On est loin de la situation critique de 2001-2002 où le ministère des Ressources en eau, sur pression des décideurs, avait pris le taureau par les cornes en évitant le pire, en un mot, une grave pénurie hydrique, notamment dans la capitale, grâce à un programme d'urgence réalisé dans des délais record. Aujourd'hui, avec le niveau de réserves des barrages, actuellement très appréciable au centre et à l'est du pays, on oublie de prendre les mesures nécessaires à une politique intégrée de réalisation des projets dans le secteur de l'hydraulique, seule à même d'assurer l'efficacité des énormes dépenses injectées dans les programmes de mobilisation de l'eau, et partant, d'améliorer de façon durable l'approvisionnement en eau potable de la population. En ce sens, le rapport de l'Agence nationale des barrages, adressé aux plus hautes autorités, met le doigt sur les incohérences des actions menées sur le terrain, a-t-on appris, de source sûre. Il y a toujours un décalage entre la réalisation des barrages et celle des transferts ou des périmètres d'irrigation, entraînant une sous-exploitation des ressources en eau disponibles. En d'autres termes, on procède à l'achèvement des ouvrages, mais l'infrastructure n'est pas opérationnelle ou ne l'est que partiellement, faute d'adduction ou pour d'autres raisons. C'est ce qu'on appelle la mauvaise programmation. En résumé, on n'engage pas en même temps les travaux de construction du barrage et ceux de transfert. Plus précisément, le rapport cite des projets achevés, d'autres en voie d'achèvement, en cours de réalisation ou en voie de lancement. Pour les projets achevés, le barrage Oued Charef, mis en eau en octobre 1995, et celui de Zit Emba à l'Est sont sous-exploités. Les périmètres d'irrigation destinés à rentabiliser ces ouvrages ne sont pas encore réalisés. On est au stade des études. L'ANB préconise le lancement des travaux de ces périmètres. Le barrage de oued Mellouk, dans la wilaya de Aïn Defla, a été inauguré le 4 août 2003. Les travaux de transfert destinés à alimenter en eau potable (AEP) les agglomérations environnantes ne sont pas encore lancés. Pis, l'étude d'AEP n'est pas encore achevée. Concernant les projets en voie d'achèvement, le barrage de Koudiat Rosfa dans la wilaya de Tissemsilt, lequel sera mis en eau ce mois de décembre, ne connaît pas également de lancement des travaux de transfert. Les problèmes de pollution empêchent dans certains ouvrages une exploitation optimale des ressources. C'est le cas du barrage de Sikkak dans la wilaya de Tlemcen dont la mise en eau est prévue également en décembre. Cette opération, pour l'ANB, ne sera effectuée que si cette difficulté est résorbée par la réalisation d'une station d'épuration. Au chapitre des projets en cours de réalisation, le barrage de Tichy Haf dans la wilaya de Béjaïa, dont la réception est prévue en juin 2005, ne connaît pas également de lancement des travaux de transfert pour l'AEP, en dépit du fait que le retard dans la réalisation du barrage dépasse les dix ans. Celui de Koudiat Acerdoune, qui sera achevé également en 2005, risque de connaître la même situation. Les travaux d'adduction ne seront pas encore lancés. Par ailleurs, le barrage de Douéra au centre du pays ne peut être rentabilisé, pour l'ANB, sans le lancement dans l'immédiat des transferts Mazafran et El-Harrach. Les travaux de ces adductions ont fait l'objet d'inscriptions au titre des programmes neufs 2003 et 2004. Mais n'ont pas été retenus. À travers cette énumération de projets, on a une image de la mauvaise programmation en cours dans le secteur. On comprend pourquoi des millions d'Algériens ne profitent pas de la présence de la ressource à proximité de leurs agglomérations, c'est-à-dire, à des quantités importantes d'eau disponibles dans ces ouvrages, mais inutilisables. N. R.