré par la mauvaise gouvernance, le manque de rigueur dans la gestion du service public et l'omniprésence d'une caste bureaucratique qui veut sa part “du gâteau”. La corruption, une recette miracle Dans cette activité qui engloutit des sommes faramineuses chaque année, est née, et s'est développée, une “recette miracle” avec laquelle les Algériens se sont désormais familiarisés et qui est censée ouvrir la fameuse “porte de sésame”. Il s'agit bien évidemment de la corruption. De certains cadres responsables au port à l'agent d'exploitation en passant par certains douaniers et même des policiers ripoux et quelques gendarmes gourmands, tout le monde veut sa “tchipa”. Près de 66 000 importateurs véreux recensés : séparer le bon grain de l'ivraie Ce phénomène n'est certes, pas propre à l'Algérie, mais il prend des proportions alarmantes chez nous. En mars 2010, le ministre du Commerce avait évoqué l'existence de prés de 66 000 importateurs véreux officiellement identifiés et répertoriés. Entendons nous bien, il ne s'agit pas de verser dans les amalgames, “la bonne graine devra être séparée de l'ivraie”. Il existe des opérateurs publics et privés qui importent des biens et services utiles à leurs activités de production (matière premières, produits semi-finis, biens d'équipement, services-études et expertise/ ingénierie…), en respectant les règles de la transparence dans les transactions financières et commerciales ainsi que dans la passation des contrats liés aux gros marchés. Malheureusement ces derniers sont confrontés aux tracasseries bureaucratiques citées plus haut. En revanche, il ne s'agit pas, non plus, de verser dans “l'angélisme” car la corruption existe bel et bien et l'interminable feuilleton des scandales politico-financiers, livrés et révélés régulièrement par la presse nationale, prouvent aux plus sceptiques, que quelles que soient les mesures prises et les instruments de lutte contre ce fléau mis en place, il y aura toujours des tentations irrépressibles d'atteinte aux deniers publics. Cette triste réalité renforce chez l'opinion publique, la perception d'un mode de gouvernance des entreprises et de l'économie en général, opaque et empreint de malversations, d'autant que la volonté politique de lutte contre la corruption n'a pas jusqu'à présent du moins, dépassé le stade des discours. Par-delà les aspects de corruption, la tendance à la restriction des importations, dans un passé récent, semble inversée aujourd'hui pour des raisons pas toujours évidentes et qui soulèvent bien des questionnements. . A. H.