Patrons et experts économiques critiquent la négligence de l'entreprise dans les thèmes de campagne électorale. À l'approche des législatives du 10 mai prochain, ils mettent l'accent sur les insuffisances des partis politiques en la matière. “Où sont les programmes des partis ?” s'interroge d'entrée Rachid Sekak, directeur général de HSBC. “Je n'ai pas eu les programmes des partis, du moins ceux à accès public”, soutient de son côté M. C. Belmihoub, professeur de management et de développement institutionnel. Omar Ramdane, président d'honneur du Forum des chefs d'entreprise (FCE) considère, quant à lui, que “les partis n'abordent pas les questions économiques”. Hassen Khelifati, P-DG d'Alliance Assurances, estimera, pour sa part, que “les positions des partis par rapport à l'entreprise ne sont pas claires”. Omar Ramdane précisera dans ce cadre qu'“on n'a pas encore de partis politiques étoffés qui font appel à des économistes”, estime-t-il, indiquant que “les partis sont en dehors des questions économiques”. Cette vision est largement partagée par Hassen Khelifati qui expliquera qu'“aujourd'hui, nous n'avons pas vu beaucoup de propositions sur l'entreprise”. “Il y a pour certains partis politiques plus de slogans que de programmes”, estime-t-il, avant de lancer : “On attend plus de détails pour voir ce qu'ils proposent.” Sur cette question, Réda Hamiani, le président du FCE, fera observer qu'“il y a un déficit de l'entreprise au niveau des partis : ils la connaissent mal et certains la diabolisent même”. Plus précis, M. Belmihoub estime que “l'entreprise est un thème totalement occulté dans les programmes des partis”. Pourtant, “c'est le cœur du problème de l'Algérie dans l'avenir”, dit-il, arguant, qu'“il n'y a pas de croissance sans l'entreprise”. Plus fondamentalement, M. Sekak suggère que la connaissance des programmes des partis est un impératif qui permettrait au citoyen de porter sa voix sur un candidat plutôt que sur un autre. “Il faut imposer que le citoyen s'exprime sur des feuilles de route et sur des programmes”, dit-il. Sur la problématique de l'entreprise, il fera observer qu'“il y a une urgence que tout le monde reconnaît qui est celle de la nécessité de sortir du pétrole et de diversifier l'économie”. “Ceci ne peut pas se faire uniquement par l'investissement public et par un financement du Trésor”, estime-t-il, avant de préciser que “cela passe obligatoirement par un rôle accru de l'entreprise privée”. Le FCE invite les partis à dévoiler leur programme économique Quoi qu'il en soit, le Forum des chefs d'entreprise prend l'initiative d'impliquer les formations politiques engagées dans les législatives du 10 mai prochain. Comment ? “On va inviter les partis politiques et les interroger sur leur programme économique”, annonce Réda Hamiani, précisant qu'on leur demandera “qu'est-ce qu'ils réservent à l'avenir du pays ?” Cette rencontre entre le FCE et les partis est prévue en avril prochain, annonce-t-il. Sollicité à propos des raisons d'une telle initiative, M. Hamiani indiquera que “le rôle du FCE est de les inspirer et de les renseigner pour qu'ils s'intéressent à l'économie”. “On va insister pour qu'ils nous aident et reprennent à leur compte les plaidoyers que nous produisons”, dit-il, avant de préciser qu'“on va leur présenter la véritable image de l'entreprise et leur expliquer que s'il n'y a pas de résultats, c'est surtout l'environnement qui manque d'attractivité et qui pèse lourdement sur le mode de fonctionnement de l'entreprise”. On en parle timidement Interrogé à propos de la place de l'entreprise nationale dans les programmes de campagne, les formations politiques qui sont restées discrètes et généralistes en la matière ont néanmoins donné quelques éléments de réponse. “Il faut donner la priorité à l'entreprise et surtout à la PME dans notre économie”, indiquera d'entrée Moussa Touati, le premier responsable du Front national algérien (FNA). “Au FNA, nous considérons que la meilleure manière de donner une dynamique à l'économie nationale est : réduire les importations, absorber la main-d'œuvre et promouvoir la PME nationale”. Comment ? “C'est en accompagnant les entreprises”, répond-il, précisant qu'“il ne faut pas laisser ces entreprises sans suivi comme ce qui se fait actuellement à l'Ansej”. “C'est faux ce qui se fait actuellement avec les PME”, dit-il, avant d'indiquer qu'“il faut revoir les systèmes d'accompagnement en mettant en avant la rentabilité et non pas la décision politique car actuellement le politique prime sur la décision financière”. Il plaidera tout autant pour la réduction des importations “pour permettre aux entreprises d'écouler leurs produits en Algérie”, dit-il. Le Rassemblement national démocratique (RND) par la voix de son responsable de la communication, Miloud Chorfi, indiquera que son parti compte promouvoir l'entreprise nationale “et essentiellement celles du secteur public”. “Nous voulons encourager la création de PME/PMI surtout celles que créeront des jeunes ainsi que l'accompagnement des PME déjà existantes”, dit-il. “L'entreprise est importante car elle a l'aptitude de créer l'emploi”. Côté Mouvement de la société pour la paix (MSP), Kamel Mida, responsable de l'information et des affaires politiques du parti, relèvera que “la place de l'entreprise et plus particulièrement la PME est primordiale dans l'économie nationale”. Son argument est que “l'entreprise crée l'emploi et traite le chômage”. Dans la vision de cette formation islamiste, “il faut encourager l'industrialisation de l'économie pour encourager la production”, tout comme il est impératif de “faciliter le financement des entreprises privées”. La mise à niveau de l'entreprise surtout d'un point de vu managérial est également préconisée car “on remarque un grand déficit dans le management des entreprises”, conclut-il. “Nous plaçons l'entreprise au centre de la production de la richesse et en tant qu'instrument de développement économique”, indiquera de son côté Kassa Aïssi, responsable de la communication au Front de libération nationale (FLN). “Jusqu'à maintenant, dit-il, le développement économique est soutenu essentiellement par l'investissement public et en particulier par les grandes infrastructures pour mettre à niveau le pays et lui permettre de recevoir les IDE”. Les efforts, lors des prochaines années, seront axés sur l'entreprise, dit-il, d'une manière générale et plus particulièrement sur la petite et moyenne entreprise “en tant que facteur multiplicateur et cadre privilégié de l'innovation technologique et de la diversification de la production, en particulier celle en mesure de trouver place au sein des marchés extérieurs”. Concrètement parlant, il fera observer que “l'accent qui sera mis sur l'entreprise devra appeler des mesures étudiées sur les plans fiscal et juridique qui connaissent actuellement des contraintes bureaucratiques”. Il faut une formation pour l'émergence de managers de qualité, préconise-t-il à ce propos. En matière d'investissement, M. Aïssi recommande de faciliter “l'accès au crédit”. “Il faut tout autant faciliter l'accès au marché extérieur”. N M